Yoann Richomme : "Je m'accroche face à Charlie car ce sont plus ses conditions que les miennes, c’est son terrain de jeu"

 

Il reste encore 2 400 milles à parcourir pour les leaders du Vendée Globe, et Yoann Richomme, deuxième à bord de Paprec Arkéa, conserve toutes ses chances de décrocher la victoire pour sa première participation. Le double vainqueur de la Solitaire du Figaro n’hésite pas à exprimer son respect pour son rival, Charlie Dalin, skipper de MACIF Santé Prévoyance.


Crédit : Y Richomme



À huit jours de l’arrivée, au large des Sables d’Olonne, quelles sont les chances de Yoann Richomme pour tenter de coiffer Charlie Dalin sur le fil ? Le skipper de Paprec Arkéa ne relâche aucun effort et se tient prêt à saisir la moindre opportunité pour devancer son concurrent, dans une lutte acharnée qui dure depuis le début de l'océan Pacifique Sud.

« La route est plutôt directe jusqu'à l'arrivée », explique Yoann Richomme. « Nous verrons ce qui se passera lorsque nous traverserons le centre anticyclonique des Açores. Charlie devrait être ralenti un peu plus que moi, mais cela ne suffira peut-être pas à réduire l'écart. La fin s'annonce toutefois un peu chaotique sur le plan météo, avec des vents faibles… Je reste à l'affût de toute opportunité, mais ce n’est pas simple. »

Yoann Richomme sait que la compétition pourrait se jouer sur des détails qui influenceront la performance des deux IMOCA – le sien, conçu par Antoine Koch et Finot-Conq pour une grande efficacité au portant, face au modèle polyvalent de Charlie Dalin, signé Guillaume Verdier. « Je m'accroche, car ce sont plus ses conditions que les miennes, c’est son terrain de jeu. C’est difficile de voir les milles se réduire jusqu'à l’arrivée alors que je ne peux rien y faire. »

Mais dès que le vent portant sera de retour, le skipper de Paprec Arkéa prévoit un changement de dynamique. « Dès que nous serons au portant, je me sentirai peut-être un peu plus à l’aise, car mon bateau est très rapide dans ces conditions. Je vais donc pousser dès que possible pour tenter de rattraper mon retard, et on verra où cela nous mène à la fin. » Yoann Richomme n'hésite pas à envisager toutes les options, même les plus improbables, pour tenter de dépasser son adversaire direct. « Si je perçois une toute petite chance dans le routage, je la prendrai sûrement », confie-t-il.

Cependant, le skipper de Paprec Arkéa est aussi conscient que les derniers milles d’un Vendée Globe peuvent parfois tourner au fiasco lorsque les skippers poussent un peu trop des bateaux déjà fatigués. Il sait qu’il devra trouver un juste équilibre entre la vitesse et la préservation de sa machine, même s'il estime que son bateau est encore à 100 % de ses capacités.

« Si je finis par démâter dans les derniers milles, ce serait vraiment bête », déclare le marin de 41 ans, victorieux du Retour à la Base en 2023 et de The Transat CIC l'année dernière. « Je préfère finir deuxième, l’essentiel étant de trouver un équilibre. Il faut que je pousse comme je le fais toujours, mais sans faire d’erreurs, car ce serait trop dommage d'abandonner à ce moment-là. »

« J’ai bien navigué, et je n’ai commis qu’une erreur, une grosse erreur dans la dépression de l’océan Indien. Cependant, je ne la regrette pas trop, car c’était risqué pour Charlie. Ce n’était pas une décision que j’aurais pu prendre sans expérience dans le sud, donc voilà, je suis content de ce que j’ai accompli. »

La bataille, qui dure depuis 25 jours, a été exceptionnelle, mais Yoann Richomme – qui a parfois mené la course – semble plus détendu que ceux qui suivent l'épreuve sur la cartographie. « Je n’y pense pas constamment, donc je ne ressens pas vraiment la pression. J’essaie de rester calme. Quand vous regardez la cartographie, 150 milles, ça ne paraît pas énorme. Mais pour moi, c’est un sacré bout de chemin, donc je ne ressens pas cette impression de bataille acharnée que vous pouvez observer. Cela dit, la course a été intense, nous avons tous les deux bien navigué, avec des bateaux exceptionnels, et cela fait presque dix ans qu’on se bat l’un contre l’autre, ça n’a donc rien de surprenant. »

Il confie avoir hâte de retrouver « quelque chose de stable sous ses pieds » à son retour sur la terre ferme. Une chose l’a étonné durant cette traversée : sa capacité à gérer la solitude, après avoir passé plus de temps en mer que jamais auparavant. « Je n’aime pas vraiment être seul sur le bateau, donc passer de longues périodes seul en mer a toujours été un défi pour moi. Après deux ou trois semaines, ça commençait à me peser et je me suis dit que ça allait être difficile de tenir cette solitude sur la durée. »

« Mais au final, ce n'était pas si mal », ajoute-t-il. « Je ne peux pas dire que j’ai vraiment pris du plaisir, mais j'ai su en tirer le meilleur parti, et cela ne m’a pas paru trop long. Il y avait toujours quelque chose à faire, toujours quelque chose à anticiper. Je me suis bien préparé mentalement. D’une certaine manière, c'était l’une de mes faiblesses, donc je suis agréablement surpris du résultat. »

Lorsqu’on lui demande s’il envisagerait de revenir dans quatre ans pour un deuxième Vendée Globe, il rappelle que cette décision ne le concerne pas uniquement lui, mais aussi sa famille et ses sponsors. Il précise que cette campagne a été particulièrement intense, ayant débuté deux ans avant le départ de la course. La prochaine édition devra, selon lui, être différente.

« L’intensité est considérable, c’est un sacrifice important à faire, donc je devrai bien réfléchir », confie-t-il. « Cette fois-ci, le sacrifice a été encore plus grand, car nous avons monté l’équipe à partir de zéro il y a deux ans, avant de devoir rattraper le retard... Je suis fier de cela, mais pour la prochaine campagne, il faudra que l’organisation me permette de faire la course tout en ayant un peu plus de liberté dans ma vie. »

Source : IMOCA