"Charlie Dalin imprime le rythme quand il faut. Il a l'assurance et la confiance d’un leader" Sébastien Josse raconte

 

Après trois participations au Vendée Globe (en 2004, en 2008 et en 2016), Sébastien Josse livre aujourd’hui son regard éclairé sur la course.

Crédit : A Courcoux


Que faut-il retenir, selon toi, de ce premier mois de course ?

La flotte s’est clairement divisée en trois paquets. Ceux que l’on attendait sont aux avant-postes avec une surprise néanmoins : Sébastien Simon. Même s’il a un sacré palmarès, il a quand même moins navigué que les autres et son équipe est un peu moins structurée que celle de certains. On ne l’avait d’ailleurs pas trop vu sur les épreuves de qualification, en avant-saison. Il a fait une descente de l’Atlantique Sud assez incroyable et ça fait plaisir de le voir là où il est ! Ce qui est aussi marquant, c’est qu’il n’y a pas eu de casse au sud de l’Afrique du Sud, comme cela arrive assez souvent. Le cap de Bonne Espérance est généralement un peu le juge de paix dans l’entrée des Quarantièmes. Cette fois, ça s’est super bien passé à part pour Louis Burton. C’est de bon augure pour la suite. Ensuite, il y a bien évidemment le coup magistral réalisé par Charlie Dalin. On voit qu’il est en confiance, qu’il connaît son bateau par cœur, qu’il ose. Son choix stratégique de ces derniers jours était engagé. Il a réussi à rester devant cette très grosse tempête. Idem pour Sébastien Simon. Le risque, c’était d’être trop lent ou d’avoir une avarie, et de se faire rattraper par le mauvais temps. Pour finir, tout s’est bien passé. Les nouveaux bateaux permettent ce genre de choses car ils avancent à 23 nœuds de moyenne. Ils sont donc en mesure d’accompagner un phénomène météo et donc de faire un peu comme les multicoques.

Certains, dont Charlie Dalin, s’attendent à ce que les écarts se resserrent un peu au sud de l’Australie. Quel est ton avis ?

Charlie a un demi voire un système d’avance sur les autres. Il va se glisser sous l’anticyclone. Tout le monde va se retrouver sous l’influence de zone fermée de haute pression atmosphérique. Ça va donc certainement recoller derrière lui mais il a 500 milles d’avance sur Yoann Richomme, ce qui n’est pas rien. Ça lui permet, en tous les cas, de voir venir. Cela étant, le Vendée Globe est long. Ils ne sont “que” sous l’Australie et il peut se passer encore pleins de choses. En attendant, il marque les esprits en prouvant qu’il est là, chose qu’il avait peu fait sur son premier Vendée Globe. Il prend des risques. Il imprime le rythme quand il faut. Il a l'assurance et la confiance d’un leader, c’est sympa à voir.

La régate est d’un niveau extrêmement relevé. Es-tu surpris ?

Lors de la descente de l’Atlantique, compte tenu de la météo, les vitesses n’étaient pas exceptionnelles mais l’intensité à bord des bateaux était incroyable. Les manœuvres, les réglages… ils étaient à 100% en sachant qu’il y aurait ensuite un bénéfice à être devant. On voit aujourd’hui que ceux qui ont réussi à s'échapper sous Sainte-Hélène sont ceux qui ont bien régaté sur la descente de l’Atlantique. Cette dernière a, certes, été lente mais passionnante !

Penses-tu qu’un gros gap ait été franchi par rapport à il y a quatre ans, notamment par les bateaux à foils ?

Les foils étaient au point lors de la dernière édition mais en termes de performance, ils étaient un peu fragiles sur les systèmes. Là, j’ai l’impression qu’ils n’ont pas tapé et c’est tant mieux mais c’est sûr qu’il y a eu une étape de franchie. Les moyennes de vitesse de Sébastien Simon sur l’Atlantique Sud ont été assez phénoménales. On a vu des pointages à plus de 28 nœuds de moyenne sur quatre heures, ce qui représentent des vitesses assez folles : c’est plus rapide qu’un Ocean Fifty ! Les foils, la maîtrise des systèmes, la maîtrise des skippers de leurs bateaux, la stabilité… Tout ça a énormément progressé. On le voit justement sur ces moyennes de vitesse.

Cela promet pour la suite…

A la fin, il va y avoir un peu d’usure des bonhommes et des bateaux. Avec les traces sur la cartographie, on voit que certains bricolent de temps en temps. On ne peut pas savoir la manière dont les choses vont se passer ensuite mais dans l’immédiat Charlie Dalin sourit. On voit qu’il est bien, qu’il prend du plaisir alors que ça doit être super dur.

Source : VG