Sam Goodchild a rallié Lorient ce dimanche peu après minuit, huit heures après le vainqueur Yoann Richomme sur Paprec Arkéa et deux heures derrière Jérémie Beyou, à bord de Charal. Ces deux marins terminent donc respectivement deuxième et troisième de la saison IMOCA. Le skipper de For The Planet remporte le Championnat IMOCA et succède ainsi à Charlie Dalin, Champion IMOCA en 2022 à bord d’APIVIA, ainsi qu’en 2021, où il avait partagé son titre avec son co-skipper Paul Meilhat.
Originaire de Falmouth en Cornouailles et âgé de 34 ans, Sam Goodchild décroche ce titre à l’arrivée de sa première transat en solitaire en IMOCA où il s’est montré particulièrement tenace et compétitif aux commandes de l’ex-LinkedOut, face à des montures récentes. Une performance qui dément la brève expérience du marin dans la Classe IMOCA.
Ce titre récompense également une année durant laquelle il a parcouru environ 32 000 milles en course, d'abord à bord de Holcim-PRB, où il a remporté trois des quatre étapes qu’il a disputées sur The Ocean Race. Il a aussi participé à la Guyader Bermudes 1000 Race en mai, la Rolex Fastnet Race en juillet, le Défi Azimut en septembre et la Transat Jacques Vabre en novembre. Il a navigué aux côtés d'Antoine Koch sur les courses double, à l'exception du Défi Azimut où il était avec Thomas Ruyant, et a terminé à la troisième place dans chacune de ces courses.
« C'est encore mieux que tout ce que j'aurais pu imaginer », déclare-t-il à propos de sa victoire du Championnat l'IMOCA Globe Series 2023. « On me demande toujours quelles sont mes attentes et je n'ai jamais vraiment mis de chiffre dessus. Si vous m'aviez demandé en début de saison comment à quelle place du classement je pensais finir, je n’aurais pas même imaginé le podium. »
Le Britannique qui parle parfaitement français et habite à Lorient, revient ensuite sur la manière dont il a abordé ses courses dans une Classe IMOCA dont il rêve depuis une dizaine d’années. Il courait avant en Figaro, en Ultimes et en Class 40, puis a remporté le Pro Sailing Tour 2021 en Ocean Fifty.
« Le plus important, c'est que je ne me suis pas mis la pression », confie-t-il « Je ne me suis jamais dit qu'il fallait que je gagne, sinon c'était un échec. Je me suis contenté de faire de mon mieux, de naviguer proprement, de ne pas essayer de forcer quoi que ce soit ou d'essayer de gagner avec une option radicale - il suffit de rester simple et de voir où l'on se situe, et cela m'a certainement aidé à rester régulier. »
A propos de sa troisième place sur le Retour à La Base, Sam admet, avec une voix douce et discrète, qu'il était "sur un nuage" pour sa première transat en solo sur ce support. « Nous avions enchaîné les transats en équipage et en double cette année et cela s'était déjà mieux déroulé que prévu. Je me suis demandé "comment ça va se passer quand je serai seul ?" Car c'est très différent et je ne savais pas si j’arriverai à maintenir l'intensité. C'était donc super intéressant pour moi, et le fait de pouvoir jouer avec Jérémie et Yoann et de mettre aussi des bateaux plus récents derrière moi, c’est évidemment génial. »
Il ajoute : « Cela fait longtemps que je parle de naviguer en IMOCA et j'y ai consacré ma vie de bien des manières, alors le fait d'être ici et de le faire à ce niveau est incroyable et me donne confiance, c'est certain. »
Sam revient ensuite sur le plus gros problème auquel il a été confronté pendant les neuf jours et demi passés en mer, réalisés à la vitesse moyenne de 19,5 nœuds (!). Le skipper a eu du mal à s'occuper de lui comme il le faut. « La gestion personnelle a été souci », révèle-t-il. « Dormir et manger surtout. Avant de commencer, on se dit toujours qu'on ne va pas oublier l’importance que cela a mais quand on est ballotté dans tous les sens, même essayer de se préparer quelque chose à manger n'est pas si facile. Vous finissez donc par manger moins - vous mangez, mais pas assez - et ensuite vous dormez en essayant de trouver le bon moment, dans des conditions super intenses et instables la plupart du temps. Il faut aussi accepter de perdre du terrain quand on dort et ce n’est pas simple de savoir quand le faire. Quel est le bon – ou finalement le moins pire - moment ? J'ai découvert beaucoup de chose sur ce point… »
Sam Goodchild est toujours prompt à reconnaître la contribution de celles et ceux qui l'ont aidé à réaliser ce qu'il a fait sur l'eau. Naturellement, il mentionne l'équipe de Thomas Ruyant Racing et du collectif We Sail For People and Planet, ainsi que Antoine Koch – son co-skipper -, et l'équipe Holcim-PRB. « J'ai eu la chance d'être entouré de bonnes personnes qui m'ont beaucoup aidé », résume-t-il.
Reste la question du Vendée Globe. Sam pense-t-il maintenant pouvoir le gagner ? Demandera-t-il à son équipe de modifier son bateau, par exemple en changeant le profil de l'étrave pour l'aider à rivaliser avec les nouveaux designs et limiter l’enfournement au portant dans la mer formée ?
Sur ce dernier point, il confie en toute transparence que la décision a déjà été prise de ne pas tenter d'apporter de modifications ambitieuses à ce qui reste une plateforme réussie, qui s’est révélée tant entre ses mains qu'entre celles de Thomas Ruyant, son précédent skipper. « Tout ce projet consiste à rester simple. Ce sera mon premier Vendée Globe et nous avons un bateau qui a fait ses preuves. Il y a des choses que nous pourrions faire pour l'améliorer et le rendre plus rapide, mais l'objectif numéro un reste de minimiser les risques », affirme-t-il sans détour.
« Nous avons pensé et échangé sur cette possibilité de changer d’étrave », poursuit-il. « Il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte mais, finalement, nous avons trois mois de chantier cet hiver, puis il faudra courir encore deux nouvelles transats au printemps et ensuite le Vendée Globe. La marge de risque et d'erreur acceptable est tellement faible que cela n'en vaut pas la peine. »
Si Sam Goodchild remporte le Vendée Globe, il sera le premier Britannique à le faire, après les performances d’Ellen MacArthur (deuxième en 2001) et d’Alex Thomson (deuxième en 2017). Il n'exclut pas cette possibilité, rappelant que Yannick Bestaven a réussi cet exploit alors qu'il naviguait sur un bateau plus ancien que les favoris de l’édition 2020-21.
« Si vous regardez l'histoire de cette course, vous pouvez voir que tout est possible. La beauté du Vendée Globe, c'est que personne ne sait comment il va se dérouler. Si vous mettez tous les bateaux sur le papier... alors je n’ai aucune chance de gagner, il y a même pas mal de monde devant moi. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche », déclare-t-il.
Après une année de dingue, Sam Goodchild a hâte de se reposer. Comme il le fait remarquer, sa famille et lui ont quitté leur maison de Lorient le jour de Noël l'année dernière pour se rendre en Espagne, afin de rejoindre l'équipe Holcim-PRB pour The Ocean Race et depuis, il a été très peu à la maison. « À part trois semaines de repos en août, le travail a été non-stop cette année », ajoute le nouveau Champion IMOCA. « Mais je ne vais pas me plaindre, c'est ce que je cherchais depuis longtemps, alors j'en profite autant que je peux. »
Saison IMOCA de Sam Goodchild skipper de For The Planet
Décembre - Retour à La Base (coef.5) - solo - 3èmeNovembre - Transat Jacques Vabre (coef. 4) - double - 3ème
Septembre - Défi Azimut (coef. 1) - double - 3ème
Juillet - Rolex Fastnet Race (coef. 2) - double - 3ème
Mai - Guyader Bermudes 1000 Race (coef. 1) - double - 3ème
Janvier-Juin - The Ocean Race (coef. 10) – équipage - 2ème (avec Holcim-PRB)
Podium du Championnat IMOCA 2023
1 - Sam Goodchild (425 pts)
2 - Yoann Richomme (417 pts)
3 - Jérémie Beyou (384 pts)
Palmarès du Championnat IMOCA Globe Series
2022 – Charlin Dalin – APIVIA
2021 – Charlin Dalin et Paul Meilhat – APIVIA
2020 – Boris Herrmann – Team Malizia
Source : IMOCA