Justine Mettraux et Julien Villion pourraient rafler la mise en Martinique, "On commence à être bien cramés physiquement"


Sur leur solide Teamwork.net de 2018, ex Charal 1, Justine Mettraux et Julien Villion ont ouvert la voie du Nord et fondent maintenant sur Fort-de-France, menaçants la tête de course trustée par les derniers-nés de l’IMOCA. Et si les Jujus l’emportaient ?…

Crédit : A Pilpré


En choisissant samedi soir dernier de virer de bord, laissant la meute des IMOCA filer au sud vers l’alizé, Justine Mettraux et Julien Villion ont jeté une pièce en l’air mais ne manquaient pas d’arguments pour savoir de quel côté elle retomberait. Leur routage, qui les emmenait plein ouest sur un chemin certes tortueux et aléatoire, donnait à ce moment-là leur option gagnante de plus de 24 heures. Tout sauf le bord du facteur !

UNE DÉCISION RÉFLÉCHIE

Bizarrement, seul Groupe Dubreuil (Simon-Martinez) suivait, puis un petit groupe d’IMOCA à dérives accompagné du foiler Medalia (Hare-Bubb). Le souvenir du méchant front traversé en début de course, l’appréhension de matraquer des bateaux récents, le calendrier serré des courses à venir, tout simplement le peu d’appétence des IMOCA pour le près, ont canalisé la flotte vers l’autoroute du soleil. « Avec nos bateaux, on n’a plus trop envie d’y aller dans ces conditions-là, confirmait Yann Eliès à la vacation ce matin. Paprec Arkea est un bateau neuf, pas vraiment fiabilisé. Il faut aussi avoir la machine qui va avec ce genre d’option » Même son de cloche la veille pour Benjamin Dutreux sur Guyot Environnement-Water Family : « On a eu pas mal de petites casses sur les premières 24 heures de course et on trouvait ça dangereux d’y aller. On voulait aussi privilégier la régate au contact »

Les quelques 1300 milles qu’a parcouru Teamwork.net au près n’ont certes pas été de tout repos. Grisaille, changements incessants de voiles pour tenir la cadence dans des brises changeantes, navigation penchée et usante pour le corps comme le matériel « Plus jamais ça ! » plaisantait Julien Villion filmé par sa co-équipière, casquette fourrée vissée sur la tête et veste étanche sur le dos dans une vidéo postée avant-hier, … à quatre jour de l’arrivée. « Le sommet » comme baptisait le navigateur de cette route de montagne était atteint la nuit dernière au passage du front. Un front bien rugueux avec des grains à plus de 40 noeuds et visiblement un peu de casse sur le bateau qui a du stopper sa course jeudi matin pour réparer (le hook de grand-voile prédisent certains) et repartir.

A L’ASSAUT D’UN SOMMET

« On a viré hier puis cravaché toute la nuit pour descendre des ténèbres. La dépression qu’on a traversée était un peu velue ! Comme prévu, le petit retard qu’on avait pris dans le front précédent fait qu’on s’est retrouvés plus nord que ce qu’on aurait voulu. C’était donc bien intense ! 
On a eu quelques malheurs qui nous ont bien handicapés, il a fallu les résoudre cet après-midi quand ça a enfin molli. On a donc du faire une petite pause dans notre cavalcade pour s’en occuper. On a essayé de faire au plus vite mais c’est toujours rageant de perdre du temps en chemin, surtout si ces minutes sont précieuses à la fin. On est repartis à fond et au maximum de nos possibilités. On va pouvoir se lâcher maintenant, ça glisse enfin !
» racontait le message du bord le lendemain.

Voici donc les Jujus dans des conditions enfin propices à la vitesse, en bordure de l’anticyclone des Bermudes qui se reforme. Reste que Teamwork.net est ce midi à 250 milles du leader For People car soleil ou pas, les petits copains charbonnent eux aussi… Bref, à la distance où se trouvent les bateaux de la Martinique, il faudrait que Teamwork.net navigue 25% plus vite que la concurrence d’ici samedi soir où sont espérés les leaders. Comme ces derniers avancent déjà à 20 noeuds de moyenne, il y a peu de chance que l’IMOCA datant de 2018 fasse exploser à ce point les compteurs. Mais en navigant dès la nuit prochaine en route directe vers l’arrivée après leur empannage, ils auront nettement moins de milles à parcourir sur l’eau que les bateaux qui glissent dans l’alizé, non pas en ligne droite mais en tirant des bords. Sur Paprec Arkea, deuxième au classement, Yann Eliès était formel ce matin à la vacation : « Ils vont toucher la rotation plus tôt que nous et descendre avec un meilleur angle. Quand on les route, je les vois finir avec nous à Fort-de-France ou au pire devant…»

SUSPENSE TOTAL

C’est donc un finish à suspense qui se profile pour ce week-end, de ceux qui restent dans les annales de la course au large. Et qu’importe le résultat final, les Jujus auront de toutes façons rempli leur contrat comme le saluait joliment à la vacation hier Thomas Ruyant, qui caracole toujours en tête sur For People : « Je n’ai pas routé précisément leur bateau. Tout va dépendre de leur capacité à aller vite à un angle qui est moins facile que le nôtre au portant. Sur For People, on a vraiment envie de gagner, mais si c’est Justine et Julien qui l’emportent, je serais très content pour eux »

Ils racontent

« Il est 18h TU vendredi 17 novembre, on est à un peu plus de 800 milles de la Martinique. Pour nous c’est un peu tout droit maintenant, on attend que le vent tourne lentement mais surement à droite et incurve tranquillement notre route vers la Martinique !

On a passé la journée dans des alizés capricieux avec pas mal de petits grains. A un moment on est restés collés environ 20 min à l’arrière d’un grain, sans vent. Rien de méchant mais ce n’était pas évident à négocier. La vie à bord n’est toujours pas simple car on a une mer bien courte. Ça glisse mais ça oscille entre des pointes à 30 noeuds et des arrêts buffet à 15 !

On commence à être bien cramés physiquement. On a beaucoup manoeuvré ces derniers jours, plus les petites bricoles à réparer, on ne peut pas dire qu’on ait un rythme très calé. Les siestes sont plutôt courtes car il se passer toujours un truc. Il est temps que ça déroule un peu plus tranquillement jusqu’à l’arrivée pour qu’on reprenne un peu des forces pour négocier proprement le tour de la Martinique.

Le résultat sera ce qu’il sera, on essaie de faire au mieux pour que ce soit le plus en haut possible du classement. On va essayer de croiser au mieux avec nos camarades du sud qui vont vite ! Ça paraît assez improbable de matcher For People, mais derrière on pourrait réussir à s’intercaler. Au fur et à mesure que les bateaux se rapprocheront ce sera plus facile de donner un avis. Evidemment ça va aussi dépendre de comment ils gèrent leur fin de course, s’il jouent la route optimale ou s’ils se marquent un peu, ce qui pourrait nous servir !

On a hâte d’arriver !
»

Source : TJV