Après quatre jours de mer, la Transat Jacques Vabre voit la flotte des IMOCA optionner. Cette nuit, Justine Mettraux et Julien Villion sur Teamwork ont ouvert le bal, en mettant le cap à l’ouest. Ils ont été suivis peu de temps après par Sébastien Simon et Iker Martinez, à bord de Groupe Dubreuil. Les deux duos mènent désormais la course, devant le reste de la flotte qui pointe au Sud, vers Madère.
Depuis ce matin, nous assistons à un jeu de stratégie passionnant sur l'Atlantique dont nous n’aurons le dénouement que dans les dernières de la course, en approche de la Martinique. Le tandem de Teamwork, talonné par celui de Groupe Dubreuil, a fait le pari de la route, dites ‘nord’, c’est-à-dire la plus courte et la plus rapide à court terme, mais pas forcément sur l'ensemble de la traversée, longue d'encore 2 660 milles.
Teamwork fait donc route désormais vers Santa Maria, aux Açores (marque de parcours à laisser à tribord), à 340 milles dans son ouest, à une vitesse d'environ 12 nœuds, dans un vent de sud-ouest. Groupe Dubreuil n’est qu’à quelques milles dans son nord.
En revanche, les premiers leaders, Jérémie Beyou et Franck Cammas sur Charal, sont en cinquième position, à 125 milles de la tête de flotte et surtout à près de 200 milles dans le sud-est de Teamwork.
Le groupe du sud, constitué de 20 bateaux, est maintenant mené par Sam Davies et Jack Bouttell sur Initiatives-Cœur 4, en troisième position. Actuellement, le peloton est bloqué dans une bulle de vent léger, s'étalant jusqu'à Madère.
A bord de Teamwork, Julien Villion, l’un des meilleurs stratèges météo de la flotte, plaisante sur le fait que la séparation qu'ils viennent d'entamer, signifie aussi que Justine et lui ne verront pas leurs rivaux avant un certain temps !
"A la fin de la journée de vendredi, la flotte était divisée entre les partisans d'une route sud, c'est-à-dire la route transatlantique via les alizés et la route que nous avons choisie, appelée route directe, qui contourne l'anticyclone de l'autre côté, par le nord", déclare-t-il.
"Nous sommes donc toujours au près mais avec l'avantage de ne pas avoir perdu de vent. Nous ne risquons pas de croiser à nouveau les 'sudistes' avant un moment, au moins une semaine. Nous sommes en minorité maintenant, nous verrons bien où tout cela nous mènera. Nous avons vraiment pris le temps de prendre cette décision et de tenir compte de tous les éléments, maintenant nous espérons que ce sera la bonne !"
La manière dont la flotte s'est divisée est intéressante et il est assez amusant de constater qu’elle est aussi liée à l’histoire récente de l’équipe américaine de 11th Hour Racing Team, vainqueur de The Ocean Race en juin dernier. En effet, Groupe Dubreuil est l’IMOCA anciennement skippé par Charlie Enright sur le tour du monde en équipage ; un plan Verdier optimisé qui comptait aussi à son bord une certaine... Justine Mettraux !
Pour Justine, cette échappée est également très importante car la navigatrice suisse vise sa première victoire sur une course en IMOCA après une série de performances solides et régulières sur le circuit.
Si elle remporte cette course, elle deviendrait alors la première femme de la Classe IMOCA à gagner une course en solitaire ou en double depuis la victoire d'Ellen MacArthur sur la Route du Rhum en 2002.
Simon Fisher, ancien navigateur de l’équipage de Charlie Enright et co-équipier de Justine sur la Transat Jacques Vabre 2021, observe attentivement le déroulement de la course depuis la terre - il route actuellement le Maxi Edmond de Rothschild. Le Britannique est persuadé que "JuJu", comme il appelle Justine, va prendre ce défi complètement "à bras-le-corps" et, selon lui, il y a une chance que les deux bateaux de l’ouest s'imposent à Fort-de-France.
"Les routages actuels montrent que cette option directe est de deux jours plus rapide que la route sud", explique SiFi. "Cela semble plus optimal en vitesse par l'ouest, mais ce n'est en aucun cas une certitude car il y a encore beaucoup d'inconnues."
"C'est assez complexe à l'ouest, il faut traverser des fronts au début et des zones sans vent à la fin. Dans le sud, la question est de savoir à quelle vitesse ils peuvent franchir la dorsale... et ensuite ils seront dans les alizés. C'est certainement une opportunité incroyable pour "JuJu" si elle arrive à passer", ajoute-t-il.
Source : J Huvé