Le Défi Azimut débute demain, grande course de 48H pour les IMOCA, Paprec Arkea, Macif, retour sur les forces en présence

 

Du vent, de la mer, du près, du reaching, du vent arrière … Ce sont des conditions toniques et variées qui attendent les 34 tandems engagés à partir de jeudi 12h30 où retentira le coup de canon des 48 Heures Azimut. Première réunion du plateau IMOCA au grand complet, cette épreuve de 628 milles très attendue, a la saveur des grandes premières et s’annonce passionnante. Présentation sur le papier d’un plateau exceptionnel avant ce test grandeur nature.


Crédit : Y Riou


Quatre têtes d’affiche

Dernier plan Verdier en date, Macif Santé Prévoyance est un concentré de talents, à commencer par celui de son skipper Charlie Dalin, double tenant du titre du Défi Azimut qui avait su faire d’Apivia la référence de la génération 2020. Un mois après sa mise à l’eau, Dalin, bien accompagné par Pascal Bidégorry, remportait au nez et à la barbe de Yoann Richomme la Rolex Fastnet Race. Le double vainqueur du Figaro, associé à Yann Eliès (qui compte trois Solitaires à son palmarès…) dispose quant à lui d’une plateforme innovante, façonnée selon sa vision de l’IMOCA par le tandem Antoine Koch et Finot-Conq. Là aussi, la bête semble bien née, et n’a pas connu les problèmes de structure de For People, dessiné par le même tandem d’architectes : « Nous avions eu un pépin sur la Bermudes 1000 Race et renforcé Paprec-Arkea avant le Fastnet, explique Yoann. « Thomas pensait faire cette mise à jour après la course… Du coup, nous n’avons pas eu les mêmes soucis que lui et avons pu découvrir des cas de charges pendant le Fastnet que l’on ne soupçonnait pas. Les nouveaux foils permettent de voler au près plus gités et les impacts se déplacent du fond de coque aux bordés. Nous avons donc encore renforcé le bateau sur ces parties ! »

Laissant son nouveau destrier aux bons soins de son chantier jusqu’à début octobre, Thomas Ruyant embarque donc aux côtés de Sam Goodchild sur For The Planet. On peut compter sur ce binôme pour mener à 100% le bateau qui détient le doublé Route du Rhum-Transat Jacques Vabre aux mains de Thomas… Un étalon qui peut donc prétendre à la victoire. Tout comme Charal qui a une petite revanche à prendre sur le Fastnet où, suite à des soucis de voile d’avant, il n’a accroché les meilleurs qu’en début de course. On sait le plan Manuard redoutable, notamment à toutes les allures de puissance, et on peut compter sur l’énorme expérience du duo Beyou-Cammas pour en tirer le meilleur.

Un paquet d’outsiders qui pourrait créer la surprise

Sur le papier, ces quatre IMOCA semblent un peu au-dessus du lot, mais avec les conditions musclées attendues sur les 48 heures, chaque petite erreur ou souci technique sera mis à profit par la concurrence. Et quelle concurrence ! Il faut d’abord compter sur les bateaux issus de l’Ocean Race : Avec plus de 30 000 milles au compteur sur toutes les mers du monde, Biotherm (Paul Meilhat et Mariana Lobato) et Malizia - Sea Explorer (Boris Herrmann et Will Harris) n’auront sans doute pas d’état d’âme dans les conditions annoncées. « Le Défi Azimut est un carrefour passionnant, dit Antoine Mermod, président de la classe IMOCA. C’est la première confrontation qui réunit en 2023 tout le plateau et va permettre d’établir une première hiérarchie »

Une hiérarchie que pourraient venir troubler de nombreux autres duos très affûtés, au premier rang desquels ceux d’Initiatives-Cœur (Sam Davies et Jackson Bouttell), de V and B - Monbana - Mayenne (Maxime Sorel et Christopher Pratt), de l’Occitane en Provence, l’ex-Apivia de Clarisse Crémer et Alan Roberts qui dispose de plus grands foils avec sa clause d’antériorité. Attention aussi à Teamwork (Justine Mettraux et Julien Villion) qui joue toujours placé sans oublier Maître Coq V. Remis de l’accident qui l’a éloigné des pontons pendant plus de deux mois, Yannick Bestaven pense « qu’il y a très peu de différences entre une dizaine de bateaux qui peuvent viser le podium. Certains sont peut-être sortis plus légers que d’autres mais sont obligés de renforcer. Les écarts se lissent et c’est une chose de bien figurer pendant 48 heures, ç’en est une autre de tenir la cadence sur trois mois » rappelle le vainqueur du dernier Vendée Globe, qui s’élance demain aux côtés du rochelais Julien Pulvé.

Stand as One, DMG MORI, Prysmian à suivre 

Quid enfin dans ce paysage des IMOCA les plus récents du tout dernier mis à l’eau ? Stand as One mené par Eric Bellion, épaulé par Martin Le Pape qui amène l’énergie de la jeunesse et son savoir-faire de figariste, est un vrai pari architectural. Que donnera le design frugal assumé du plan Raison, dépourvu de foils face aux meilleurs bateaux volants ? « Il ne faut pas nous attendre au tournant ! prévient Martin sur le pont de l’IMOCA aux formes de scow qui tire sur ses amarres à Lorient La Base. La question, c’est d’abord de quantifier ce que l’on perd au reaching par rapport au foilers dans la brise et pour ça, les 48 heures vont être instructives. Pour le reste, il nous faut du médium et surtout du VMG portant pour pouvoir valoriser les qualités du bateau… » C’est précisément ce qui attend les IMOCA après la deuxième marque du parcours et il restera alors aux bateaux moins puissants encore 400 milles pour espérer se refaire.

Le Défi Azimut-Lorient Agglomération sera aussi l’occasion d’étalonner le nouveau potentiel d’IMOCA largement transformés. C’est le cas de Groupe Apicil (Damien Seguin et Laurent Bourguès) et de Prysmian Group (Giancarlo Pedote et Gaston Morvan), deux plans VPLP-Verdier 2015 largement upgradés avec grands foils, et changement d’étrave, mais également de DMG Mori skippé par Kojiro Shiraishi. « 5 mètres d’étrave ont été refaits sur le bateau et nous disposons maintenant de foils VPLP de dernière génération » précise son équipier Benoit Mariette qui «espère beaucoup dans ces modifications pour être au niveau ». Même pari sur Corum l’Epargne (Nicolas Troussel et Benjamin Schwartz). Changement de foils, nouveau fond de coque, structure revue, … on peut dire que Nicolas Troussel sera allé au bout du plan Kouyoumdjian qu’il cherche à mettre à niveau depuis trois ans.

Le match des bateaux à dérives

S’ils n’ont pas de classement dédié, les bateaux à dérives dont les actes de naissance s’étalent de 2006 à 2011 forment une catégorie à part dont l’intérêt sportif n’a rien de mineur. Les bateaux sont proches, mais les CV sportifs de leurs skippers plus hétéroclites. En pointe de cette catégorie, Tanguy Le Turquais, associé à Félix de Navacelle sur Lazare, auront fort à faire contre Louis Duc et Rémi Aubrun (Fives Group-Lantana Environnement), Sébastien Marsset et Sophie Faguet (Foussier - Mon Courtier Energie), sans oublier Benjamin Ferré et Pierre Le Roy qui disposent probablement du meilleur bateau de cette génération « dérives » avec Monnoyeur-Duo for a Job, l’ex MACIF, vainqueur du Vendée Globe 2012 . Gros test aussi pour Manu Cousin et Clément Giraud qui ont achevé la transformation de leur vieux plan Farr, Coup de pouce-Giffard Manutention. Mât et dérives reculés, ballasts transformés, nouveaux safrans…

Bref, ça ne chôme pas en IMOCA, et chacun dispose de 48 heures pour rendre la meilleure copie possible !

Yoann Richomme (Paprec-Arkea) : "Les 48 Heures, un test de plus" 

« Nous avons eu une petite casse sur la Bermudes 1000 race. Paprec-Arkea a donc été renforcé avant le Fastnet, explique Yoann, et Thomas pensait faire cette mise à jour après la course… Du coup, nous n’avons pas eu les mêmes soucis que lui et avons pu découvrir des cas de charges pendant la course que l’on ne soupçonnait pas. Les nouveaux foils permettent de voler au près plus gités et les impacts se déplacent du fond de coque aux bordés. Nous avons donc encore renforcé le bateau sur ces parties ! Sur ces bateaux en composite, quand la structure commence à être touchée, les conséquences arrivent en cascade, c’est un peu comme si un mur porteur de ta maison se casse la figure. Les renforts que nous avons posé, les bateaux de l’Ocean Race les ont aussi intégré, personne n’y échappe Les 48 Heures sont un test de plus et nous avons énormément de chance car comme sur la Bermudes 1000 Race et le Fastnet, il va y avoir du vent alors que le reste de l’année a été très calme. On aurait pu arriver au départ de la transat Jacques Vabre avec le bateau en version 1 et tout casser à ce moment-là »

Yannick Bestaven (Maître Coq V) : "être bon au bon moment"

« Je me suis fait un peu peur lors de on accident et j’ai beaucoup souffert pendant trois mois. Là, je me sens en pleine forme et j’ai une grosse envie de naviguer. Je ne suis pas plus inquiet que ça sur les progrès du bateau car il n’a jamais cessé de naviguer avec l’équipe. Je me sens outsider, c’est une position que j’aime bien. Je pense qu’il y a très peu de différences entre une dizaine de bateaux qui peuvent viser le podium. Certains sont peut-être sortis plus légers que d’autres mais sont obligés de renforcer. Les différences se lissent et c’est une chose de bien figurer pendant 48 heures, ç’en est une autre de tenir la cadence sur trois mois. Personne ne pourra mener nos bateaux à 100% sur la distance. Il faudra être bon au bon moment »

Source : M Honoré