Quand on échange avec les skippers IMOCA, nous avons l'habitude d'entendre parler de leur passion pour l'océan, la voile et les bateaux, mais Éric Bellion se distingue toujours par l'énergie positive qu'il dégage en évoquant la vocation qu'il s'est choisie.
Pour son architecte, le Français David Raison, c’est une première. Celui qui développe depuis des années les fameux bateaux à « nez rond » dans la Classe Mini s’est vu confier cette nouvelle mission. Stand As One présente des caractéristiques de coque similaires à celles des IMOCA les plus récents, mais sa particularité est qu’il n'a pas de foils mais des dérives.
Le concept, inspiré par Jean le Cam, développe l’idée de se concentrer essentiellement sur ce qui est réellement nécessaire pour être compétitif sur le Vendée Globe ; c’est-à-dire une course que les deux marins considèrent aussi bien exigeante au près dans des vents légers que dans des conditions soutenues au reaching et au portant.
"Nous voulions créer un IMOCA très simple, peu cher, efficace et fiable", explique Éric Bellion, qui a terminé neuvième et premier bizuth du Vendée Globe en 2016-17. "Notre vision est assez inhabituelle, non pas à cause de nous, mais parce que les autres équipes ont fait le choix de bateaux extrêmes, en raison de leurs foils. Avec Jean, nous nous sommes d’abord demandé : de quoi avons-nous vraiment besoin pour être performants sur le Vendée Globe.”
Ce bateau ne battra probablement pas le record de distance sur 24 heures, mais visera des vitesses moyennes rapides par rapport à ses rivaux à foils. "Nous voulions un bateau fiable, rapide à mettre au point, avec une vitesse moyenne maximale", ajoute Éric. “C’est-à-dire jamais très rapide, mais rapide tout le temps, au près, au portant et dans tous les angles de vent.”
“Pour une course comme le Vendée Globe, qui est notre objectif, nous pouvons être compétitifs car c'est un bateau créé par des marins pour des marins, un bateau que nous pouvons pousser à 90-100% et un bateau qui sera fiable. Nous avons pris une direction totalement différente des autres équipes en misant sur la simplicité et la légèreté plutôt que sur la vitesse maximale.”
Ce nouveau bateau n'est pas seulement une question de dérives plutôt que des foils, c'est surtout la vision de Jean Le Cam, Éric Bellion et Marie Lattanzio, directrice de l'équipe, de créer une équipe à deux bateaux. Stand As One, qui a été construit au chantier Persico en Italie, a d’ores et déjà un sistership qui sortira lui en septembre. Avec Jean Le Cam comme deuxième skipper, cette équipe sera donc composée de deux IMOCA, entièrement identiques, et deux autres bateaux pourraient encore s’ajouter à l’écurie d’ici le Vendée Globe 2028.
Pour Éric Bellion, cette nouvelle vision peut changer la donne car les deux skippers passeront du temps sur l'eau l'année prochaine pour optimiser les deux bateaux. "Cela signifie que lorsque mon bateau sera en chantier, je pourrai naviguer sur le bateau de Jean et vice-versa", explique Éric. "Cela signifie aussi que chaque développement positif sur l’un des bateaux pourra être appliqué à l’autre. Le Vendée Globe est une course de temps et avec deux bateaux identiques, nous gagnons du temps..."
Ce programme est également assez rentable : le coût total de la conception, de la construction et de l'aménagement du bateau, prêt à naviguer, s'élève à environ 5 millions d’euros, ce qui est moins élevé que pour les derniers nés de la flotte. Ce n'est qu'une des nombreuses raisons pour lesquelles le skipper est ravi de la façon dont son équipe s'est réunie pour produire ce nouvel IMOCA.
"Je suis toujours en train de penser aux prochaines étapes", explique le skipper, ”mais je suis vraiment heureux et fier du travail accompli. En construisant ce nouveau bateau, nous avons prouvé que nous étions capables, avec une petite équipe, de réaliser un grand rêve".
Contrairement à la préférence de nombreux skippers pour des cockpits fermés, Éric Bellion a choisi de laisser l’arrière de Stand As One ouvert. "Je veux voir l'océan, les oiseaux, la lune, le coucher et le lever du soleil.”
Le skipper de 47 ans n’était pas sur la ligne de départ de la dernière édition. On pourrait s'interroger sur son appétit à se tester à nouveau sur le tour du monde en solitaire. Il soulève un point très intéressant. Il affirme que son premier Vendée Globe était un véritable voyage vers l'inconnu. En 2024, sa motivation et son ambition seront les mêmes, mais les choses seront très différentes pour lui sur un point important.
"Bien sûr, ce n'est pas la même chose. Je n'ai pas le même rapport à la peur que la dernière fois", explique-t-il. "Quand j'ai préparé mon premier Vendée Globe, c'était ma première course en solitaire. Je chassais la peur chaque jour de ma préparation. Cette fois-ci, la peur est en quelque sorte une alliée et je fais les choses avec plus de sérénité."
Précédemment, son bateau s'appelait COMMEUNSEULHOMME. Cette fois-ci, l’anglais est de mise, mais la signification ne change pas. Ce nouveau nom reflète les intérêts de l'un de ses nouveaux sponsors, la société américaine Workday Inc., ainsi que la promotion de ses activités à l’échelle internationale. Aussi, il est pour le skipper naturel de parler de son envie de participer à la prochaine édition de The Ocean Race qui partira en 2027. “Nous voulons faire The Ocean Race", confirme Eric Bellion, qui était en janvier dernier au départ d’Alicante. "Nous voulons projeter les causes avec lesquelles nous travaillons à l'international".
Éric Bellion sera cette année rejoint par Martin Le Pape. A bord de Stand As One, le duo participera, le 22 juillet prochain, à la Rolex Fastnet Race, puis le 29 octobre à la Transat Jacques Vabre.
Source : J Huvé