De retour en Bretagne, le navigateur australo-britannique Jack Bouttell est confiant pour son équipe 11th Hour Racing Team alors que les américains mènent actuellement la flotte de The Ocean Race.
Jack Bouttell n'est pas surpris de voir 11th Hour Racing Team, skippé par Charlie Enright, en tête après trois jours et demi de mer rythmés par des conditions difficiles sur l'étape de 3 500 milles entre Newport et Aarhus.
Ce matin, l'IMOCA battant pavillon américain, qui volait au portant à 25-30 nœuds, avait encore 1 900 milles à parcourir. Alors que la flotte se situe à environ 600 milles au nord-est de St John's à Terre-Neuve, 11th Hour Racing Team avait 31 milles d'avance sur Holcim-PRB, second et leader du classement général, et 80 milles d'avance sur Team Malizia. Biotherm de Paul Meilhat est en quatrième position, à plus de 200 milles des premiers.
"Ils ont bien navigué jusqu'à présent", déclare Jack Bouttell, qui a participé aux trois premières étapes à bord et qui rejoindra l'équipage de 11th Hour Racing Team pour les deux dernières étapes, du Danemark à l'arrivée à Gênes. "Il faut continuer sur cette lancée. Nous sommes maintenant confiants dans le bateau et nous arrivons à être rapides dans les conditions que nous connaissons. Évidemment Si-Fi (le navigateur Simon Fisher), Charlie (Enright) et Justine (Mettraux) connaissent bien le bateau et Charlie (Dalin) connaît parfaitement les IMOCA".
En discutant avec Jack, on se rend compte que cette équipe, qui partait favorite au départ d’Alicante, a changé sa stratégie à mi-parcours en raison de nombreuses difficultés rencontrées sur les premières étapes.
Le Brésil était comme un renouveau pour l’équipe. Ils ont examiné tous les aspects de l’équipe, dans les différents domaines, afin d’améliorer le fonctionnement général de cette dernière. Selon Jack, le changement clé a été d'ordre psychologique.
Ils sont entrés dans la course en se disant “nous avons tout à perdre", explique-t-il. "Nous étions le premier bateau inscrit, le mieux préparé. Nous avons navigué de manière conservatrice et avons essayé de jouer la sécurité avec la flotte dans les premières étapes. Au Brésil, l'approche a changé et nous nous sommes dit que ‘nous avions tout à gagner' avec l'idée qu’il était temps d’attaquer un peu plus en mer, de prendre plus de risques et de pousser davantage le bateau.”
Un autre changement clé a été le rôle de Simon Fisher. Alors qu’il participait initialement au système de quarts classique des quatre navigants, il est désormais plus libre. "Pour la deuxième partie de la course, nous avons repensé le système de quarts pour permettre à Si-Fi de passer plus de temps sur la navigation et un peu moins sur le bateau. Ainsi, pour cette étape et les deux dernières, ce schéma sera conservé et nous essayerons de faire les rotations à trois au lieu de quatre,” déclare Jack Bouttell.
Le défi est d'autant plus grand qu’ils doivent traverser l'Atlantique Nord, passer par le nord de l'Écosse puis se diriger vers le Danemark. L'approche de l’équipe est de garder en tête qu’ils peuvent gagner tout au long de l’étape, quoiqu’il arrive.
"Avant le départ de l’étape, le plan de jeu prévoyait deux jours physiquement intenses au début, puis une section tactique sans doute plus simple pour les marins à mi-parcours." explique Jack. "Après le passage du nord de l’Ecosse, tout pourra encore arriver, le dernier pourra encore espérer remporter l’étape.”
En consultant Christian Dumard, météorologue officiel de The Ocean Race, on comprend que le travail de Simon Fisher ne sera pas de tout repos. Il faudra cette fois-ci déjouer ses rivaux Charles Caudrelier, qui navigue sur cette étape sur Holcim-PRB et Yann Eliès sur Team Malizia. Selon Christian, les équipages sont confrontés à des conditions météorologiques inhabituelles dans l'Atlantique à cette époque de l'année, avec une vaste zone de haute pression centrée à environ 500 milles à l'ouest de Galway.
C'est la façon dont les tacticiens vont gérer cet obstacle qui va probablement influencer l'issue de l'étape. "Comme l'anticyclone ne va pas beaucoup bouger, ils doivent le contourner par le nord", explique-t-il. "Le vent s'enroule autour de l'anticyclone et la route la plus courte est d'aller empanner près du centre de ce dernier. Ils doivent trouver un bon compromis entre empanner trop près du centre, parce qu'il n'y a pas beaucoup de vent à cet endroit, et faire une route plus longue en restant plus éloignés".
11th Hour Racing Team, en position de leader aujourd'hui, pourrait gagner ou perdre beaucoup dans cette zone. "D'un modèle météorologique à l'autre, la position de l'anticyclone diffère un petit peu. Les navigateurs doivent constamment mettre à jour leur stratégie", déclare-t-il. "ils ne vont pas quitter l'ordinateur ces prochaines jours et vont devoir ajuster leur cap et leur stratégie en permanence. En raison des différences entre les modèles, nous ne savons pas exactement jusqu'où ils monteront".
Pour Christian Dumard, ce passage pourrait être relativement rapide car les équipes naviguent au-dessus de la zone sans vent vers le sommet des Îles Britanniques, où elles pourraient rencontrer des vents forts de nord-ouest qui les propulseront vers le Danemark.
Dans l'histoire de The Ocean Race, il est déjà arrivé que cette dernière ligne droite soit un véritable casse-tête. "Les équipages pourraient rencontrer des vents très faibles en arrivant au nord du Danemark", annonce-t-il. "Tout peut arriver à cet endroit-là. C'est encore trop loin pour le dire, cela pourrait changer. Il est encore possible qu'ils aient des vents de nord-est assez forts à ce moment-là".
Source : IMOCA