Team Malizia passe en tête ce soir sur The Ocean Race, Kevin Escoffier : "Team Malizia a un placement que nous ne pouvions pas avoir"

 

Les IMOCA actuellement au large du Pacifique, ont encore dix jours de mer avant le cap Horn et volent sur leurs foils 99 % du temps sous pilote automatique. Team Malizia passe en tête de The Ocean Race ce soir. 

 

Crédit : A Auriol

« En général, on ne barre pas. Le pilote fait ça tellement bien, voire mieux que nous. Il peut nous arriver de barrer quand les conditions sont sympas et qu’on a envie de mettre un peu la tête dehors… » raconte Nicolas Lunven (Team Malizia). Tout est dit. Sur les vidéos envoyées depuis la mer, on peut apercevoir la barre franche osciller, et parfois entendre le « wouhin wouhin » caractéristique du vérin, ou encore voir le marin de quart pianoter sur la télécommande pour ajuster le cap.
 
Si Team Malizia et 11th Hour Racing Team sont équipés de pilotes B & G H 5000 – le nec plus ultra de la gamme chez Brookes and Gatehouse - Biotherm, Holcim-PRB et Guyot Environnement-Team Europe, ont eux opté pour le MADBrain développé par les Français de Madintec à La Rochelle. Matthieu Robert, co-fondateur, président et responsable R & D, est architecte logiciel de formation, et a disputé trois fois la Coupe de l’America avant de fonder cette société qui équipe notamment l’immense majorité des nouveaux IMOCA. « Ce sont les dernières versions, mais sur Biotherm, c’est une installation assez simple, plus proche d’un Class40, sans 10 000 capteurs, et selon la volonté de Paul Meilhat. » Lors de cette étape 3 dans les mers australes, nous avons pu voir la remarquable qualité de pilotage, notamment durant le record de distance sur 24 heures, battu par chacun des quatre IMOCA jusqu’à la performance finale de Holcim-PRB avec 595,28 milles.
 
« Quand nous avons conçu notre premier pilote il y a cinq ans, nous avons insisté sur les différents modes de gîte » explique Matthieu Robert. « Aujourd’hui, les bateaux naviguent essentiellement à plat, et les modes d’il y a quelques années, ne sont plus vraiment actifs. Maintenant, nous travaillons plus sur la hauteur de vol, l’enfournement, pour gérer l’équilibre longitudinal (le trim) plus que le latéral. » Cela peut sembler paradoxal, mais les ingénieurs qui développent ces pilotes ultra sophistiqués, se concentrent actuellement sur les vitesses maximales. « On évite d’aller trop vite ! » confirme Matthieu Robert avec un léger sourire. Aujourd’hui, ces foilers sont tellement rapides qu’il faut presque chercher la pédale de frein… De fait, des fonctions dans le calculateur ont été rajoutées, afin de mieux gérer les accélérations. « Nous avons déjà eu des retours lors du précédent Vendée Globe sur les limites de vitesse dans les mers du sud, et de fait nous écrêtons les vitesses dans lesquelles nous ne voulons pas aller. En cas de vitesse déclinante, le pilote relance, mais ce que nous voulons éviter, c’est le wheeling (bateau qui décolle). »

C’est manifestement le sujet du moment. Les concepteurs utilisent désormais des simulateurs pour configurer le pilote. Il en existe actuellement trois, dont un utilisé par l’architecte Guillaume Verdier, et un autre par le cabinet VPLP. « Nous, nous simulons le vérin » explique Matthieu Robert « afin de se rapprocher de la réalité et trouver des combinaisons permettant de gérer l’assiette longitudinale, et ces effets de wheeling. Il faut que le pilote percute dans les trois secondes, et là notre problématique, c’est de savoir comment réagir quand le bateau va se cabrer, et donc posséder une centrale inertielle capable de bien gérer les fortes accélérations. »

Justement, sous pilote, les embardées sont le quotidien des marins, même avec quelqu’un aux écoutes, histoire de choquer quand le bateau s’emballe. Il en résulte parfois de « petits » drames, comme sur Biotherm quand Damien Seguin, se préparant un plat à base de morue, a vu son sachet de lyophilisé lui échapper, ce dernier atterrissant d’abord sur le visage d’Anthony Marchand avant de se disperser dans les recoins de la cabine. Ménage impératif et réaction du fautif devant un équipage hilare : « il n’était pas question de laisser séjourner des morceaux de ce poisson dans les fonds… car ce n’est pas le met le plus odorant du bord. »

Naviguant entre 52 et 54 degrés de latitude sud depuis le passage de l’antiméridien (le 180ème méridien opposé à celui de Greenwich), les quatre bateaux ne sont séparés que de 33 milles après 19 jours de course, ce vendredi 17 mars ! Team Malizia (Boris Herrmann) sur une route plus nord, devance ce soir Holcim-PRB (Kevin Escoffier) qui a été le premier à ralentir, butant dans une nouvelle zone de hautes pressions, plutôt rare dans ce coin du Pacifique.

« Team Malizia a un placement que nous ne pouvions pas avoir dans tous les cas. Nous avons peut-être forcé un peu le trait quant à notre choix de route dans le sud ces derniers jours. Mais quand on est devant, ce n’est pas simple en termes de stratégie car on n’a pas du tout le même vent que les poursuivants qui arrivent avec le nouveau.  » analyse un Kevin Escoffier toujours aussi lucide. 

Les bateaux ont durement été sollicités depuis le départ de Cape Town, à l’image des Américains de 11th Hour Racing Team (Charlie Enright) qui, suite à de nombreux pépins techniques, a même envisagé un temps de faire escale en Nouvelle-Zélande.

 

Source : TOR