Alors que la flotte IMOCA de The Ocean Race se fraie un chemin dans les mers du Sud et atteindra l'Afrique du Sud ce week-end, ces derniers jours de course ont été marqués par les vitesses folles des bateaux.
Crédit : A Auriol
Les équipages ont réalisé des journées à plus de 500 milles sur la fin de leur long périple autour de l'anticyclone de Sainte-Hélène. Ils se sont même aventurés près de la limite des glaces, dans les mers les plus reculées et inconfortables du globe.
A bord de Team Malizia, l'actuel leader de la course, le bruit frappe le spectateur. Dès que le bateau atteint une vitesse supérieure à 20 nœuds, il se met à hurler telle une meute de loups. Ses appendices (quille, safrans et foils) créent une vibration harmonique qui transforme la vie à bord en une attaque permanente sur l'ouïe des marins, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Le skipper, Will Harris, plaisante : "J'aime ça. J'aime les sons. C'est comme de la musique pour mes oreilles car cela signifie que le bateau va vite". Puis, il ajoute : "En fait, au bout de 20 minutes, ça vous rend complètement fou."
A bord de 11th Hour Racing Team, les images sont toutes aussi spectaculaires mais les acteurs différents. Avec Jack Bouttell et le skipper Charlie Enright aux commandes, on remarque le contraste entre le confort intérieur, au sec et au chaud, et l'enfer sur le pont, à seulement quelques centimètres au-dessus de leurs têtes.
La vie à bord est l'un des grands changements de cette édition. En effet, les images des marins, constamment submergés par des tonnes d'eau, qui pouvaient les emporter par-dessus bord, dominaient les scènes des VO65. Cette année, sur les IMOCA, les changements de voiles, la prise de ris et l'entretien général nécessitent des sorties "à l'extérieur" en ciré, mais sinon, bien que bruyant et violent, le cockpit permet aux marins de rester au sec.
Le skipper de Team Malizia, Boris Herrmann, contraint de ne pas disputer la deuxième étape après s'être brûlé le pied avec de l'eau bouillante avant d'arriver au Cap-Vert, suit le déroulement de la course depuis la base du team à Cape Town. Boris Herrmann attend l'arrivée avec impatience et espère que son équipe pourra garder l'avance prise ces quatre derniers jours. Elle est malgré tout talonnée de près par 11th Hour Racing Team et le Team Holcim-PRB...
Boris Herrmann affirme que le bruit du bateau est un problème dont l'équipe discute beaucoup. "Nous en avons encore discuté aujourd'hui avec l'équipe technique", déclare-t-il à la Classe IMOCA. "Nous devons faire de gros efforts pour garder le profil des appendices et les bords de fuite vraiment propres. Nous nous efforçons de réduire le bruit qui provient des cinq appendices. Le pire, je pense, c'est la quille, et aussi les safrans."
Il est évident qu'il s'agit d'un problème sérieux qui se pose à quelques semaines du départ de l'étape 3 vers le Brésil et ses 30 jours consécutifs dans l'océan Austral. Boris Herrmann est bien conscient qu'il faut trouver un moyen d'atténuer le bruit. "C'est très difficile à vivre à bord", confie-t-il, "Nous y mettons vraiment, vraiment beaucoup d'efforts dans la limite de ce que nous pouvons faire. Nous prévoyons de modifier les bords de fuite pour cette raison."
Le skipper allemand se dit impressionné par la façon dont Will Harris et son équipage - Yann Eliès, Rosalin Kuiper et Nicolas Lunven - ont géré cette étape jusqu'à présent. Rappelons que l'équipage était en queue de flotte sur les dix premiers jours de course, avant de prendre la tête lors de la descente vers les latitudes plus Sud.
"Ils ont été patients. Ils ont investi dans l'ouest et sont restés dans l'ouest", déclare-t-il au sujet de leur stratégie. "C'est toujours facile à dire après coup, mais cela a manifestement porté ses fruits. Ils semblent naviguer très proprement. Ils sont restés très enthousiastes à bord et semblent motivés et très concentrés. Le fait d'être à la dernière place ne les a donc pas découragés. Au contraire, je pense que ça a fait grimper leur motivation."
Sur les premiers jours, Will Harris admettait avoir du mal à trouver les bons réglages du bateau dans des conditions de vent moyen. Boris Herrmann affirme que l'équipage a maintenant trouvé ses marques et améliore ses performances de jour en jour. "Ils gagnent quelques pourcentages ici et là tout le temps", explique-t-il. "Dans les transitions, ils trouvent leurs modes plus rapidement et, dans l'ensemble, ils font un excellent travail. Ce n'est pas facile de savoir exactement comment cela se passe car je ne suis pas à bord, mais ils ne font pas beaucoup d'erreurs ce qui est vraiment cool. Néanmoins, la course est loin d'être terminée, donc il faut garder les pieds sur terre et toucher du bois en espérant qu'ils continuent ainsi !"
Boris n'a pas pu s'empêcher de remarquer un commentaire de Jack Bouttell dans une vidéo de 11th Hour Racing Team où le bateau accélère jusqu'au point où les foils commencent à bourdonner. Jack parle ensuite de "plongeon inévitable", lorsque l'étrave s'enfonce dans la vague. Boris Herrmann affirme que cela ne s'est encore jamais produit sur Team Malizia.
Le skipper de Malizia est impatient de naviguer sur la troisième étape; le marathon de 12 750 milles entre Cape Town et Itajaì, où il prendra la place de Yann Eliès - qui rejoindra le team ensuite pour la quatrième étape vers Newport. "Je suis absolument impatient de repartir. La prochaine étape est le point culminant de The Ocean Race", déclare-t-il. "Toute la course a été fantastique jusqu'à présent, mais la prochaine étape est vraiment la plus importante. C'est celle qui nous projette aussi vers le Vendée Globe. C'est celle où vous voulez vraiment pousser votre bateau au maximum dans ces conditions inimitables du Sud. C'est celle qui permettra aux cinq skippers de faire la différence en solitaire en 2024. Nous aurons navigué dans les mers du Sud avec notre bateau. Cette prochaine étape est l'une des raisons pour laquelle nous sommes ici sur The Ocean Race."
Pendant ce temps, Team Malizia se bat pour rester en tête, avec une marge de moins de deux milles devant Holcim-PRB, et de trois milles à peine sur 11th Hour Racing Team. Derrière eux, Biotherm (+70 milles) et Guyot Environnement-Team Europe (+261 milles) continuent de combler leur retard.
La météo des prochains jours s'annonce complexe, avec une zone de petits airs qui pourrait compresser la flotte à mesure que les bateaux remontent vers Cape Town. La question est de savoir si Malizia pourra s'accrocher ou si son poids le pénalisera dans des conditions de vent plus légères.
Will Harris est déterminé à pousser l'équipage jusqu'au bout. "Je sens la pression monter lorsque les bateaux commencent à nous rattraper", dit-il. "Je sens presque de la frustration de vouloir rester en tête. Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour rester entre la ligne d'arrivée et les autres bateaux... Il y a encore trois jours de navigation. Nous devons maintenir une bonne routine et rester calmes, ce que nous avons réussi à faire jusqu'ici."
Source : Imoca