Depuis l’annonce du report du départ hier, les 138 skippers de La Route du Rhum - Destination Guadeloupe ont dû revoir leur organisation, se remobiliser pour se préparer à partir dans un autre contexte météo, rester concentrés, tout en profitant de ces quelques jours supplémentaires. Sur le Village de la course qui ferme ses portes ce soir à 17h, le public peut lui-aussi admirer un peu plus les bateaux, tandis que les Ultim 32/23 sont toujours au mouillage devant Dinard.
« Les marins sont habitués à s’adapter aux imprévus » soulignait ce matin Yannick Bestaven (Maître CoQ V). Et l’imprévu d’un départ reporté fait partie des aléas de la course au large. Comme le dit François Gabart : « Être capable de s’adapter et de se réorganiser, cela fait partie du jeu ». A Saint-Malo, les équipes se sont réorganisées entre la logistique des hébergements, les transferts vers la Guadeloupe, l’accueil des partenaires. Quelques marins sont rentrés chez eux pour profiter de derniers moments en famille. « Charles (Caudrelier) fait un aller-retour chez lui mais il ne faut pas perdre le fil de la course et nous continuons à faire tourner les routages pour nous concentrer sur le nouveau départ. Sur le plan logistique, il a fallu prolonger les hôtels et appartements à Saint-Malo, décaler les réservations en Guadeloupe. C’est du travail mais rien d’insurmontable. » explique Cyril Dardashti, directeur du team Gitana. Pour d’autres nombreux skippers qui avaient prévu de franchir la ligne mais de retourner à Saint-Malo pour attendre que le coup de vent passe, la réorganisation avait déjà été établie, comme l’explique Fabrice Payen (Ille-et-Vilaine Cap vers l’inclusion) dans la catégorie Rhum Multi : « Je m’étais préparé pour ça. Le scénario de dimanche était catastrophique pour tout le monde. On avait décidé de revenir à Saint-Malo après le départ et de repartir mercredi sachant que les conditions seraient plus maniables. »
« J’ai fait une sieste monumentale, la pression du départ est retombée d’un coup » confie Quentin Vlamynck, le skipper de l’Ocean Fifty Arkema. Les marins ont vécu le report du départ comme un soulagement, après des jours de tension à se préparer mentalement à un début de course violent, voire dangereux. Autant dire que les corps et les esprits ont lâché prise. Isabelle Joschke (MASCF) constate : « Le report change beaucoup de choses mentalement. L’idée de partir dans des conditions très dures mobilisait beaucoup d’énergie. A l’annonce du report, toute la pression est retombée. J’étais soulagée mais ce n’est pas si facile de changer complètement de mode. Il y a eu un moment de flottement hier. Aujourd’hui je me tourne vers une nouvelle histoire, ce n’est plus du tout la même Route du Rhum – Destination Guadeloupe qui se dessine ». Maxime Sorel et son équipe ont su s’adapter rapidement et refaire un planning tout en constatant que les dernières 24 heures ont été comme hors du temps. « Ce matin j’ai mangé le petit dej’ prévu pour le départ d’aujourd’hui. Je ne savais plus où j’en étais, j’étais dans un espace-temps étonnant, comme dans le film Retour vers le futur ». Le skipper de V and B – Monbana – Mayenne qui s’offre un « break » ce dimanche après-midi se replonge dès demain dans sa bulle, le mode départ sera réactivé…
Se projeter sur un nouveau départ
Depuis ce dimanche matin, les 138 marins engagés dans la 12e édition de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe savent à quoi s’en tenir : le départ sera donné mercredi prochain à 14h15. Les skippers peuvent donc dérouler leur programme d’ici au coup d’envoi et se projeter avec précision sur le nouveau scénario météo. « Cela fait du bien d’avoir l’heure et la date du départ, souligne Conrad Colman (Imagine). Nous pouvons affiner le planning global et notre analyse météo. Je rentre à nouveau dans une boucle d’analyse avec les autres skippers de Lorient Grand Large. Nous avons des échanges réguliers avec le météorologue Christian Dumard. » Isabelle Joschke confirme : « Nous avons un objectif précis : mercredi, 14h15. Cela pose un cadre. On peut faire tourner des routages et vraiment se mettre dans le film de la course. » Les concurrents et leurs équipes s’adaptent au mieux et font preuve de patience, bien conscients qu’une attente de trois jours n’est finalement pas si importante au regard de la grande aventure humaine et sportive que représente La Route du Rhum – Destination Guadeloupe.Isabelle Joschke (MACSF) - IMOCA : « C’est notre quotidien de devoir s’adapter en permanence. C’est vraiment le principe de la course au large. Je n’ai pas voulu rentrer chez moi. Je souhaite rester pleinement mobilisée et dérouler mon programme jusqu’au départ mercredi. Les membres de mon équipe sont expérimentés, eux aussi ont l’habitude des imprévus. Pendant la course, ils sont joignables jour et nuit. Ils peuvent sauter dans un avion du jour au lendemain. Chacun s’adapte et se remobilise, ce n’est vraiment pas un problème. »
Yoann Richomme (Paprec - Arkéa) - Class40 : « La réorganisation s’est faite tranquillement. Hier soir, toute l’équipe a dîné ensemble. La grande majorité est parti ce dimanche après-midi et moi aussi. Je vais en profiter pour passer du temps avec mes filles. Lundi, j’irai au chantier à Vannes pour voir mon futur IMOCA avant de revenir à Saint-Malo en fin de journée. Il n’y a que Donatien, notre préparateur, qui sera sur place avec le bateau jusqu’à lundi soir. »
Ian Lipinski (Crédit Mutuel) - Class40 : « Ça a été simple parce que nous n’avons pas une grosse équipe. Le photographe et le cameraman sont repartis et reviendront pour le départ. Moi je vais rester ici avec mes deux préparateurs. On a tous prolongé nos logements, ça s’est fait facilement, tout en douceur. »
Wilfrid Clerton (Cap au cap Location) - Rhum Mono : « La réorganisation est vraiment compliquée, heureusement l’hôtelier est sympa et a pu nous garder les chambres. Mon équipe a tout annulé pour rester au complet jusqu’au départ, mais on anticipe déjà les vols et les hébergements à Pointe-à-Pitre. Les conséquences sont surtout financières et pas simples pour des petites équipes comme les nôtres. Psychologiquement, ce n’est pas évident à gérer, en particulier pour les enfants pour qui c’est un peu l’ascenseur émotionnel. »
Olivier Nemsguern (ELORA) - Rhum Mono : « J’avais pris la décision de passer la ligne, de revenir ici et de repartir mardi. Cette décision, je l’avais prise vendredi, seul, pour ne pas être influencé par un effet de groupe. Mon pote d’enfance et mon frère peuvent rester pour m’aider. Comme j’avais déjà pris ma décision de revenir, j’avais déjà prolongé la location de la maison et de la voiture et organisé ma logistique. »
Source : M Le Berrigaud