Dimanche, à 17 heures, Charlie Dalin s’élancera en solitaire sur la Vendée Arctique Les Sables d’Olonne, une course réservée aux IMOCA. Devant l’étrave du monocoque APIVIA: une grande boucle de 3 500 milles au départ et à l’arrivée comme son nom l’indique des Sables d’Olonne, qui invite la flotte des 25 concurrents réunis à enrouler l’Islande. Cap au Nord et le cercle polaire, pour aller rejoindre les latitudes du « Soleil de Minuit. » Un décor à la hauteur du challenge sportif maritime qu’incarne cette épreuve, qualificative pour le Vendée Globe 2024, qui s’annonce longue, difficile et engagée.
Le Grand Nord, le cercle polaire, l’Arctique… Un départ à la fin du printemps plutôt qu’au milieu de l’automne. Sur le papier, tout distingue La « Vendée Arctique » du Vendée Globe. Pourtant, aux Sables d’Olonne, il flotte dans l’air ce parfum d’ambiance indissociable du tour du monde en solitaire. Et pour cause, la « Vendée Arctique », avec son parcours original et inédit pour aller rejoindre des mers septentrionales, réunit tous les composants d’épreuve qualificative ; de « point-étape » entre deux éditions de la grande giration planétaire aux détours de l’océan austral.
« C’est la première fois que je remontais le chenal depuis l’arrivée du Vendée Globe. Cela fait un petit quelque chose d’y être avec le bateau, d’autant qu’ici aux Sables, on se retrouve très proche de la place qu’on occupait déjà au ponton. Mais en ce début de mois de juin, c’est le climat qui change ! » confie de prime abord Charlie « Et le public qui est beaucoup plus présent » ajoute-t-il, en rappelant qu’il a déjà disputé cette course en 2020. Il avait terminé deuxième de cette première édition à huis clos, qui empruntait un chemin plus court sans passer en Islande. « J’avais fait 23 changements de voiles, 16 virements et 7 empannages. Les températures dans le bateau avaient fluctué de 11 à 35°C ; et on avait juste viré un waypoint (marque de parcours) dans le Sud-ouest de l’Islande » se souvient le skipper d’APIVIA. À l’aune de cette première, il mesure toutes les difficultés de cette deuxième édition sur son parcours allongé avec le contournement de cet état insulaire d’Europe du Nord situé entre le Groenland et les îles Féroé, dont le sens (horaire ou anti—horaire) sera prochainement décidé et annoncé au regard des évolutions météo.
À travers l’autoroute des dépressions
« Sur ce parcours, qui nous fait traverser de très nombreux systèmes météo, je m’attends à devoir faire beaucoup de manœuvres, de changements de voiles. Il fera aussi potentiellement froid, entre 8 et 2°C. On va longer les trois-quarts des côtes de l’Islande sur une distance équivalente à celle d’un côtier entre Calais et l’estuaire de la Gironde. Cela fait un bon bout, où il faudra gérer des courants, des renverses de marée, des effets de côtes qui perturbent le vent. Il faudra aussi rester vigilant face aux nombreux cailloux et pêcheurs » égraine Charlie quand il s’agit de lister les écueils qui jalonneront sa route. « Ce sera déjà pas mal engagé pour rejoindre l’Islande, mais le contournement de l’île sera sans aucun répit. D’autant qu’à l’aller, comme au retour, on traversera l’autoroute des dépressions de l’Atlantique Nord. À la grande différence de la Route du Rhum où tu sais que 4-5 jours après le départ, tu rejoins les alizés, il faudra composer avec ces systèmes tout du long. Tout dépendra du timing, avec des vents dont l’orientation et la force varieront en fonction de notre positionnement vis-à-vis d’eux. On ne sait pas du tout à quelle sauce on va être mangé… »De l’inconnu, de l’aléatoire. Ces ingrédients rajoutent sans conteste une belle part de difficultés. Et c’est sans compter avec l’incertitude liée au manque de fiabilité des fichiers météo aux abords du cercle polaire, au Nord de l’Islande. « Là-haut, l’eau est froide, ce qui peut ralentir aussi un peu le vent et faire mentir les prévisions. Je suis pratiquement sûr qu’il faudra composer avec beaucoup de décalage entre les conditions annoncées et celles réellement rencontrées. Il faudra faire appel à son bon sens marin, et naviguer au feeling en cherchant à comprendre les phénomènes. Au-delà du Vendée Globe, qui est hors catégorie, cette course avec les conditions extrêmes attendues et son gros parcours côtier le long des côtes islandaises, est potentiellement la plus dure du circuit IMOCA en Atlantique Nord » complète-t-il, néanmoins très content de bientôt s’aligner sur la ligne de départ de cette épreuve d’envergure. En termes sportifs, la concurrence s’annonce féroce entre les fidèles grands animateurs du circuit. Thomas Ruyant, Jérémie Beyou, Louis Burton feront partie des camarades de jeu qui promettent de ne pas lui rendre la partie facile.
Des petites laines pour « les jours sans fin »
En termes de préparation technique, Charlie Dalin et son équipe ne changent pas leur recette qui fonctionne, comme le prouve la victoire récente d’APIVIA sur la première épreuve en solitaire de cette saison 2022. Le monocoque est fin prêt à s’élancer pour rejoindre la mer d’Irlande et le Fastnet, avant de poursuivre vers le Nord-ouest pour rallier le cercle polaire. En été, au-delà de cette ligne imaginaire située par 66°33 Nord, le soleil se couche rarement avant minuit pour se relever ensuite très vite à l’horizon. « On a fait attention à la nutrition, en embarquant une alimentation assez riche, type mers du Sud pour les jours froids, qu’on a évalués à une petite moitié de la dizaine de jours de course estimée. Pas de chauffage à bord, mais je n’oublierai pas de prendre mes petites laines et des vêtements adaptés pour les latitudes polaires. Si je me prépare à rencontrer des conditions rugueuses, j’aime bien l’idée d’aller naviguer avec des jours sans fin. Dès l’Écosse, les nuits vont être de plus en plus courtes. C’est assez magique comme phénomène. Et c’est vrai que cela participe à l’attrait de cette Vendée Arctique, qui devrait me permettre de battre mon record de navigation au Nord » conclut le skipper d’APIVIA, déjà l’esprit pris par la course avec le rythme et le mode de vie qu’elle va lui imposer à bord.Source : Apivia