À Lorient, le chantier d’hiver du bateau CORUM L’Épargne touche à sa fin, quelques jours avant la mise à l’eau prévue le mardi 12 avril. À la veille du début de cette saison 2022 qui s’annonce passionnante, le skipper Nicolas Troussel, et le manager d’équipe Greg Evrard se livrent.
Crédit : Corum l'Epargne
Mise à l'eau le 12 avril
Dans les bureaux de l’équipe à Lorient, le calendrier affiche une date de retour à l’eau fixée au mardi 12 avril. Pour l’heure, les yeux sont tournés vers le 8 mai, moins d’un mois après le retour du bateau à l’eau. C’est à cette date que Nicolas Troussel s’élancera sur la Guyader - Bermudes 1000 Race, une épreuve de 1200 milles nautiques sous forme de boucle sur l’océan Atlantique, au départ et à l’arrivée de Brest, à la pointe Bretagne.En attendant, Nicolas Troussel s’adonne à une préparation physique soutenue, tandis qu’il commence doucement un travail mental, afin de se remémorer le film.
“Je me refais toutes les manœuvres dans ma tête le soir ou quand je cours. C'est à ma première navigation en solitaire que je verrai si mes marques sont les bonnes, et que je validerai tous les mécanismes. Pour l’instant, je me remémore le film, mais tant que je ne l’ai pas refait... J’ai vraiment hâte d'y être. À titre de comparaison, c’est comme un skieur qui descend une piste dans sa tête avant de s’élancer. Quand tu changes une voile, tu as tes foils, tes bastaques, ta quille, tes ballasts, ton matossage... toutes ces choses à gérer avant que le bateau ne reparte,” raconte le skipper, non sans laisser paraitre son impatience.
“C’est un des points forts de Nico d’avoir une rigueur dans ces déroulés, mais ce n’est pas parce que tu es doué que ça remplace la pratique,” ajoute Greg Evrard, pragmatique.
Nicolas Troussel : "tout se joue dans les détails"
Car s’il est question de se refaire le film, c’est que celui-ci date de fin 2020, soit la dernière navigation en solitaire à bord de CORUM L’Épargne. C’est en partie là que réside la magie de la course au large, puisque pour un même bateau et des parcours relativement similaires, on passe du double ou de l’équipage au solitaire. Et ce changement d’intitulé voire de discipline implique une approche bien différente pour un skipper.“En solitaire, la marge d’erreur est considérablement réduite. Tous les problèmes sont compliqués à résoudre, et pour les éviter, tout se joue dans les détails. Un souci énergétique peut être très problématique, puisque sans énergie, on n’a plus de pilote automatique. La même situation en double ou en équipage n’est pas aussi critique, car on se relaie à la barre. Grimper au mât en solitaire est bien plus complexe, et pour l’éviter, la préparation du gréement doit être irréprochable. La gestion du sommeil ou même du temps est également différente en solitaire, on est plus alerte. Il faut retrouver tous les automatismes, aussi bien de jour comme de nuit,” détaille Nicolas.
"Je note tout"
La période d’entraînement qui va suivre le retour à l’eau du bateau CORUM L’Épargne s’annonce évidemment chargée pour le skipper, mais également pour l’équipe technique. Une partie embarquera d’ailleurs sur les premières sorties.“Parmi toutes les choses démontées pendant le chantier, qui ont ensuite été remontées ou changées, il peut y en avoir qui ne fonctionnent pas bien. J’ai donc ma liste de cases à cocher pour chaque navigation et je note tout ce qui est à améliorer, modifier ou ajouter.”
"Réparer, fiabiliser"
Chaque nouveau système devant être validé, il nécessite des jours de navigation afin d’être testé.“La grosse partie du chantier d’hiver a été de réparer ce qu’on a constaté comme étant des pièces endommagées, avec une intervention au niveau du mât, de la coque et une dernière, qui ne sera pas terminée avant la remise à l’eau, sur notre seconde paire de foils,” explique Greg Evrard.
“La deuxième partie du chantier a consisté à fiabiliser les défauts constatés. Cela concerne le poste de barre, l’électronique, et de nombreux autres détails, avec en plus, un relooking du bateau, puisque bien que nous ne refassions pas la décoration, il y a un travail de peinture conséquent.”
“Le dernier volet concerne l’amélioration du potentiel du bateau, avec des modifications sur les ballasts (un ballast est un réservoir d’eau de mer, qu’on remplit et qu’on vide à notre guise selon les conditions météo. L’objectif est de faire contrepoids pour compenser la force du vent dans les voiles, qui fait pencher le bateau). Le principal objectif est d’améliorer la vitesse du bateau au vent portant. Enfin, nous concevons une nouvelle paire de safrans, qui devrait être sur le bateau pour la Vendée Arctique les Sables-d’Olonne.”
Sur la saison à venir, Greg Evrard est lucide, et confirme l’objectif majeur, qui reste la Route du Rhum, au départ de Saint-Malo, le 6 novembre.
“Les premières courses de la saison sont clairement des régates de préparation à la Route du Rhum, d’autant plus que l’année 2022 est une année de solitaire, donc elles doivent permettre à Nico de prendre confiance en lui et en le bateau. Elles devraient nous permettre d’emmagasiner de l’expérience et des informations, y compris de la donnée, pour pouvoir être performant sur la Route du Rhum. Il n’y a pas de révolution sur le bateau, mais c’est une progression construite, qui s’inscrit dans un temps long puisqu’on a la chance d’avoir un projet prolongé jusqu’au prochain Vendée Globe. L’idée est de ne pas brûler les étapes, mais de les valider une par une. La priorité reste la fiabilisation du bateau, qui prend du temps mais qui est d’autant plus importante aux portes d’une année de solitaire.”
Source : Corum