Demain, à 10h18, APIVIA larguera les amarres qui le retiennent au quai du bassin Paul Vatine pour rejoindre la zone de départ au large du Havre. C’est à 13h27 que sera ensuite donné le coup d’envoi de la Transat Jacques Vabre 2021 pour laquelle le binôme formé par Charlie Dalin et Paul Meilhat figure comme les favoris dans la catégorie des IMOCA. Si toutes les conditions sont réunies pour offrir une entrée en baie de Seine spectaculaire, une autre paire de « Manche » attend les duos engagés dans cette 15è édition, qui débutera sous le signe du petit temps. Un contexte météo incertain qui n’est pas forcément pour déplaire aux deux co-skippers d’APIVIA affichant une complicité et une sérénité évidentes. Morceaux choisis d’une interview croisée à la veille du départ pour trois petites semaines de course, sur un parcours inédit en direction de la Martinique…
Crédit : M Horlaville
L’état d’esprit à la veille du départ ?
Charlie : « On s’est préparé toute l’année pour ce grand rendez-vous de la saison. Le bateau est bien prêt. Depuis le mois de mai dernier, on a fait plein d’essais au niveau des voiles et dans l’utilisation du bateau pour lui apporter des améliorations et disputer une belle transat. On est en pleine forme, on a hâte ! »Paul : « Je suis ravi d’être là. Cela a été la bonne surprise quand j’ai reçu le coup de fil de Charlie peu de temps après le Vendée Globe me proposant de faire équipe avec lui. Ce projet APIVIA me permet de franchir une marche supplémentaire en IMOCA, avec une équipe et un bateau au top, aux côtés de Charlie, le marin qui a le plus beau palmarès dans cette série sur ces deux dernières années. Il y a la pression avant le début de la course, mais c’est ce qu’on est venu chercher. On s’est beaucoup entraîné, on reste bien concentré pour le départ demain. »
Le nouveau parcours de cette édition 2021 ?
Charlie : « Le dernier tronçon avec le contournement de l’archipel Fernando de Noronha rallonge pas mal la route par rapport aux éditions précédentes. On a fait beaucoup d’études en confrontant les statistiques météo aux performances théoriques du bateau, pour voir quelles routes privilégier en fonction des conditions potentielles. Le deuxième passage du Pot-au-noir génère beaucoup d’incertitudes. Mais une chose est sûre, les manœuvres seront nombreuses avec beaucoup de changements de voiles. Il faudra trouver des ressources et de l’énergie pour affronter les 2000 milles qu’il restera à parcourir, sachant qu’il faudra aussi composer avec la chaleur – et les sargasses ! – sur cette dernière partie du parcours. »Paul : « Quand on traverse l’Atlantique dans les alizés, l’air sec qui vient du continent africain se charge en humidité tout le long. Plus on va aller vers l’Ouest, plus on rencontrera des grains et des conditions instables. Dans l’équation, il faudra aussi composer avec la zone d’exclusion le long des côtes du Brésil, qui nous est imposée par la Direction de course pour des raisons de sécurité. Cela nous limitera en termes d’options avec la possibilité d’avoir des empannages à déclencher en bordure de cette zone interdite, ce qui ajoutera forcément beaucoup de complexité en fin de course. »
La recette du succès sur cette course ?
Charlie : « Il y a beaucoup d’ingrédients nécessaires, à commencer par la confiance d’un partenaire pour bénéficier d’un bateau performant. Ensuite, il faut avoir un duo qui fonctionne, sachant que l’association de deux très bons marins en solitaire ne garantit pas forcément d’avoir un bon binôme. Il faut également de l’inspiration pour aller au bon endroit ; un bateau rapide ne suffit pas à rattraper un mauvais choix de route. Sans oublier aussi l’ingrédient réussite, qui cette année, avec le double Pot-au-noir, rentrera sûrement en ligne de compte. »Paul : « On s’est préparé du mieux possible au regard d’un plateau exceptionnel avec des marins fiables et sérieux. Cela promet une transat engagée, mais cela reste une course au large en IMOCA qui a la faculté de nous offrir des scénarios incroyables. Il ne faut donc pas perdre de vue qu’il faut s’attendre à tout ; et que l’une des clés du succès dépendra de notre faculté à nous adapter. »
Un petit secret de binôme ?
Charlie : « J’ai contacté Paul deux semaines après le Vendée Globe. Notre binôme s’est formé très tôt et marche très bien. Avec Paul, nous partageons vraiment la même philosophie, avec beaucoup de points communs dans notre manière de naviguer. On s’est d’ailleurs amusé à dresser nos profils psychologiques afin de les combiner. Et il s’avère que sur le papier, on est très compatibles. Comme on le mesure pleinement sur l’eau ! »Paul : « On aborde la course avec beaucoup de rigueur et de méthode, avec l’objectif de rester très concentrés sur les manœuvres et la stratégie, notamment au début de la course. Pour autant, si on a l’occasion de rigoler, on ne s’en privera pas. En trois semaines de course, on aura l’occasion de se dire plein de choses avec la garantie que cela restera à bord.»
La pression du doublé ?
Charlie : « Le fait d’avoir déjà gagné la course m’apporte plutôt du stress positif. Plutôt que de la pression supplémentaire, cela génère de la confiance. J’y vois plus une force qu’une faiblesse. La victoire sur la précédente édition s’inscrit au point de départ du projet APIVIA, sur la toute première course que le bateau a disputé. Le succès rencontré nous a offert des bons souvenirs que je partage avec toute l’équipe ; et cela me fait très plaisir d’être de retour aujourd’hui pour viser le doublé. »
Point météo
Des vents qui menacent de très vite s’évaporer et des forts courants : toutes les conditions sont réunies pour offrir un début de course éminemment stratégique avec un choix d’option qui pourrait s’imposer dès le premier jour. Plonger au Sud ou cap à l’Ouest ? Il faudra choisir son camp à l’entame d’un parcours de 5800 milles théoriques qui se révèle complexe et casse-tête dès ses premières longueurs. Petit tour d’horizon d’une situation qui promet de mettre les neurones du bord à pied d’œuvre au saut du départ…Paul : « Après le départ dans des conditions plutôt favorables, on va évoluer dans très peu de vent. La situation n’est pas du tout claire sur l’Atlantique. On n’est pas dans un schéma classique, avec des hautes pressions, des zones sans vent stationnaires, qui bloquent la situation dans le golfe de Gascogne. Le tout avec 100 de coefficient de marée. On devra donc composer avec des petits airs et de la houle. Dans ce contexte, il faudra savoir attendre et saisir le bon moment pour se décider. Là, réside l’une des clés de la course qui se joue sans routage extérieur. »
Des enjeux d’entrée de jeu !
Charlie : « On sait qu’on aura pas mal de vent pour le départ avec un premier tronçon jusqu’à Etretat, qui promet d’être assez rapide et spectaculaire. Puis, il faudra faire avec un cocktail de vents faibles contre le courant dans l’Ouest de la Manche. Tout n’est pas encore calé, mais on suit ça avec attention. À partir de Guernesey, le vent devrait mollir avant de s’écrouler complètement. Il pourrait y avoir zéro nœud à l’île de Batz. Ce sera un peu ambiance Figaro ! Très tôt, dès la première nuit, il va se passer des choses en termes météo qui vont se révéler déterminantes pour la suite de la course… »Source : Apivia