C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que la Fédération Française de Voile a le regret d'annoncer le décès de Jean-Pierre Champion, Président de la FFVoile de 1996 à 2017, Vice-Président du Comité National Olympique et Sportif Français de 2005 à 2009 et Président du Yacht Club de Cannes entre 2019 et 2021. Jean-Pierre Champion s’est éteint hier soir suite à un cancer qui l’a foudroyé en quelques mois.
Crédit : F Socha
Jean-Pierre Champion : démocratiser la voile
Jean-Pierre Champion débute la voile assez tardivement pendant ses vacances à Cavalaire dans le Var, d’abord en Vaurien, puis sur le 420 que lui a offert son père. Bien que n’étant pas né dans une famille de « voileux », l’adolescent natif du Nord-Pas-de-Calais attrape très vite le virus, et vit avec passion l’essor du dériveur en ce début des années soixante. Il enchaîne les stages aux Glénans, à l’UCPA, puis à l’Ecole Nationale de Voile, passe ses diplômes de moniteur de voile, régate autant qu’il peut, jusqu’à intégrer l’équipe de France B en 470. Comme bon nombre de jeunes régatiers, il rêve de disputer un jour les Jeux Olympiques, mais avoue humblement qu’il n’a pas le niveau requis. Quand il n’est pas dans son bureau de courtier en assurances à Valenciennes, il arpente les plans d’eau et les clubs et milite pour que la voile s’ouvre à tous.Déjà fin politicien, élu président de la ligue Nord-Pas-de-Calais à seulement 28 ans, Jean-Pierre Champion a non seulement de la suite dans les idées, mais n’hésite pas à monter au créneau, bousculant « l’establishement ». Il propose ainsi à la Fédération Française de Yachting à Voile, dont l’appelation lui semble trop élitiste, de changer de nom. Elle est désormais baptisée Fédération Française de Voile.
Lors des assemblées générales, il se fait remarquer par ses prises de paroles parfois engagées, ses idées réformatrices et surtout cette conviction d’un sport voile devant être accessible à tous.
Quelques années plus tard, Jean-Louis Monneron, président de la FFVoile, lui confie une mission : celle de se rapprocher de la fédération de la course au large, de plus en plus en vogue, et de briser le clivage « voile légère / voile habitable ».
Jean-Pierre Champion est autant attaché au Vendée Globe, à la Route du Rhum, à l’Admiral’s Cup, à la Coupe de l’America, aux Jeux Olympiques… qu’aux régates régionales et aux championnats de France. Convaincu que le développement de la voile passe par un enseignement de qualité, il soutient notamment le réseau des Ecoles Françaises de Voile créé par la fédération et toutes les formes de pratiques ludiques car, comme il aime à le répéter, la voile est autant une pratique sportive qu’une pratique loisir.
Avenue Kléber, siège de la Fédération, il devient rapidement incontournable. C’est un leader naturel, aussi charismatique qu’ambitieux. En 1996, il prend naturellement le relais de Jean-Louis Monneron qui se retire avant la fin de son mandat de président.
Bourreau de travail, il fait deux semaines en une, entre le Nord et Paris, mais décide au bout de quelques années de céder l’entreprise familiale d’assurance. Il pose alors ses valises à Paris, travaille pour la Mutuelle des Sportifs mais consacre son temps libre à faire rayonner la « FFVoile ».
Brillant orateur, il a la chaleur des gens du Nord mais également leur pudeur. Il est de toutes les conférences de presse, valorise les champions et les jeunes prometteurs et n’aime rien tant qu’enfiler un ciré pour suivre la Semaine Olympique Française à Hyères, les départs des grandes Courses au Large ou bien les Jeux olympiques.
20 ans de présidence
Il enchaîne les mandats (cinq successifs), réelu chaque fois avec un score fleuve.Durant vingt ans, il gère la Fédération avec l’extrême rigueur du chef d’entreprise qu’il a toujours été, connaît ses dossiers sur le bout des doigts, consolide des partenariats fidèles (Le groupe Banque Populaire notamment), renforce le réseau des clubs et des territoires, accompagne l’émergence des nouvelles disciplines, vend le siège dans le XVIème arrondissement pour mettre le cap dans un quartier plus accessible, fait briller la voile tricolore lors de chaque début de salon nautique avec la « Soirée des champions et le marin de l’année » au théâtre Edouard VII, et s’implique fortement au sein du CNOSF en tant qu’administrateur puis Vice Président.Très impliqué également au sein de World Sailing, la Fédération internationale où il est réputé pour son côté réformateur mais aussi pour ses coups de gueule, il est l’un des premiers à y militer pour l’intégration de la voile habitable aux Jeux Olympiques tout comme pour les nouvelles disciplines, plus spectaculaires, plus jeunes, tel que le Kiteboard, quitte à se mettre les conservateurs à dos.
Epicurien, amateur de politique et de littérature, il revient à ses premières amours en voile légère.Craque un temps pour le célèbre Dragon, aime tirer des bords pour le plaisir sur un Sunfish à Cannes où il réside et surtout régate autant que possible à la barre de son Finn. Après cinq mandats et vingt ans à la tête de la Fédération, il se retire de ses mandats nationaux et prend logiquement la présidence du célèbre Yacht Club de Cannes, son club, avant que la maladie ne le frappe, l’obligeant à démissionner. A 73 ans, il tire sa révérence et laisse derrière lui une empreinte indélébile dans la voile française.
« Jean-Pierre était un président engagé et passionné qui a su donner toute sa place à la Fédération Française de Voile dans le monde sportif. Il a largement contribué au développement de la pratique de la voile avec le formidable essor de la course au large que l’on connait, mais avec toujours un seul objectif, valoriser la pratique de toute la voile. Au nom de la Fédération Française de Voile, je souhaite adresser tout mon soutien à ses proches. », Jean-luc Denéchau, Président de la FFVoile
Jean Pierre Champion vient de rentrer son pavillon à la fin du dur combat qu’il a courageusement mené contre la camarde, les honneurs lui seront rendus dans l’intimité des proches cette semaine. Un hommage maritime avec la grande famille de la voile lui sera rendu, à une date ultérieure, à Cannes.
Source : S Guého