Guirec Soudée a bouclé sa traversée de l'Atlantique à la rame. Après avoir coupé la ligne d’arrivée du parcours théorique de la traversée de l’Atlantique Nord entre Ouessant et le cap Lizard, jeudi 30 septembre, à 10h49, Guirec Soudée a fait son entrée à la rame dans la Marina du Château à Brest, vendredi, peu après 14h30. Heureux, soulagé et les traits à peine tirés, le navigateur de Plougrescant est allé au bout de lui-même et a livré le récit de son parcours mené quasiment de bout en bout sans moyen de communication et avec très peu d’énergie. Une aventure à l’état sauvage, coupée du monde. Extraits…
Crédit : Rivacom
Une tempête tropicale d’entrée de jeu
« Je me suis battu du premier au dernier jour. Dès le début j’ai eu des courants qui étaient contre moi et quand j’ai réussi à m’écarter de la côte américaine, j’ai enfin réussi à attraper le Gulf Stream et à me retrouver dans des vents et des courants portants. J’ai pu vraiment profiter, être là où je devais être. A ce moment-là, une tempête tropicale m’est passée dessus. C’était prévu. Je me suis retourné et j’avais un petit hublot ouvert sur le pont du bateau pour faire un système de courant d’air. Je n’ai rien pu anticiper et je n’ai pas réussi à le fermer. Tout ce qui était à l’extérieur a été aspiré. Je sentais l’eau monter, monter… jusqu’à l’autre hublot qui me servait normalement d’endroit pour respirer. Je n’avais plus d’air dans mon bateau et plus d’autre choix que d’ouvrir la porte principale et l’eau a fini par remplir le bateau.
Redresser le bateau à tout prix
Je me suis dit : « là, l’aventure commence sérieusement ! ». Je savais que j’étais au début de cette tempête tropicale, que j’allais avoir plus de 60 nœuds, peut-être 7 mètres de creux, peut-être plus. Je me suis retrouvé sur la coque du bateau, à l’envers, et je voyais mes affaires partir, mes vestes, mes salopettes. J’essayais de redresser le bateau mais je ne pouvais pas parce qu’il était plein d’eau. Je ne pouvais pas accepter la défaite. Je me disais qu’il y avait une solution. Au bout d’un moment, j’ai vu mon ancre flottante partir au fond et je me suis dit mais bien-sûr ! J’ai plongé pour la récupérer, je l’ai amarrée à un bout qui trainait derrière le bateau qu’il soit vraiment en travers des lames. Au bout de deux trois heures il a fini par se redresser. J’étais complètement euphorique, je hurlais dans tous les sens. J’ai vidé mon bateau au seau. On était à moitié entrain de couler. J’ai fini par réussir à sortir toute l’eau. Malheureusement je n’avais plus d’électronique à bord, plus de moyen de communication.
Il fallait que je continue
C’est là que je me suis dit qu’il allait falloir que je trouve un moyen de prévenir mes proches à terre. Au bout d’une trentaine d’heures, j’ai eu la chance de trouver un cargo, que j’ai pu contacter pour rassurer tout le monde. Je ne savais pas où j’allais mais il fallait que je continue. Le bateau flottait, physiquement j’étais en forme, j’avais de la nourriture même si au bout de quelques jours je n’avais plus de gaz et j’ai dû manger froid. C’était vraiment l’aventure à l’état sauvage. J’ai continué ma route. J’ai fait des rencontres de fou ! J’ai des dorades qui sont restées des semaines dont une que j’ai apprivoisée et que j’ai appelé Paulette. J’ai eu un fou de bassan, Pédro, qui m’a suivi sur des centaines de kilomètres. J’ai eu des requins blancs à l’arrière de mon bateau, des orques, des baleines.
Vivre sans connexion : une chance
J’avais déjà vécu le faire de vivre sans connexion et c’est une chance. Qui aujourd’hui peut se permettre d’être coupé du monde pendant des semaines et des mois ? Ce qui m’embêtait c’était de ne pas pouvoir donner de nouvelles et de ne pas avoir de météo. La météo a été un réel problème. A la voile, c’est quand même plus simple qu’à la rame.
Des vents contraires aux Açores
Une fois aux Açores, j’ai commencé à avoir des vents contraires. J’arrivais quand même à progresser, jusqu’au moment où je me trouvais à 380 milles de Ouessant. Ça faisait deux mois et demi que j’étais en mer, et là je me suis dit : « Dans une semaine, c’est bon, je rentre à la maison, je rentre en Bretagne ». Mais j’ai mis 24 jours à revenir à mon point de départ. Au début, je suis parti plein Nord-Ouest, en direction de l’Islande et j’ai décidé de faire demi-tour en espérant avoir des vents portants. C’était la bonne option.
« J’y suis arrivé ! »
Il était temps d’arriver. Quand j’ai croisé mes premiers pêcheurs bretons, du Guilvinec, j’avais l’impression d’être à la maison. Je me suis fait un peu secouer en approchant mais je savais que je n’étais plus très loin. Je suis là et c’est un miracle d’être arrivé avec mon bateau, à l’endroit où je voulais. En ligne droite c’est 5000 km mais j’en ai peut-être fait 8000. J’ai mis 107 jours alors que j’avais prévu 70-80 jours. Tant que j’avais de l’eau, je me disais, ça le fait ! Je n’ai rien lâché, il fallait y croire ! Il fallait que j’y arrive… et j’y suis arrivé ! ».Source : Rivacom