Vainqueur IMOCA de la Route du Rhum, Paul Meilhat refait le match - ITW

Il a remporté la Route du Rhum sur tapis vert. Arrivé 12 heures après Alex Thomson qui avait écopé d'une pénalité de 24 heures, Paul Meilhat s'adjuge la victoire pour cette 11ème édition, catégorie IMOCA. Auteur d'une très belle transat sur SMA, monocoque à dérives droites, le marin raconte. 


Credit : A.Courcoux


Les premières heures étaient déjà primordiales ?

« Effectivement. Dès la première nuit, il faut négocier une traversée de dépression extrêmement compliquée. 

On l’avait peut-être un peu sous estimée avant le départ. Nous négocions bien cette phase avec Vincent Riou. Nous restons tribord amure et avec un peu de réussite, nous touchons le nouveau vent les premiers, ce qui nous permet de créer des gros écarts, notamment sur Yann Eliès. 

Dans le même temps, Alex Thomson suit son option dans l’Ouest, qui est très intéressante mais pas du tout adaptée aux polaires de mon bateau. »


Alex étant loin devant, c’est la 2e place que vous visez ?

« Oui ! Déjà, quand je vois qu’on se bat à quatre dans les alizés, mon objectif est le podium. Sur la fin de course, Alex file vers la victoire et je vois que Vincent (Riou) lâche. Il révèle ses problèmes d’aérien. Il semble extrêmement fatigué, il a besoin de dormir donc il va moins vite. Ca devient très compliqué pour lui. Là je commence à croire à la 2e place même si Yann (Eliès) met la pression. Je sais que le tour de l’île peut être décisif. Je me mets donc dans l’optique de ne rien lâcher. »


Comment réagissez-vous à la mésaventure d’Alex Thomson ?

« Je me rends compte très vite qu’il y a un problème car je regardais les positions de mes concurrents toutes les heures sur la cartographie. Je vois sur sa trace qu’il a percuté la Guadeloupe, puis qu’il est reparti. 

D’ailleurs, je fais une petite parenthèse pour dire que je trouve dommage que les classements aient été actualisés toutes les heure dans cette Route du Rhum. Mine de rien, ça enlève une grande part de stratégie car on entre dans une logique de contrôle. Je pense que revenir à un classement toutes les 4 heures serait une bonne chose.

Quand Alex se prend la falaise, la donne change complètement. Je n’ai pas regardé le tableau des pénalités mais je me doute bien que le jury ne peut pas laisser Alex gagner la course alors qu’il a utilisé son moteur. Dans ma tête, c’est très clair : avec Yann, on ne joue plus la 2e place mais la victoire ! Cela ajoute une bonne dose de stress. La mésaventure d’Alex nous calme un peu. On réalise qu’on a un sans doute un peu trop attaqué, qu’on a joué avec le feu. »


Avoir Yann Eliès à ses trousses n’est pas une situation confortable dans le tour de la Guadeloupe…

« Clairement ! S’il y a un mec qui est capable de te mettre la pression jusqu’au bout c’est bien Yann Eliès. Je sais qu’il ne lâchera pas, il ne part jamais pour faire 2e sur une course. Cette fin de parcours est très physique, stressante, avec beaucoup de manœuvres et de choix stratégiques à effectuer. Heureusement nous arrivons à une bonne heure et le vent est plutôt établi. Je suis ralenti sous le vent de l’île, mais Yann aussi. Je m’applique, je fais les choses tranquillement, j’essaye de ne pas faire d’erreur. »


Comment gérez-vous le fait de remporter la course sur « tapis vert » ?

« Sur le dernier bord, je sais que j’ai course gagnée. Je descends en tension. Je prends alors mon téléphone, je regarde un peu ce qui se dit sur les réseaux pour savoir comment va se gérer cette arrivée. 

Je vois qu’Alex a fait des déclarations extraordinaires, qu’il a été top, il a calmé la polémique tout de suite. Je suis rassuré quant à mon arrivée. De tout façon je ne compte pas fanfaronner car ce n’est pas mon style. »


Avez-vous pu échanger avec Alex depuis votre arrivée ?

« Il n’a pas voulu venir à mon arrivée, ce qui était la bonne décision. Le 3e de la course qui vient accueillir le vainqueur : l’image n’aurait pas eu de sens. Mais nous avons depuis beaucoup discuté. Il m’a dit à plusieurs reprises que c’était la plus grosse connerie de sa vie et qu’il ne méritait pas de gagner la course en faisant une telle erreur. »


Votre partenariat avec SMA s’arrête. Que proposez-vous aux éventuels sponsors ?

« Je propose deux choses, à commencer par la construction d’un IMOCA neuf. Selon moi, on a encore le temps à deux ans du Vendée Globe. J’ai beaucoup navigué, j’ai l’expérience de l’IMOCA et surtout j’ai une équipe technique en place qui est très compétente. On peut encore faire un truc super. 

L’autre plan est de garder le bateau actuel et de le modifier, notamment en ajoutant des foils. On sait ce qu’il y à faire en ce sens, et on sait aussi que ça marche ! Mais chaque chose en son temps, il faut déjà trouver les financements. »

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Source : Mer et Media