Bizuth du Vendée Globe, Fabrice Amédéo est actuellement 19ème au classement. Le skipper de Newrest Matmut, journaliste de presse écrite, a pris la plume pour la première fois depuis le départ. Et oui, le temps manque à bord d'un IMOCA 60 !
Crédit : F Amédéo
"La vie sur un IMOCA n’est décidément pas un long fleuve tranquille. Voici deux jours que je souhaitais écrire quelques lignes mais n’en trouvais pas le temps. Envoi de gennaker, empannage, envoi de spi, nouvel envoi de gennaker. Il faut toujours être à la disposition de cette grosse machine en carbone pour la faire avancer au mieux. Mais quel bateau magique !
Les IMOCA ont un tel potentiel de vitesse dès que l’on appuie un peu et l’on se sent tellement en sécurité à leur bord. Newrest Matmut est définitivement mien. Je m’y sens plus que jamais comme chez moi. Nous avons nos petites habitudes : lui ses craquements pour m’avertir de ses souffrances, moi mes petites manies : rangement du cockpit, balise PLB à tel endroit, matossage des voiles de telle manière et dans tel ordre …
Je sens également que je gagne en confiance à bord. Les gestes se font plus précis, les manœuvres plus rapides. Je me sens bien physiquement, c’est l’avantage du régime lyophilisé 100% sans gras et de la cure d’eau désalinisée !
Ce soir (hier), la nuit est magique. Les fichiers annonçaient une mole que nous n’avons finalement pas. Nous filons à 12 noeuds sous gennaker vers le sud. La mer est plate. La sensation de cette carène qui avance comme sur une autoroute me prend aux tripes. La lune éclaire l’eau qui scintille. On y voit comme en plein jour. La lune est entourée d’un halo qui la rend mystérieuse.
J’embrasse le bonheur absolu. Je touche enfin mon rêve ultime, ce rêve de tour du monde. Je renoue avec ces sentiments indicibles au contact de cette nature sauvage, loin de tout. Le divin est là, partout autour de moi. Je repense à cet instant à une citation de Jünger et vais arrêter là mes méditations nocturnes.
Le vent monte, j’ai mon vaisseau Faucon Millenium à aller régler. « Ici demeurent des dieux dont je n’ai pas besoin de connaitre le nom, et qui se perdent comme des arbres dans la forêt, dans le Divin en soi ».
Fabrice Amédéo
par la rédaction