ITW / Thomas Coville : "Je suis fier de Sodebo Ultim' conçu pour le large"

Ils sont arrivés hier à Itajaï. Deuxièmes de la Transat Jacques Vabre, Thomas Coville et Jean Luc Nélias reviennent longuement sur la course et le duel avec Macif, le vainqueur de cette édition. Entretiens.




THOMAS COVILLE, skipper de Sodebo Ultim’

LA COURSE
« Elle a tout le temps été intense. Très serrée, sauf à la fin. Il me semble que les Ultimes ont démontré qu’ils ouvraient une ère nouvelle. Les dimensions supérieures des unités type Sodebo Ultim’ ont démontré qu’elles apportaient deux grands atouts : ces grands bateaux pardonnent beaucoup et sont bien plus sécurisants dans le gros temps. Et leur vitesse leur permet de choisir bien plus efficacement leur stratégie météo. Sur cette course, nous avons disputé une sorte de match racing océanique. Courue principalement dans le médium et à deux, elle a permis à nos adversaires d’être plus efficaces que nous, bravo à eux. Mais la différence de performances est inférieure à 1 % ! C’est vrai qu’ils ont compté jusqu’à 250 milles d’avance. Mais nous leur avons repris 120 milles en une journée…Et quand je pense au tour du monde en solitaire, je sais que c’est un tout autre exercice, avec des mers et des météos autrement plus dures. »

LE PHYSIQUE
« Je suis en pleine forme. Je suis prêt à repartir dès la semaine prochaine, en équipage, avec deux jeunes spécialistes du multicoque. C’est vrai que nous menons ces bateaux à fond : nous ne nous sommes jamais économisés, changeant de voile chaque fois que nécessaire. Mais c’est vrai qu’il faut une grosse expérience. Les forces en présence sont bien plus importantes que sur les multicoques plus petits. La moindre erreur peut avoir des conséquences beaucoup plus graves. C’est donc simple : il ne faut rien rater. Nous nous sommes donc mis dans le tempo dès le début de la course et nous avons beaucoup manœuvré dès la première nuit. Mais ça a payé : à Ouessant, nous avions mis trente milles à tout le monde. Nous nous sentions à l’aise, dans le rythme. En confiance. »

LE BATEAU
« C’est une transformation de Geronimo, pas un bateau neuf conçu à partir d’une feuille blanche. Peut-être qu’il est un peu moins à l’aise dans le petit temps et le médium. Mais par 25-30 noeuds de vent, dans la mer formée du Golfe de Gascogne et au Cap Finisterre, il était impérial. Ses flotteurs volumineux et sa puissance ont achevé de me convaincre qu’il serait très à l’aise dans les Quarantièmes. Il a été conçu pour le Tour du Monde en solo et il a prouvé sa fiabilité et son efficacité. Et puis, après Guernesey, quand il a fallu attaquer ce bord de vent de travers par mer plate, nous redoutions que Macif ne nous « déboîte ». Mais nous avons bien vu que cela ne s’est pas produit, au contraire. Ces Ultimes sont des bateaux fantastiques. »

« C'est toujours émouvant d'arriver. Je suis fier de Sodebo Ultim' conçu pour le large. Quel plaisir de s’être bagarré comme ça jusqu’au bout. Quel match, quel tempo, quel duel ! C'est enthousiasmant de se sentir pionnier d'une histoire pareille. Voilà qui laisse présager de belles courses autour du monde à cinq ou six bateaux ! »

Jean-Luc Nélias, co-skipper de Sodebo Ultim’

LA DEUXIEME PLACE
« Difficile d’affirmer que tout s’est joué sur cette simple manœuvre, mais il y a eu un empannage clé avant d’arriver sur les Iles du Cap Vert. Nous étions encore trente sept milles devant Macif, qui était revenu sur nous le long des côtes de Mauritanie parce que derrière, ils bénéficiaient d’un vent refusant, un peu plus favorable à la vitesse que le nôtre. Nous avions préparé cet empannage depuis le matin. Nos adversaires ont bien vu notre manœuvre parce que nous recevons les positions de la flotte toutes les demi-heures, ce qui d’ailleurs ne permet pas de jouer des coups incognito. Bref, ils ont logiquement calqué leur tactique sur la nôtre, et ils ont empanné « à l’intérieur » de notre trajectoire, ce qui a effacé aussitôt leur retard par rapport à l’arrivée. Ce décalage latéral s’est retrouvé à l’entrée dans le Pot au Noir. Il était d’environ 30 milles. A la sortie, 36 heures après, il était de 55 milles… Ce petit décalage leur a apparemment permis de bénéficier d’un Pot-au-Noir un peu moins défavorable que le nôtre, et donc d’en sortir un peu plus tôt que nous. Ensuite, comme ils étaient devant, ils recevaient systématiquement un vent plus fort, puis plus adonnant avant nous. Donc ils n’ont cessé de prendre de l’avance. Et à six heures près, derrière, nous avions des conditions différentes. Nous sommes bien revenus sur la fin, mais cela n’a pas suffi. Après les premières 24 heures, nous avons eu tout le temps des conditions medium ou légères. Dans ce temps-là, ils ont excellé. Bravo à François et Pascal d’avoir été aussi efficaces avec un bateau neuf, qu’ils ne connaissaient pas encore très bien au départ.»

LA FATIGUE
« On ne s’économise pas beaucoup. Ce sont des bateaux très énergivores et nous les menons à 100 %. Nous avons beaucoup manœuvré, en particulier dans les dernières vingt-quatre heures, donc ça tire un peu sur les bras et il y a forcément un peu de lassitude physique. Mais ça va. L’étonnant, c’est que nous parvenions à mener ces bateaux de plus de trente mètres comme on menait les trimarans de dix-huit mètres des années 2000. »

LE BATEAU
« Il est nickel. Nous n’avons jamais sorti la caisse à outils. L’équipe technique a fait un boulot de préparation remarquable. Il y a juste le bord de fuite d’un foil qui a été endommagé, sans doute après la rencontre avec un cétacé le long des côtes brésiliennes. Sodebo Ultim’ est très puisant et très rassurant dans la grosse mer. Nous n’avons pas été traumatisés par la vitesse de nos adversaires. Ils avaient certainement un plus dans certaines conditions, mais au final, la différence de performances est suffisamment faible pour autoriser un vrai match racing océanique. C’est ce qui est arrivé. »


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par la rédaction
Source : C Muller