Loick Peyron, quatre tours du monde au compteur, vainqueur de la dernière Route du Rhum, n’a jamais participé à la Volvo Ocean Race. "C’est sur la durée que l’on reconnait une belle équipe et ce n’est pas simple à gérer." Le skipper livre un regard franc sur la course.
Credit: Ainhoa Sanchez /Volvo Ocean Race
Quel regard portez-vous sur la Volvo Ocean Race ?
" C’est une histoire que je suis depuis tout petit quand elle s’appelait Whitbread. Par contre, je ne l’ai jamais faite. J’étais assez occupé. Je ne sais pas si ça m’arrivera un jour d’y participer. On ne sait jamais. J’aime bien la course, j’aime la suivre. C’est l’une des grandes confrontations internationales.
Nous sommes dans un monde où tout se passe vite. La Volvo est un long sacerdoce, rien qu’au niveau de la préparation. C’est un vrai engagement. C’est ce qui fait le challenge de la course. C’est sur la durée que l’on reconnait une belle équipe et ce n’est pas simple à gérer.
C’est devenu un peu plus intéressant grâce au one design. La problématique de la monotypie, c’est que ça fige une période de l’architecture et de l’intelligence humaine alors qu’elle évolue tous les jours. Mais ça a l’intérêt de comparer les bonhommes et pas les budgets."
Justement, la course est très différente avec l’arrivée de la monotypie, qu’en pensez-vous ?
"Avec la monotypie, les équipages gèrent différemment leur course. Avec les mêmes logiciels de routage et les mêmes bateaux, tout le monde va au même endroit. Ou alors quand ils ne le font pas, c’est un peu comme au casino. Ils misent car leur situation au classement leur permet de prendre des risques.
Et c’est vrai qu’à certains moments, on aimerait ne plus avoir d’information météo, ne plus avoir la position des autres pour ré-ouvrir le jeu et éviter le panurgisme. Il n’y a pas que sur la Volvo que ça existe. C’est peut être frustrant même si cette course au contact est géniale. Mais globalement, c’est sympa à voir, ce sont de belles machines."
Et les Français dans cette Volvo ?
"Les Français ? Ils font les choses bien ! Même si tout ne leur a pas souri entre le démâtage et cette dernière étape. Ils montrent une chose passionnante : la spécificité française qu’est le solitaire génère les meilleurs skippers et les meilleurs équipiers qui soient. Pourquoi ? Parce qu’on est obligé de tout faire. Notre spécialité finalement est d’être généraliste. Cette école française est vraisemblablement la mieux adaptée aujourd’hui pour ce type de problématique à l’image des projets comme Dongfeng ou même Oman sur d’autres circuits.
Quand on est tout seul sur un immense bateau qui a été conçu pour un équipage, il faut bien se débrouiller. Les Anglo-saxons ne savent même pas comment on fait. Nous avons une sorte de technique, d’expérience et d’histoire.
Ce n’est pas du tout un défaut d’avoir fait du solo. C’est un vrai plus. Je pense que beaucoup de gens devraient faire un peu de solo dans beaucoup de disciplines de la voile pour mieux respecter leur équipage, pour mieux anticiper sur leurs demandes et leurs difficultés.
D’où les résultats que l’on n’attendait absolument pas. On les prenait pour des jeunes peintres. Maintenant ils sont pris au sérieux tout comme l’ensemble de la voile française depuis pas mal d’années maintenant et comme Groupama la dernière fois ou dans le domaine de la coupe ou ailleurs.
Etonnamment, même si le milieu de la voile anglo-saxonne est assez fermé, ce milieu respecte beaucoup ce qui part d’ici. Ca ne veut surtout pas dire qu’une bonne équipe n’est faite que de Français, ça ne présenterait aucun intérêt."
Vous avez un conseil à donner à Dongfeng avant cette dernière étape ?
"Dongfeng a un peu touché le fond et il n’y a rien de mieux que ça pour rebondir. Ils ont peu de choses à se reprocher. Ils sont déjà dans une position dans laquelle personne ne les attendait. L’essentiel du travail a été fait. Après, les aléas d’une course à la voile font qu’ils sont là où ils sont.
Ils ont fait beaucoup plus que ce que l’on pouvait espérer. Il faut juste profiter et peut être même avoir un peu de fun sur la fin. Tout simplement. Car c’est la fin d’une très belle histoire quelle que soit son issue. On n’est pas obligé de gagner pour réussir. Ils ont déjà réussi !"
par la rédaction
Source : VOR