Parti de Ouessant le 17 janvier à 7h42 (HF), le skipper avait franchi l’équateur en 6 jours 20 heures, un temps dans ses objectifs. "De la fenêtre de la dernière chance, on est descendu jusqu'à l'équateur de façon loin d'être ridicule. Je savais que la clé allait être Sainte Hélène," expliquait ce soir le skipper. Ce soir, il a pris la décision de renoncer et de rentrer à la Trinité sur Mer. Trop de retard mais surtout des conditions météos à venir faisant prendre trop de risques. Il raconte.
Credit : V.Curutchet
Depuis qu’il navigue dans l’hémisphère sud, la météo n’a pas été propice à la vitesse. Aux prises depuis lundi avec un anticyclone de Sainte-Hélène particulièrement étendu entre l’Amérique du Sud et l’Afrique, Thomas accuse depuis ce matin un retard de plus de 1000 milles sur le détenteur Francis Joyon.
Cet après-midi, alors qu’il naviguait au près dans 15 nœuds de vent à 2 000 milles du Cap de Bonne Espérance, un nouveau coup de frein s’annonçait dans les 36 prochaines heures avec le contournement d’une zone de calmes impliquant de rallonger considérablement la route. A la lecture des derniers routages, le retard de Sodebo à son entrée dans l’Océan Indien serait de 1 600 milles, soit environ trois jours de mer.
L’équipe à terre qui analyse la météo pour Thomas à partir de fichiers de Météo France et CLS, observe une nouvelle zone de vents faibles et la présence de glaces dans l’Indien. La route théorique proposée ferait descendre Thomas par 60 degrés Sud, soit à 300 milles au Nord de l’Antarctique. Les risques encourus, tant en terme de performances sportives qu’en terme de sécurité, vont à l’encontre de ce que recherchent le skipper et son partenaire.
Thomas Coville raconte par téléphone :
"Aujourd'hui, les fichiers nous confirment que, même en descendant très Sud dans l’océan Indien, et c'est ce que nous proposent les routages, on est moins rapide que Francis (Joyon).
Mise à part le retard à Bonne Espérance puis celui que l’on aurait pu prendre dans l’Indien, nous aurions été au-delà des limites que nous nous étions fixées en terme de sécurité. Les routages m’imposaient d’aller slalomer entre les glaces au sud des iles Kerguelen avec le risque de me mettre en danger mais d’impliquer aussi d’autres personnes en cas de pépin.
Je ne suis pas une tête brulée. Il faut savoir composer avec la performance, le professionnalisme et la sécurité. Je n’ai pas envie de m’entêter et de basculer dans un scénario catastrophe. Je veux rester lucide par rapport à ce que je suis capable de faire.
Je prends la bonne décision. Je ne suis pas un kamikase. Je suis un compétiteur certes mais je dois rester responsable.
J'ai une amertume de ne pas aller au bout. De ne pas réussir. Mais je n'ai rien à me reprocher ni à regretter. J'ai tenté, j'ai osé et au-delà, ce n'était pas marin. La limite avec laquelle je joue avec la nature s'arrête là. Le plus difficile est de prendre la décision. En tant que compétiteur, ce soir, je suis forcément affecté.
J’ai pris un immense plaisir à venir jusqu’ici. J'ai ce bateau dans la peau. Je me sens bien. Je me suis régalé à faire tout ce que j'ai fait."
Par la rédaction
Sources : Sodebo et ScanVoile