Figaro / Court avantage aux Nordistes sur la Bretagne Martinique, Kristin Songe-Moller démâte

Pas question de flâner, les solitaires viennent chercher du vent et de quoi aller toucher les alizés qui les mèneront à La Martinique. L'ambiance se réchauffe : les skippers ont mis leur tenue d'été, et profitent du bonheur de glisser sous spi. Deux compères (Damien Guillou - La Solidarité Mutualiste et Arnaud Godart-Philippe - Régates Sénonaises) ont choisi la route opposée, celle par le nord, qui laisse Madère à bâbord. Deux options radicalement différentes, une course de plus en plus passionnante. Il manque à la Transat Bretagne - Martinique depuis hier soir, la seule femme de l'épreuve : Kristin Songe-Moller. La navigatrice norvégienne a démâté.


Credit : A.Courcoux

Alors qu'Eric Baray poursuit sa descente le long du Portugal par un vent d'ouest de 16 nœuds, 700 milles devant, Erwan Tabarly mène toujours le groupe des sudistes. Avec 8 nœuds de nord-nord-est, sous spi, le skipper d'Armox Lux – Comptoir de La Mer se sent pousser des ailes. Il commence à creuser l'écart (35 milles) avec son poursuivant direct, Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012).

Mais l'affaire n'est pas simple. Les marins s'éloignent de la route directe. Il leur faut longer les côtes africaines pour prendre le train des alizés, situé quelques degrés au-dessus des îles du Cap Vert. Cette année, la Transat Bretagne – Martinique prend des airs de course d'endurance… Le souci du moment, se rationner en gasoil (nécessaire pour faire tourner le moteur et recharger les batteries) pour tenir jusqu'à la fin.

Ils tentent un coup
A l'ouest de Madère, deux marins jouent un gros coup. Un pari osé mais qui pourrait bien payer au final. Pas de spi pour Damien Guillou et Arnaud Godart-Philippe, mais du près dans du petit temps. « Je me dirige vers l'anticyclone, quand ça va refuser, je vais rentrer dedans. C'est risqué ce que je fais. Je vais traverser la dorsale, je serai au près. Ce n'est pas un coup de poker. Je suis vraiment content d'être là, j'aurais eu des regrets de ne pas avoir essayé. » expliquait Damien à la vacation ce matin.

Aujourd'hui, les marins sont heureux d'en avoir fini avec ce fichu temps de chien. Heureux de régater sur l'Atlantique, même si la route est encore longue avant d'atteindre La Martinique.


La navigatrice norvégienne Kristin Songe-Moller, seule femme de la Transat Bretagne-Martinique, a contacté à 20h20, samedi soir, Gilles Chiorri, le directeur de course, pour lui indiquer qu'elle avait démâté. 


La navigatrice se situait alors à 250 milles des côtes portugaises et les conditions sur zone étaient un vent de nord-ouest pour 25 noeuds avec rafales, et une mer agitée. Juste avant d'appeler, Kristin avait déjà libéré le mât. Lors d'un deuxième appel à 22h30, Kristin avait établi un gréement de secours et faisait route au nord-est vers le cap Saint-Vincent qu'elle devrait rejoindre d'ici 3 à 4 jours. 

La navigatrice va bien, les prévisions de vent sont favorables pour les prochains jours. La direction de course, en relation avec le MRCC Lisbonne, garde une veille attentive sur sa progression.

Kristin Songe-Moller raconte :
"Je vais lentement et je fais cap au sud-est du Portugal. Il ne se passe pas grand chose ici. Je suis restée assise au soleil dans le cockpit pour boire un café. Je porte mon gilet de sauvetage, et je suis accrochée à une ligne courte parce que le bateau bouge beaucoup sans son mât. Je me sens comme sur une croisière de vacances involontaires... avec un gréement de fortune ... J'ai hâte de régler le désordre quand j'arriverais. Mais jusqu'à présent, je suis heureuse de ma réaction, de ma faculté à avoir géré les problèmes avec un esprit clair. 

J'étais au reaching à 12 nœuds, le vent soufflait à 27 nœuds. J'avais un ris dans la grand-voile, et le solent à l'avant. J'étais en bas, sur le point de faire un routage sur la façon de naviguer autour de l'anticyclone dans les îles Canaries, quand j'ai entendu un gros bruit. Du coin de l'œil, du hublot, j'ai vu le vert de ma grand-voile. Je pense que j'ai crié, et sans réfléchir, j'ai pris ma boîte à outils et je suis sortie rapidement dans le cockpit. 

J'ai fait une vérification rapide pour voir comment le mât était couché dans l'eau. Heureusement, il n'avait pas touché la coque. Puis, j'ai commencé à défaire les drisses. J'ai pris avec moi la scie à métaux, un marteau et une pince sur le pont. J'ai utilisé la pince et le marteau pour enlever les goupilles. C'était étonnamment facile. J'ai coupé tous les fils avec le couteau du cockpit. Comme la mer était assez formée, je voulais éloigner le mât loin de mon bateau aussi vite que possible, pour prévenir tout dommage sur ma coque. »



Les marins racontent
Corentin Horeau (Bretagne - Crédit Mutuel Espoir) : "Hier ça a été la journée de la « loose »"
« Je vais passer à l'intérieur, entre la côte et Lanzarote car c'est le seul point de passage possible avec un peu de vent. Après on descendra le long des côtes africaines. Nous irons dans le sud, 20° sud et après on partira vers l'Atlantique. On passera au dessus du Cap vert. Les bateaux ont beaucoup souffert. Hier ça a été la journée de la « loose ». Dès que je faisais quelque chose, je trouvais une nouvelle panne. Je ne suis pas le seul dans cette situation et je ne suis pas là pour me plaindre. Je suis reparti et ça va le faire. J'ai pris du retard, il va falloir que je cravache pour revenir. »

Gildas Morvan (Cercle Vert) : "c'est le bonheur !"
« Cercle Vert bonjour ! Tout va bien, il y a du soleil et les conditions sont idéales. Ca glisse sous spi. Je suis en tee-shirt et en Croc's™ donc c'est le bonheur. Nous sommes partis pour faire la grande balade. Nous avons fait l'Espagne, le Portugal, l'Afrique… Nous sommes partis pour une grande saga. Ca nous fait longer le Maroc, descendre très très bas. Il va falloir pousser très bas, pas jusqu'à Dakar, nous allons tourner avant le Cap Vert. D'après les modèles, nous n'avons pas le long terme jusqu'à la Martinique mais ça promet du spi jusqu'à quasiment l'arrivée. »


Les cinq premiers au classement à 16 h 
1 : La Solidarité Mutualiste (Damien Guillou) à 2 583,19 milles de l'arrivée
2 : Régates Sénonaises (Arnaud Godart-Philippe) à 45,31 milles
3 : Armor Lux – Comptoir de la Mer (Erwan Tabarly) à 221,89 milles
4 : Bretagne – Crédit Mutuel Espoir (Corentin Horeau) à 233,89 milles
5 : Bretagne – Crédit Mutuel Performance (Anthony Marchand) à 240,67 milles

Source : Rivacom