Après 78 jours passés en mer et une superbe victoire dans le Vendée Globe, difficile de ne pas retenir quelques larmes pour le jeune skipper. François Gabart revient sur son périple et son formidable exploit. Il raconte ses soucis, ses silences et son immense joie !
Crédit : E Allaire
Comment as-tu vécu cette arrivée et l'entrée dans le chenal ?
Difficile de ne pas être ému quand on arrive. La transition est tellement énorme. Tous ces gens ! Je ne réalisais pas ! Il y a 4 ans, j'étais là pourtant, à l'étrave de Foncia. J'étais préparé d'une certaine façon. Pas assez en fait ! Tu te rends compte à quel point tu as touché le public. Je suis si fier et heureux pour tout ça ! On peut penser que c'est un peu de la folie ce qu'on fait, mais quand on voit tout ça, on se dit que ça sert à quelque chose !
Parle-nous de ta dernière nuit en mer
Très dure ! 30 à 40 noeuds de vent, des vagues énormes, des cargos, des pêcheurs. Tout ce qui peut te faire arrêter ! Dans ces conditions, tu peux tout perdre ! J étais à l'attaque sans prendre de risque.
Quel a été le déclic dans ta course où tu as pensé que la victoire pouvait être au bout ?
Au départ, la victoire n'était pas l'objectif n°1. C'était trop ambitieux. Mais au moment où j'ai doublé Armel (Le Cléac'h) dans l'Indien, Vincent Riou était out (abandon) et Jean-Pierre Dick était décroché, là j'ai compris que je pouvais jouer la gagne. Mais le moment-clé a été au Cap Horn. On faisait jusqu'alors une course de vitesse avec Armel et on a opté pour deux choix différents. Et j'ai fait le bon !
Quels ont été tes soucis techniques ?
J'ai eu la chance de ne pas avoir toutes les galères en même temps ! Même si j'ai tout fait pour ! Le premier gros problème a été un problème moteur. On était au 5e jour après le départ, peu après Madère. J'ai réussi à réparer et après cela, je me suis senti plus fort !
Je me suis surpris moi-même. On découvre des choses sur soi. C'est aussi pour ça qu'on part. Je ne pensais pas être capable de faire tout ça, réparer, encaisser. Et pourtant, après chaque coup dur, tu t'y remets. Et à la fin, tu te dis : Mais comment j'ai fait ?
Pourquoi avoir décidé de parler si peu de tes soucis (techniques ou moral)?
Au début, je ne pensais pas fonctionner de cette manière ! C'était presque aller contre ma nature, moi qui suis assez spontané. Et quand j'ai eu mon souci de moteur, j'ai commencé à garder des choses pour moi. Le fait d'être dans une compétition pure avec Armel a changé la donne. Je ne pouvais plus me permettre de laisser des infos à l'adversaire !
Ce soir, tu resignes pour le prochain Vendée Globe ?
Repartir ? Ce soir, je ne sais pas. Il y a 4 ans, j'aurais signé dans n'importe quelles conditions. Pas maintenant. Il faut une envie profonde pour y aller. C'est tellement dur ! Et aujourd'hui, je ne l'ai pas cette envie !
Comment s'est passé le duo avec ton bateau ?
Je suis tellement fier de Macif ! Fier d'avoir pu naviguer sur ce bateau. Au début, j'étais plus spectateur. Puis je l'ai écouté, senti. Pour moi qui suis ingénieur, c'est un tel plaisir de construire et développer ces magnifiques machines !
Que vas-tu dire à Armel à son arrivée ?
Lui dire "Merci". Sans lui, il n'y aurait pas eu cette compétition, cette intensité. Et "Merci" aussi de ne pas m'avoir doublé !
Par la Rédaction