Vendée Globe / En tête, François Gabart raconte; J+41 les marins fatiguent (ITW)

Ils sont maintenant cinq à être entrés de plain-pied dans le Pacifique. Derrière les deux leaders, François Gabart (MACIF) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), toujours collés serrés, seuls Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) parviennent à suivre le rythme depuis 24 heures. Pas de grandes options tactiques au programme des prochains jours, mais une course de vitesse où il va falloir savoir doser les efforts pour aller vite tout en ménageant le matériel. Bertrand de Broc attend, lui, de se mettre à l'abri au sud de la Nouvelle-Zélande pour intervenir sur la plage avant.


François Gabart :"La mer s’est calmée, ce n’est pas du tout la violence des deux jours précédents"
Credit : JM Liot/DPPI/Vendee Globe

François, quelles sont tes conditions dans le Pacifique ?
« Aujourd’hui, les conditions sont relativement paisibles, avec 15-20 nœuds de vent. J’en ai profité pour ranger la véranda, faire le ménage du bateau et bricoler un peu, mais aussi pour me reposer. La mer s’est calmée, il reste de la houle, mais ce n’est pas du tout la violence des deux jours précédents: la mer était vraiment forte, déferlait sur le pont, tapait sur le bateau, c’était vraiment n’importe quoi, impressionnant ! »

Quel souvenir marquant gardes-tu de cette dernière semaine de course ?
« Le passage de l’île d’Auckland (sous la Nouvelle-Zélande), je ne faisais pas le malin ! Il y avait 35-40 nœuds établis, il fallait choisir de quel côté la passer. Je ne voulais pas le faire au vent car j’estimais que c’était trop risqué, je craignais aussi de passer trop près, parce que la montagne y culmine à 600-700 mètres, ce qui est assez élevé. Je voulais éviter l’effet Venturi, mais aussi toutes les choses qui traînent autour de ce genre d’île, les billes de bois, les gros tas d’algues, tout ça dans 40 nœuds. Mais j’ai quand même eu 52 nœuds à l’anémomètre dans une grosse rafale à côté de l’île, ça commence à tousser un peu… »

Tu t’attaques désormais au grand désert maritime qu’est le Pacifique, n’as-tu pas un sentiment de vertige ?
« Non, pas du tout. Je suis vraiment heureux d’être là, je n’éprouve pas de lassitude, au contraire. Lors des premiers jours du Vendée Globe, j’avais du mal à me projeter, c’était trop grand devant moi pour essayer d’imaginer quoi que ce soit : 24000 milles, trois mois, ça me paraissait immense. Je n’avais pas de repères, je pouvais effectivement ressentir un certain vertige. Mais depuis quelques semaines - et encore plus depuis la mi-course mi-parcours - j’ai l’impression de maîtriser le temps, je ne ressens plus cette crainte, tout à fait légitime, à propos de la durée. J’ai même l’impression que c’est rapide ! »

Armel Le Cléac’h et toi êtes inséparables depuis plusieurs jours, comment vis-tu au quotidien ce mano a mano ? 
« C’est vrai que nous sommes tous les deux sur le même bord, à quelques milles, ça fait un petit bout de temps que cela dure. Mais je ne vais pas m’en plaindre, c’est toujours sympa d’avoir un copain à côté. C’est excitant pour nous et c’est bien pour la course. Et d’un point de vue sécurité, ce n’est pas plus mal de traverser le Pacifique avec un bateau pas très loin. Après, si Banque Populaire n’était pas là, ça ne changerait quasiment rien à ma façon de naviguer. Je suis dans mon rythme et je ne fais rien sur le bateau en fonction de lui. »

Quel est le programme de la semaine à venir ? 
« Nous allons passer la porte Nouvelle-Zélande dans du petit temps. Après, nous devrions partir devant une petite dépression dans un flux de nord-ouest assez fort, 20-25 nœuds, ce qui devrait nous permettre d’aller vite sans trop forcer jusqu’à la prochaine porte, Ouest Pacifique. Nous arriverons sur cette porte dans la traîne de la dépression, probablement aux alentours du 24 décembre. Puis un passage au Cap Horn début janvier. »


Les marins racontent
Armel Le Cléac'h: "Ca fait du bien quand ça ralentit"
"On navigue toujours dans les cinquantièmes hurlants, les nuits sont très courtes, maximum 5 ou 6 heures. Là il fait nuit mais comme on fonctionne en TU (heure française – 1) ça va être l’heure du déjeuner, c’est un peu spécial mais on à l’habitude. Niveau conditions météo, là ça commence à se calmer et ça fait du bien de souffler un peu… Ces dernières 36 heures étaient épuisantes ! C’est sympa de naviguer à 20 nœuds de moyenne mais ça fait du bien quand ça ralentit aussi…et au moins on est plus obligé de se déplacer à quatre pattes. J’ai donc davantage le moral aujourd’hui qu’hier ! J’ai profité des conditions plus calmes de la fin de journée - cette nuit pour vous - pour dormir. On essaie en général d’optimiser ces moments de répit pour récupérer.  »

Bernard Stamm :"C’est de nouveau du travail de forçat"
"Je viens de lâcher le ris et comme j’ai de nouveau perdu ma colonne (ndlr : colonne de winch, réparée récemment) c’est de nouveau du travail de forçat... Il faudra que je la répare mais pour l’instant j’ai la tête à mes hydrogénérateurs. Je fais les choses par ordre de priorité. Là, en ce moment, il y a 90% de plaisir de naviguer et 10% de frustration. Mais quand je viens de finir de réparer l’hydrogénérateur mais qu’il s’arrache de nouveau dix minutes après, là c’est 100% frustration et plus envie de naviguer ! On sent bien le mois de course. La récupération est beaucoup plus compliquée. Sitôt qu’on se met dans le rouge pour une raison ou pour une autre, c’est la misère pour récupérer."

Bertrand de Broc va faire un arrêt rapide pour réparer
Bertrand de Broc attend de pouvoir se mettre à l'abri au sud de la Nouvelle-Zélande pour intervenir sur la plage avant, et finir de remplacer, sur une mer plus calme, l'emmagasineur de voiles d'avant. Dans des vents forts, avec des rafales à 50 noeuds sur une mer chaotique, l'emmagasineur s'est détaché de l'avant du bateau, il est venu cogner la coque au niveau de l'étrave. Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets déplore un impact, que le skipper a pu colmater partiellement. Aucune voie d'eau n’a été constatée, mais Bertrand envisage néanmoins, quand les conditions le permettront, une réparation plus solide, pour entamer la traversée du Pacifique Sud dans de bonnes dispositions.  "Pour moi, les travaux ont commencé très tôt ce matin. C'est un vrai atelier à bord ! J'ai pu réparer l'hydrogénérateur qui faisait des siennes : la faute à l'usure des bouts pour le monter et le descendre. Ca, c'est fait ! J'ai commencé aussi à me pencher sur la question des réparations à faire à l'avant. Je n'en ai pas forcément pour très longtemps, pas plus de deux heures, mais il faut que j'attende des conditions plus raisonnables pour ne pas prendre des risques inconsidérés. Il faut que j'aille au bout du bout dehors".

Classement à 16 h
1 MACIF François Gabart
2 Banque Populaire Armel Le Cléac´h à 2.5 nm
3 Virbac Paprec 3 Jean-Pierre Dick à 547.6 nm
4 HUGO BOSS Alex Thomson à 887.2 nm
5 Cheminées Poujoulat Bernard Stamm à 892.9 nm

Sources : Macif / Banque Populaire / Votre nom autour du monde / Vendee Globe