Armel Le Cléac’h s’élancera sur le Vendée Globe le 10 novembre au départ des Sables d’Olonne. L'occasion de faire le point avec le skipper de Banque Populaire sur cette course hors norme.
Vu par Armel
La compétition
« La recette pour gagner ? S’il y en avait une, je gagnerais tout le temps ! En revanche, il y a une méthode de travail, de préparation en amont, avec un planning et une équipe à gérer et aussi un sponsor derrière. Il faut de la rigueur, être capable de faire des sacrifices personnels. S’astreindre à une préparation physique régulière, ne pas rester dans le canapé en attendant que ça se passe. Même quand on a gagné des courses, ne pas oublier qu’il y a eu des points faibles, des points négatifs. C’est comme cela qu’on arrive à rester en haut du tableau. Il faut rester vigilant dans la durée, être à l’écoute de ce qui se passe autour, naviguer sur d’autres bateaux, d’autres circuits, ne pas se renfermer sur soi, sinon, on peut vite être dépassé. Je pense que ceux qui gagnent sont ceux qui ont une grosse capacité de travail, qui ont su évoluer, changer de méthode, qui ont réussi à se remettre en question… »
La régate : un combat psychologique
« Même s’il y a un « gentlemen agreement », du fair play entre les adversaires, sur l’eau, c’est la guerre, et il n’y a pas de copain. C’est le jeu, c’est comme ça que je le vois, sinon, on ne fait pas ce sport, on fait de la croisière. Ce n’est pas un sport de combat, on ne se donne pas de coups physiquement, mais on peut se mettre des coups au moral. C’est un jeu d’échec, une guerre psychologique. C’est passionnant et parfois ça peut faire mal, physiquement et dans la tête parce qu’on se met beaucoup de pression. »
Le physique
« Quand je suis arrivé en 2000 au Centre d’Entraînement de Port La Forêt, à la piscine, au bout de deux longueurs, j’étais essoufflé et en VTT, je me faisais décrocher. Je me suis dit : « là, il y a du boulot ». Quand tu es jeune, ça peut passer : sur l’eau, à l’entraînement, tu es plein d’énergie, tu as la niaque, tu es à 200 à l’heure sauf que le soir, tu finis sur les rotules. Depuis 2006 et ma préparation pour le Vendée Globe, je suis monté en puissance dans ce domaine. La prépa physique peut faire la différence. Pour moi, c’est très important. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans sa tête. Quand tu as la forme, que tu es affûté, c’est plus facile pour tenir la distance, plus facile pour la récupération ».
Le mental
« J’ai essayé la préparation mentale par curiosité, pour voir si cela pouvait m’apporter quelque chose de plus. Mais je n’ai pas adhéré. J’ai constaté que ma façon de me pré-parer, de m’entourer, de travailler me convenait très bien et que le mental était déjà là. Si le physique est là, que dans ma vie personnelle, familiale, ça va, si j’arrive reposé aux départs des courses, alors tout va bien. »
La victoire, mais pas à tout prix
« Ce n’est pas la rage de vaincre qui m’anime à chaque fois que je vais sur l’eau. Mais celle de bien naviguer. Trouver la meilleure route, avec la météo, les éléments, c’est ce qui me passionne. Quand la victoire est au bout, avec la manière, c’est la cerise sur le gâteau. Les courses que je n’ai pas gagnées, sur le moment, j’étais très déçu. Mais avec l’expérience, on apprend à passer à autre chose et on se sert de ses échecs pour être plus fort la prochaine fois ».
7 février 2009 : Armel au ponton à l'arrivée du Vendée Globe
« Le Vendée Globe ne génère pas la même émotion qu’une course classique. Au petit matin, j’avais dû patienter avant d’entrer aux Sables d’Olonne. J’ai ralenti le bateau et je me suis posé. Je me suis dit : « je l’ai fait ce tour du monde ! ». J’étais fier d’être allé jusqu’au bout, d’avoir ramené le bateau. La dernière semaine avait été très difficile et j’avais eu peur de ne pas y arriver. Ensuite j’ai savouré la remontée du chenal, j’ai retrouvé ma famille, ma fille que j’avais laissée alors qu’elle avait 18 mois. Mon père a versé une petite larme. Mais une fois à terre, j’étais perdu, affaibli physiquement (par manque de nourriture, Armel termine amaigri de 8 kg). Je n’ai même pas réussi à ingurgiter le repas qu’on m’avait offert. »
Armel vu par les autres
Christopher Pratt, son coéquipier dans la Transat Jacques Vabre 2011, sur l’Europa Warm’Up 2012 et en entraînement
« Sa phrase fétiche c’est « ça part de là ». Il est toujours positif, même dans l’adversité, il se concentre toujours sur son action immédiate, il ne se projette jamais dans une éventuelle contre-performance ou performance. Il est comme ces tennismen qui vont jouer chaque point comme si c’était le dernier. Il est hyper linéaire dans sa motivation, jamais abattu par les coups durs. En général, cela veut dire que tu as une grande confiance en toi, une autodétermination ancrée, profonde. Il navigue toujours de manière très propre, très clean et il fait partie des gens qui ont la capacité de bien hiérarchiser les priorités, d’aller à l’essentiel ».
Nicolas Troussel, son ami de toujours et partenaire dans la transat AG2R 2004
« On se connaît depuis toujours, on a grandi ensemble, dans la vie comme en régate. On s’est toujours entraidé, on a toujours échangé sur nos projets. Son surnom de « chacal » lui va bien. A terre, il est consciencieux, minutieux, organisé et il sait où sont les priorités. Sur l’eau, pour lui, rien n’est jamais perdu, il est à la fois très serein et très positif. Agréable à vivre, sans jamais d’énervement et il est très pragmatique dans ses décisions. Et puis il fait partie de ces navigateurs qui appellent le vent, les bonnes bascules, les bonnes risées. Ce n’est pas de la chance, c’est le flair du chacal. »
Christian Le Pape, directeur du Pôle France Finistère Course au Large
« Armel est un compromis entre Michel Desjoyeaux et Franck Cammas. Il est dans une approche moins agressive que Cammas qui lui est dans le combat permanent. Il est dans le compromis entre « battre les autres » et faire bien les choses, sereinement. Il est en pleine maturité, avec une sérénité et une fluidité dans sa gestion de la compétition. Ça paraît facile comme ça, mais c’est un art. Et il semble être au sommet de son art, dans la maîtrise du bateau, dans sa capacité à s’extraire des écoutes et à regarder à l’extérieur. Il n’est pas dans la logique : « je vais tous vous marcher dessus», il est dans l’anticipation permanente. C’est aussi un prédateur, mais pas avec un sourire carnassier, plutôt avec le sourire de quelqu’un satisfait du travail bien fait. Sur l’eau, il fait des choix qu’il assume pour de bonnes raisons. C’est de la confiance sans être de la prétention. Il est bien équilibré, pas dans le mode « j’ai raison les autres ont tort ».
Source : Banque Populaire
Credit : V.Curutchet/Dark Frame
Vu par Armel
La compétition
« La recette pour gagner ? S’il y en avait une, je gagnerais tout le temps ! En revanche, il y a une méthode de travail, de préparation en amont, avec un planning et une équipe à gérer et aussi un sponsor derrière. Il faut de la rigueur, être capable de faire des sacrifices personnels. S’astreindre à une préparation physique régulière, ne pas rester dans le canapé en attendant que ça se passe. Même quand on a gagné des courses, ne pas oublier qu’il y a eu des points faibles, des points négatifs. C’est comme cela qu’on arrive à rester en haut du tableau. Il faut rester vigilant dans la durée, être à l’écoute de ce qui se passe autour, naviguer sur d’autres bateaux, d’autres circuits, ne pas se renfermer sur soi, sinon, on peut vite être dépassé. Je pense que ceux qui gagnent sont ceux qui ont une grosse capacité de travail, qui ont su évoluer, changer de méthode, qui ont réussi à se remettre en question… »
La régate : un combat psychologique
« Même s’il y a un « gentlemen agreement », du fair play entre les adversaires, sur l’eau, c’est la guerre, et il n’y a pas de copain. C’est le jeu, c’est comme ça que je le vois, sinon, on ne fait pas ce sport, on fait de la croisière. Ce n’est pas un sport de combat, on ne se donne pas de coups physiquement, mais on peut se mettre des coups au moral. C’est un jeu d’échec, une guerre psychologique. C’est passionnant et parfois ça peut faire mal, physiquement et dans la tête parce qu’on se met beaucoup de pression. »
Le physique
« Quand je suis arrivé en 2000 au Centre d’Entraînement de Port La Forêt, à la piscine, au bout de deux longueurs, j’étais essoufflé et en VTT, je me faisais décrocher. Je me suis dit : « là, il y a du boulot ». Quand tu es jeune, ça peut passer : sur l’eau, à l’entraînement, tu es plein d’énergie, tu as la niaque, tu es à 200 à l’heure sauf que le soir, tu finis sur les rotules. Depuis 2006 et ma préparation pour le Vendée Globe, je suis monté en puissance dans ce domaine. La prépa physique peut faire la différence. Pour moi, c’est très important. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans sa tête. Quand tu as la forme, que tu es affûté, c’est plus facile pour tenir la distance, plus facile pour la récupération ».
Le mental
« J’ai essayé la préparation mentale par curiosité, pour voir si cela pouvait m’apporter quelque chose de plus. Mais je n’ai pas adhéré. J’ai constaté que ma façon de me pré-parer, de m’entourer, de travailler me convenait très bien et que le mental était déjà là. Si le physique est là, que dans ma vie personnelle, familiale, ça va, si j’arrive reposé aux départs des courses, alors tout va bien. »
La victoire, mais pas à tout prix
« Ce n’est pas la rage de vaincre qui m’anime à chaque fois que je vais sur l’eau. Mais celle de bien naviguer. Trouver la meilleure route, avec la météo, les éléments, c’est ce qui me passionne. Quand la victoire est au bout, avec la manière, c’est la cerise sur le gâteau. Les courses que je n’ai pas gagnées, sur le moment, j’étais très déçu. Mais avec l’expérience, on apprend à passer à autre chose et on se sert de ses échecs pour être plus fort la prochaine fois ».
7 février 2009 : Armel au ponton à l'arrivée du Vendée Globe
« Le Vendée Globe ne génère pas la même émotion qu’une course classique. Au petit matin, j’avais dû patienter avant d’entrer aux Sables d’Olonne. J’ai ralenti le bateau et je me suis posé. Je me suis dit : « je l’ai fait ce tour du monde ! ». J’étais fier d’être allé jusqu’au bout, d’avoir ramené le bateau. La dernière semaine avait été très difficile et j’avais eu peur de ne pas y arriver. Ensuite j’ai savouré la remontée du chenal, j’ai retrouvé ma famille, ma fille que j’avais laissée alors qu’elle avait 18 mois. Mon père a versé une petite larme. Mais une fois à terre, j’étais perdu, affaibli physiquement (par manque de nourriture, Armel termine amaigri de 8 kg). Je n’ai même pas réussi à ingurgiter le repas qu’on m’avait offert. »
Armel vu par les autres
Christopher Pratt, son coéquipier dans la Transat Jacques Vabre 2011, sur l’Europa Warm’Up 2012 et en entraînement
« Sa phrase fétiche c’est « ça part de là ». Il est toujours positif, même dans l’adversité, il se concentre toujours sur son action immédiate, il ne se projette jamais dans une éventuelle contre-performance ou performance. Il est comme ces tennismen qui vont jouer chaque point comme si c’était le dernier. Il est hyper linéaire dans sa motivation, jamais abattu par les coups durs. En général, cela veut dire que tu as une grande confiance en toi, une autodétermination ancrée, profonde. Il navigue toujours de manière très propre, très clean et il fait partie des gens qui ont la capacité de bien hiérarchiser les priorités, d’aller à l’essentiel ».
Nicolas Troussel, son ami de toujours et partenaire dans la transat AG2R 2004
« On se connaît depuis toujours, on a grandi ensemble, dans la vie comme en régate. On s’est toujours entraidé, on a toujours échangé sur nos projets. Son surnom de « chacal » lui va bien. A terre, il est consciencieux, minutieux, organisé et il sait où sont les priorités. Sur l’eau, pour lui, rien n’est jamais perdu, il est à la fois très serein et très positif. Agréable à vivre, sans jamais d’énervement et il est très pragmatique dans ses décisions. Et puis il fait partie de ces navigateurs qui appellent le vent, les bonnes bascules, les bonnes risées. Ce n’est pas de la chance, c’est le flair du chacal. »
Christian Le Pape, directeur du Pôle France Finistère Course au Large
« Armel est un compromis entre Michel Desjoyeaux et Franck Cammas. Il est dans une approche moins agressive que Cammas qui lui est dans le combat permanent. Il est dans le compromis entre « battre les autres » et faire bien les choses, sereinement. Il est en pleine maturité, avec une sérénité et une fluidité dans sa gestion de la compétition. Ça paraît facile comme ça, mais c’est un art. Et il semble être au sommet de son art, dans la maîtrise du bateau, dans sa capacité à s’extraire des écoutes et à regarder à l’extérieur. Il n’est pas dans la logique : « je vais tous vous marcher dessus», il est dans l’anticipation permanente. C’est aussi un prédateur, mais pas avec un sourire carnassier, plutôt avec le sourire de quelqu’un satisfait du travail bien fait. Sur l’eau, il fait des choix qu’il assume pour de bonnes raisons. C’est de la confiance sans être de la prétention. Il est bien équilibré, pas dans le mode « j’ai raison les autres ont tort ».
Source : Banque Populaire