Yann Guichard et les 5 marins de Spindrift racing se sont emparés à la faveur de la nuit du commandement de la Krys Ocean Race. 48 heures après le départ de New York, les 6 hommes maintiennent une infernale cadence, dans des conditions de vent et de mer aujourd’hui encore très dures, qui rendent la vie à bord particulièrement inconfortable.
Alors que la casse prélève comme dans tout sport mécanique, son écot sur la flotte, avec les soucis de dérive pour Stève Ravussin (Race for Water), et de foïls pour Sidney Gavignet (Musandam-Oman sail), Spindrift racing trace sa route au cœur de l’Atlantique, amorçant un mouvement vers le nord qui, tout le rapprochant de la route directe, lui permet aussi d’anticiper sur le développement au large des Açores de l’anticyclone éponyme. Dans l’inconfort absolu d’un multicoque lancé à toute allure sur un océan malmené par le Gulf Stream, les hommes de Spindrift racing gardent la tête froide et l’esprit clair, pour combiner efficacité aux commandes et intelligence de route.
Avec plus de 1 200 milles parcourus sur le fond depuis le départ voici seulement deux jours de New York, les trimarans MOD70 font étalage à l’avant d’un front froid de toutes leurs qualités marines. Spindrift racing est aujourd’hui à la pointe de ces exceptionnelles performances, affichant près de 26 nœuds de moyenne lors des dernières 24 heures. Un épisode pourtant musclé, avec le renforcement de la dépression qui court librement sur l’Atlantique et mêle sa puissante brise, 35 nœuds et plus, à la vélocité du Gulf Stream. La latitude des Açores et la longitude du cap Race, à la pointe sud est de Terre Neuve ont été dépassés au prix d’efforts et de souffrance dont les marins, taiseux de nature, nous laissent imaginer les détails. « Nous sommes quatre barreurs à nous relayer toutes les quarante minutes, ou au feeling, parce que c’est assez éprouvant. » précisait Yann ce matin. « Nous n’avons pas encore utilisé nos bannettes. On dort comme on peut, par terre dans la cuisine ! »
Et pourtant, la lucidité est toujours au rendez vous puisqu’à la faveur de la nuit, Spindrift racing a mis un peu de nord dans sa route et débuté son « ascension » vers la latitude de Brest. « Nous avons dû garder la toile un peu plus longtemps que nos adversaires, ce qui explique notre petite avance » précise par ailleurs Yann Guichard, vigilant à ne jamais pousser le curseur de la prise de risque dans le rouge ; « Nous avons fait un joli « planté » ce matin. Nous avons réduit la voilure. L’expérience de garçons comme Jean-Baptiste Levaillant et Pascal Bidégorry est précieuse. » Les mésaventures survenues à Musandam-Oman sail et Race for water rappellent si besoin était, l’absolue nécessité de l’hyper vigilance au matériel. « Tout va bien à bord » conclut néanmoins Guichard, « et Spindrift racing passe superbement dans les vagues. Le vent doit mollir quelque peu aujourd’hui ; on va pouvoir remettre de la toile ! »
Un savant mélange cap-vitesse qui confère aujourd’hui à la trajectoire de Spindrift racing une redoutable efficacité. « Plus nord que nos adversaires, nous avons plus de vent, mais aussi plus de mer, jusqu’à 4 mètres de creux… » souligne Guichard. Cette stratégie, en rapprochant la route du grand trimaran au plus près de l’orthodromie, a facilité la prise de pouvoir du MOD70 noir et blanc, tout en anticipant déjà sur les décisions cruciales à venir, d’ici 36 à 48 heures quant au déclenchement éminemment stratégique du premier empannage de la course, lorsque le vent basculera à l’ouest. Alors qu’un tiers du parcours a déjà été avalé, les MOD70 n’ont en effet toujours pas quitté l’amure tribord.
Porte ou pas porte ?
Les vitesses exceptionnelles maintenues depuis le départ de la Krys Ocean Race par les MOD70 contraignent la direction de course à envisager la possibilité de rallonger quelque peu le parcours, en imposant aux équipages le passage entre une porte préfigurée par les îles Scilly et le phare de Wolfe Rock à la pointe occidentale de la Cornouaille anglaise. Ce petit détour permettrait aux MOD70 de faire comme prévu leur entrée à Brest vendredi, au début des festivités des « Tonnerres de Brest ».
Ils ont dit :
Michel Desjoyeaux (FONCIA)
« Côté conditions météo, ça commence à mollir doucement et on ne devrait pas tarder à renvoyer de la toile. Cette nuit, nous n’avions pas beaucoup de repères et il fallait se fier à l’électronique qui nous donne la force et la direction du vent, la vitesse du bateau et son cap. On a bien eu un bout de lune en fin de nuit, mais on ne voyait pas grand-chose parce que c’est très nuageux à l’avant du front. Côté stratégie, il n’y a pas d’initiatives à prendre dans l’immédiat et tout le monde suit à peu près la même route. Mais à la longitude des Açores, il y aura des opportunités… On ne voit plus Spindrift racing mais on le suit avec l’AIS. Tout est trempé à bord ! Parce qu’il y a quand même de belles vagues. Et il y a toujours quelqu’un à l’écoute pour gérer la situation dans une bouffée d’air. A l’intérieur, c’est un véritable shaker ! »
Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild)
« Nuit mouvementée et assez ventée : on a eu jusqu’à 30-35 nœuds avec pas mal de grains et une houle croisée qui ne facilitait pas le pilotage. La brise devrait se calmer un peu en milieu d’après-midi ou en début de nuit prochaine, mais on aura quand même 25 nœuds et une mer de 2,5 mètres… Ce midi, comme nous sommes juste au Sud des bancs de Terre-Neuve, il y a parfois des zones très chaotiques avec les méandres du Gulf Stream, puis vingt milles plus loin, ça se réorganise… On navigue sous deux ris et solent à 140-150° du vent réel, un angle assez abattu pour gérer la vitesse et glisser vers le Nord-Est progressivement. On se maintient à 28 nœuds de moyenne et c’est plus « supportable » que les 30-32 nœuds de dimanche soir : c’est important que le barreur joue avec les creux pour ne pas trop solliciter le bateau. Alors avec cette « molle » à venir, ça sera tout de même plus aisé pour négocier les vagues. »
Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) revient sur la casse de leur foil« En milieu de nuit, tout allait bien avec une vitesse moyenne oscillant entre 30 et 33 nœuds sous deux ris dans la grand-voile et foc solent. Le foil s’est rompu mais nous n’avons pas eu l’impression d’avoir touché quelque chose… Nous l’avons retiré de son puits et stocké dans la coque centrale. Nous devons donc naviguer désormais sous deux ris et foc de brise ORC à 70% de notre vitesse normale. Ce qui fait que nous allons perdre 200 milles par jour ! Mais nous pouvons arriver sans encombre jusqu’à Brest : il faut juste rester plus prudent car le bateau enfourne dans la mer plus brutalement. On garde le moral… Nous aurons besoin d’un nouveau foil à Brest, car une escale technique aux Açores n’est pas envisageable : il n’y a pas de vent en ce moment autour de l’archipel. »
Classement à 18 heures :
1 Spindrift Racing - Guichard Yann
2 Foncia - Desjoyeaux Michel à 35.2
3 Musandam-Oman Sail - Gavignet Sidney 123.5
4 Edmond De Rothschild - Josse Sébastien NL
5 Race For Water - Ravussin Stève NL
Sources : Spindrit Racing et Krys Ocean Race
Credit :Ch. Schmid / Spindrift racing
Alors que la casse prélève comme dans tout sport mécanique, son écot sur la flotte, avec les soucis de dérive pour Stève Ravussin (Race for Water), et de foïls pour Sidney Gavignet (Musandam-Oman sail), Spindrift racing trace sa route au cœur de l’Atlantique, amorçant un mouvement vers le nord qui, tout le rapprochant de la route directe, lui permet aussi d’anticiper sur le développement au large des Açores de l’anticyclone éponyme. Dans l’inconfort absolu d’un multicoque lancé à toute allure sur un océan malmené par le Gulf Stream, les hommes de Spindrift racing gardent la tête froide et l’esprit clair, pour combiner efficacité aux commandes et intelligence de route.
Avec plus de 1 200 milles parcourus sur le fond depuis le départ voici seulement deux jours de New York, les trimarans MOD70 font étalage à l’avant d’un front froid de toutes leurs qualités marines. Spindrift racing est aujourd’hui à la pointe de ces exceptionnelles performances, affichant près de 26 nœuds de moyenne lors des dernières 24 heures. Un épisode pourtant musclé, avec le renforcement de la dépression qui court librement sur l’Atlantique et mêle sa puissante brise, 35 nœuds et plus, à la vélocité du Gulf Stream. La latitude des Açores et la longitude du cap Race, à la pointe sud est de Terre Neuve ont été dépassés au prix d’efforts et de souffrance dont les marins, taiseux de nature, nous laissent imaginer les détails. « Nous sommes quatre barreurs à nous relayer toutes les quarante minutes, ou au feeling, parce que c’est assez éprouvant. » précisait Yann ce matin. « Nous n’avons pas encore utilisé nos bannettes. On dort comme on peut, par terre dans la cuisine ! »
Et pourtant, la lucidité est toujours au rendez vous puisqu’à la faveur de la nuit, Spindrift racing a mis un peu de nord dans sa route et débuté son « ascension » vers la latitude de Brest. « Nous avons dû garder la toile un peu plus longtemps que nos adversaires, ce qui explique notre petite avance » précise par ailleurs Yann Guichard, vigilant à ne jamais pousser le curseur de la prise de risque dans le rouge ; « Nous avons fait un joli « planté » ce matin. Nous avons réduit la voilure. L’expérience de garçons comme Jean-Baptiste Levaillant et Pascal Bidégorry est précieuse. » Les mésaventures survenues à Musandam-Oman sail et Race for water rappellent si besoin était, l’absolue nécessité de l’hyper vigilance au matériel. « Tout va bien à bord » conclut néanmoins Guichard, « et Spindrift racing passe superbement dans les vagues. Le vent doit mollir quelque peu aujourd’hui ; on va pouvoir remettre de la toile ! »
Un savant mélange cap-vitesse qui confère aujourd’hui à la trajectoire de Spindrift racing une redoutable efficacité. « Plus nord que nos adversaires, nous avons plus de vent, mais aussi plus de mer, jusqu’à 4 mètres de creux… » souligne Guichard. Cette stratégie, en rapprochant la route du grand trimaran au plus près de l’orthodromie, a facilité la prise de pouvoir du MOD70 noir et blanc, tout en anticipant déjà sur les décisions cruciales à venir, d’ici 36 à 48 heures quant au déclenchement éminemment stratégique du premier empannage de la course, lorsque le vent basculera à l’ouest. Alors qu’un tiers du parcours a déjà été avalé, les MOD70 n’ont en effet toujours pas quitté l’amure tribord.
Porte ou pas porte ?
Les vitesses exceptionnelles maintenues depuis le départ de la Krys Ocean Race par les MOD70 contraignent la direction de course à envisager la possibilité de rallonger quelque peu le parcours, en imposant aux équipages le passage entre une porte préfigurée par les îles Scilly et le phare de Wolfe Rock à la pointe occidentale de la Cornouaille anglaise. Ce petit détour permettrait aux MOD70 de faire comme prévu leur entrée à Brest vendredi, au début des festivités des « Tonnerres de Brest ».
Ils ont dit :
Michel Desjoyeaux (FONCIA)
« Côté conditions météo, ça commence à mollir doucement et on ne devrait pas tarder à renvoyer de la toile. Cette nuit, nous n’avions pas beaucoup de repères et il fallait se fier à l’électronique qui nous donne la force et la direction du vent, la vitesse du bateau et son cap. On a bien eu un bout de lune en fin de nuit, mais on ne voyait pas grand-chose parce que c’est très nuageux à l’avant du front. Côté stratégie, il n’y a pas d’initiatives à prendre dans l’immédiat et tout le monde suit à peu près la même route. Mais à la longitude des Açores, il y aura des opportunités… On ne voit plus Spindrift racing mais on le suit avec l’AIS. Tout est trempé à bord ! Parce qu’il y a quand même de belles vagues. Et il y a toujours quelqu’un à l’écoute pour gérer la situation dans une bouffée d’air. A l’intérieur, c’est un véritable shaker ! »
Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild)
« Nuit mouvementée et assez ventée : on a eu jusqu’à 30-35 nœuds avec pas mal de grains et une houle croisée qui ne facilitait pas le pilotage. La brise devrait se calmer un peu en milieu d’après-midi ou en début de nuit prochaine, mais on aura quand même 25 nœuds et une mer de 2,5 mètres… Ce midi, comme nous sommes juste au Sud des bancs de Terre-Neuve, il y a parfois des zones très chaotiques avec les méandres du Gulf Stream, puis vingt milles plus loin, ça se réorganise… On navigue sous deux ris et solent à 140-150° du vent réel, un angle assez abattu pour gérer la vitesse et glisser vers le Nord-Est progressivement. On se maintient à 28 nœuds de moyenne et c’est plus « supportable » que les 30-32 nœuds de dimanche soir : c’est important que le barreur joue avec les creux pour ne pas trop solliciter le bateau. Alors avec cette « molle » à venir, ça sera tout de même plus aisé pour négocier les vagues. »
Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) revient sur la casse de leur foil« En milieu de nuit, tout allait bien avec une vitesse moyenne oscillant entre 30 et 33 nœuds sous deux ris dans la grand-voile et foc solent. Le foil s’est rompu mais nous n’avons pas eu l’impression d’avoir touché quelque chose… Nous l’avons retiré de son puits et stocké dans la coque centrale. Nous devons donc naviguer désormais sous deux ris et foc de brise ORC à 70% de notre vitesse normale. Ce qui fait que nous allons perdre 200 milles par jour ! Mais nous pouvons arriver sans encombre jusqu’à Brest : il faut juste rester plus prudent car le bateau enfourne dans la mer plus brutalement. On garde le moral… Nous aurons besoin d’un nouveau foil à Brest, car une escale technique aux Açores n’est pas envisageable : il n’y a pas de vent en ce moment autour de l’archipel. »
Classement à 18 heures :
1 Spindrift Racing - Guichard Yann
2 Foncia - Desjoyeaux Michel à 35.2
3 Musandam-Oman Sail - Gavignet Sidney 123.5
4 Edmond De Rothschild - Josse Sébastien NL
5 Race For Water - Ravussin Stève NL
Sources : Spindrit Racing et Krys Ocean Race