C’est lui qui nous raconte la course de Groupama. Lui qui prend toutes les photos et tourne toutes les vidéos envoyées depuis le bateau, qui interviewe ses co-équipiers et écrit les textes quotidiens. Après six mois de course, il était temps d’enfin le présenter ! Entretien avec Yann Riou, équipier média du bateau français.
Son ton est précis, ses mots sont toujours bien choisis. Il est perfectionniste, sérieux et très impliqué. Et il en faut, de l’implication, pour bien faire son boulot d’équipier média. Ce poste est l’un des 11 à bord de chaque Volvo Open 70. Les règles de course précisent qu’il ne peut pas manœuvrer. Mais ses tâches sont multiples : création et envoi quotidien de contenus multimédias – photos, vidéos, fichiers audio et textes, gestion des e-mails et du planning des interviews des marins, et aussi cuisine et ménage.
Comment Yann Riou, 38 ans, breton d’origine et ingénieur de formation, s’est-il retrouvé à cette place à bord de Groupama sailing team ?
Voileux depuis l’enfance, il a d’abord travaillé dans des sociétés de télécommunication, essentiellement chez Thrane Thrane, à Copenhague. « Je faisais du développement de logiciel, » raconte-t-il depuis le bateau, pendant l’étape 6 au large du Brésil. « J’étais informaticien quoi ! »
En 2005, il rentre en France. « Je faisais beaucoup de voile à côté, notamment du Mini 6.50. J’ai fait deux fois la Mini Transat. Au hasard de différentes conversations, j’ai appris qu’un poste se libérait en 2006 chez Groupama pour s’occuper de l’électronique et de l’informatique sur les trimarans et j’ai intégré le team. »
De responsable électronique et informatique à équipier média, comment s’est effectuée la transition ?
« Assez naturellement, Je naviguais énormément hors course sur les trimarans – j’ai fait 20 000 milles sur Groupama 3. Je faisais souvent des images. On a appris qu’on allait faire la Volvo Ocean Race et qu’il y avait un poste de média man attitré. C’est marrant : en deux jours, Damian Foxall, qui s’occupait du recrutement de l’équipage, m’a proposé le poste alors que j’en avais parlé à Franck de mon côté. D’un commun accord, on a fait des essais et ça ne se passait pas trop mal … Alors on a continué. »
Riou le consciencieux dit qu’il avait « quelques notions de photos » mais affirme que « pour le reste, ça se travaille. » Il s’est entraîné lors des navigations avant le départ, a suivi huit jours de formation de caméraman et de monteur en Dordogne ainsi qu’un stage organisé par la Volvo Ocean Race.
Et ça marche : son travail est applaudi, ses images sont diffusées dans de nombreux médias et il a reçu à deux reprises le Prix Inmarsat qui récompense le meilleur équipier média de chaque étape.
Mais la flatterie n’atteint pas vraiment Riou, qui se dit « très souvent insatisfait » de ce qu’il envoie.
« Ça m’arrive parfois de trouver un truc bien. Mais c’est très, très rare d’être content des contenus dans tous les médias. Beaucoup de choses m’ont surpris, » poursuit-il, « l’intensité de la course, le fait d’avoir beaucoup de travail et tellement peu de temps pour récupérer aux escales. »
Il se lève au lever du soleil, prépare le petit-déjeuner et profite des premières lumières pour faire des images. Puis il filme et fait des photos pendant la journée, en s’arrêtant pour faire les repas. Quand la nuit tombe, il compile ces infos, monte sa vidéo et écrit son blog. La nuit, il fait souvent un dernier repas pour les équipiers. Le sommeil ? Cinq heures d’affilée quand il n’y a pas de manœuvre.
« Sur la première étape, j’avais des plannings avec les moments-clefs comme les Canaries, le Cap Vert, le Pot-Au-Noir et les horaires de lune. Et puis j’ai laissé tomber parce que je me suis aperçu que le meilleur moyen de trouver des idées, c’est de traîner avec les équipiers et de regarder ce qui se passe plutôt que de raconter quelque chose de pré-écrit. »
Subtilement, il s’est fait sa place au sein de l’équipage. Subtilement, parce que ce n’est pas simple de raconter une histoire dont on est partie prenante.
« Tout le monde n’était pas très coopératif au début, » confie-t-il, « notamment ceux qui n’avaient pas l’habitude de travailler avec un média man, mais je dois dire que ça a bien changé et c’est très agréable. Les pires moments ne sont pas forcément ceux qui en ont l’air. Ça va peut-être choquer de dire ça, mais notre démâtage était presque plus facile que les 48 premières heures de course sur l’étape 6. Même si tout le monde était très déçu du démâtage, voilà : le mât était par terre et on était dans l’action. Alors que sur la dernière étape, on a fait quelques toutes petites erreurs au départ et nos concurrents nous ont collé 30 heures. C’est presque plus dur d’aller interviewer les gars dans ces moments-là que pendant le démâtage. »
Comme ses co-équipiers, Riou avoue une vraie fatigue après six mois de course. Mais il se dit aussi conscient de la rareté des moments vécus. « Bien sûr que je savoure l’expérience … Mais pas minute par minute. Il y a quelques moments très sympas où tu réalises. Quand je repense à l’étape du Cap Horn par exemple, on a vécu une aventure extraordinaire du début à la fin ! J’en suis conscient, mais ce n’est pas quelque chose que je referai toutes les semaines. »
Finalement, l’ingénieur informaticien qui a travaillé dans un bureau chez Nokia et Alcatel aurait-il imaginé se retrouver un jour à filmer le tour du monde d’un bateau de course ? « C’était impossible à prédire mais j’ai toujours eu envie de faire un truc comme ça, un truc qui sortait des sentiers battus. Je me souviens que quand j’étais en école d’ingénieur, il y avait un truc qui me faisait peur : aller au même bureau tous les jours, avoir des horaires fixes et faire ça toute ma vie. Je l’ai fait pendant quelque temps et je ne pense pas être fait pour ça. Ça, ça me convient tout à fait. »
Source : Volvo Ocean Race
Credit : P.Todd
Son ton est précis, ses mots sont toujours bien choisis. Il est perfectionniste, sérieux et très impliqué. Et il en faut, de l’implication, pour bien faire son boulot d’équipier média. Ce poste est l’un des 11 à bord de chaque Volvo Open 70. Les règles de course précisent qu’il ne peut pas manœuvrer. Mais ses tâches sont multiples : création et envoi quotidien de contenus multimédias – photos, vidéos, fichiers audio et textes, gestion des e-mails et du planning des interviews des marins, et aussi cuisine et ménage.
Comment Yann Riou, 38 ans, breton d’origine et ingénieur de formation, s’est-il retrouvé à cette place à bord de Groupama sailing team ?
Voileux depuis l’enfance, il a d’abord travaillé dans des sociétés de télécommunication, essentiellement chez Thrane Thrane, à Copenhague. « Je faisais du développement de logiciel, » raconte-t-il depuis le bateau, pendant l’étape 6 au large du Brésil. « J’étais informaticien quoi ! »
En 2005, il rentre en France. « Je faisais beaucoup de voile à côté, notamment du Mini 6.50. J’ai fait deux fois la Mini Transat. Au hasard de différentes conversations, j’ai appris qu’un poste se libérait en 2006 chez Groupama pour s’occuper de l’électronique et de l’informatique sur les trimarans et j’ai intégré le team. »
De responsable électronique et informatique à équipier média, comment s’est effectuée la transition ?
« Assez naturellement, Je naviguais énormément hors course sur les trimarans – j’ai fait 20 000 milles sur Groupama 3. Je faisais souvent des images. On a appris qu’on allait faire la Volvo Ocean Race et qu’il y avait un poste de média man attitré. C’est marrant : en deux jours, Damian Foxall, qui s’occupait du recrutement de l’équipage, m’a proposé le poste alors que j’en avais parlé à Franck de mon côté. D’un commun accord, on a fait des essais et ça ne se passait pas trop mal … Alors on a continué. »
Riou le consciencieux dit qu’il avait « quelques notions de photos » mais affirme que « pour le reste, ça se travaille. » Il s’est entraîné lors des navigations avant le départ, a suivi huit jours de formation de caméraman et de monteur en Dordogne ainsi qu’un stage organisé par la Volvo Ocean Race.
Et ça marche : son travail est applaudi, ses images sont diffusées dans de nombreux médias et il a reçu à deux reprises le Prix Inmarsat qui récompense le meilleur équipier média de chaque étape.
Mais la flatterie n’atteint pas vraiment Riou, qui se dit « très souvent insatisfait » de ce qu’il envoie.
« Ça m’arrive parfois de trouver un truc bien. Mais c’est très, très rare d’être content des contenus dans tous les médias. Beaucoup de choses m’ont surpris, » poursuit-il, « l’intensité de la course, le fait d’avoir beaucoup de travail et tellement peu de temps pour récupérer aux escales. »
Il se lève au lever du soleil, prépare le petit-déjeuner et profite des premières lumières pour faire des images. Puis il filme et fait des photos pendant la journée, en s’arrêtant pour faire les repas. Quand la nuit tombe, il compile ces infos, monte sa vidéo et écrit son blog. La nuit, il fait souvent un dernier repas pour les équipiers. Le sommeil ? Cinq heures d’affilée quand il n’y a pas de manœuvre.
« Sur la première étape, j’avais des plannings avec les moments-clefs comme les Canaries, le Cap Vert, le Pot-Au-Noir et les horaires de lune. Et puis j’ai laissé tomber parce que je me suis aperçu que le meilleur moyen de trouver des idées, c’est de traîner avec les équipiers et de regarder ce qui se passe plutôt que de raconter quelque chose de pré-écrit. »
Subtilement, il s’est fait sa place au sein de l’équipage. Subtilement, parce que ce n’est pas simple de raconter une histoire dont on est partie prenante.
« Tout le monde n’était pas très coopératif au début, » confie-t-il, « notamment ceux qui n’avaient pas l’habitude de travailler avec un média man, mais je dois dire que ça a bien changé et c’est très agréable. Les pires moments ne sont pas forcément ceux qui en ont l’air. Ça va peut-être choquer de dire ça, mais notre démâtage était presque plus facile que les 48 premières heures de course sur l’étape 6. Même si tout le monde était très déçu du démâtage, voilà : le mât était par terre et on était dans l’action. Alors que sur la dernière étape, on a fait quelques toutes petites erreurs au départ et nos concurrents nous ont collé 30 heures. C’est presque plus dur d’aller interviewer les gars dans ces moments-là que pendant le démâtage. »
Comme ses co-équipiers, Riou avoue une vraie fatigue après six mois de course. Mais il se dit aussi conscient de la rareté des moments vécus. « Bien sûr que je savoure l’expérience … Mais pas minute par minute. Il y a quelques moments très sympas où tu réalises. Quand je repense à l’étape du Cap Horn par exemple, on a vécu une aventure extraordinaire du début à la fin ! J’en suis conscient, mais ce n’est pas quelque chose que je referai toutes les semaines. »
Finalement, l’ingénieur informaticien qui a travaillé dans un bureau chez Nokia et Alcatel aurait-il imaginé se retrouver un jour à filmer le tour du monde d’un bateau de course ? « C’était impossible à prédire mais j’ai toujours eu envie de faire un truc comme ça, un truc qui sortait des sentiers battus. Je me souviens que quand j’étais en école d’ingénieur, il y avait un truc qui me faisait peur : aller au même bureau tous les jours, avoir des horaires fixes et faire ça toute ma vie. Je l’ai fait pendant quelque temps et je ne pense pas être fait pour ça. Ça, ça me convient tout à fait. »
Source : Volvo Ocean Race