Bouvet Guyane / J+28 Said Ben Amar : "Y a personne ! Y a que moi !" (vidéo)

Après leur descente, les sudistes mettent désormais Cap à l’Ouest. Jean-Emmanuel Alein mène le train à bonne cadence – quasiment 70 milles parcourus ces dernières 24 heures – mais l’inébranlable Pascal Vaudé fait encore mieux avec 72 milles inscrits au compteur. A la cadence forcée de ces infatigables rameurs s’ajoute l’influence du courant qui augmente au fur et à mesure que les concurrents gagnent dans l’Ouest. 



Pascal, situé à 625 milles de l’arrivée, aura sans doute à bifurquer quelques heures pour éviter une zone hors du tapis roulant, et puis ensuite ce sera l’autoroute vers Cayenne qu’il devrait atteindre dans 9 jours. Derrière le solide leader de la Bouvet Guyane s’organise une bagarre serrée. Les corps accusent la fatigue, les bras font mal. Les fessiers usés par la friction, le sel et l’humidité empêchent de pousser sur les avirons autant que souhaité. Ils sont quatre à viser la place de second ou au moins le podium.

Pascal Vaudé, encore lui, signe donc la meilleure progression de la journée pour ne pas changer. Il avait ce matin porté son avance sur le second, Jean-Emmanuel Alein, à 115 milles. La lutte fait rage entre le skipper de Sapro Point Bois, le plus au sud de la flotte, et ses rivaux Dupuy, Besson, Hidair plus au nord. Jean-Emmanuel marque un léger avantage depuis hier et Julien Besson a irrésistiblement dépassé Dupuy là-haut. Hidair a mis du charbon et n’a pas dit son dernier mot malgré ses problèmes techniques. Leurs trois canots se tiennent dans un rayon de 5 milles en distance au but. A peine une goutte d’eau à l’échelle de l’Atlantique.

Didier Lemoine : « Peu de poissons volants, peu de cargos, et de belles dorades hier ». La vie serait presque monotone pour le doyen de la course qui ne comprend pas que la distance augmente autant entre lui et les premiers. « Pourtant je rame, j’ai des ampoules aux mains ». Et il ajoute dépité : « Là c’est agréable de ramer mais les périodes de nage ou de non nage ne font guère de différence. Parfois c’est décourageant. Je suis trop vieux sans doute. Ma progression est proche de celle de 2006. Et les deux routes sont parallèles. J’en déduis qu’ils sont nombreux cette fois à être venus pour faire un résultat. Ça va vraiment vite devant ».

Christophe Letendre : « J’ai été faire ma petite baignade hebdomadaire pour nettoyer la coque et je me suis aperçu qu’elle était moins sale que la semaine précédente. C’est peut-être parce qu’on a été plus vite… Les mollusques ont du mal à s’accrocher. Le bateau a une bonne glisse, mais moi j’ai toujours mes problèmes de fesses qui sont de plus en plus douloureuses. J’ai changé mon siège d’aviron, mais il n’y a pas de différence sensible. Par contre je me suis fabriqué un coussin anti douleur pour l’intérieur en faisant deux trous correspondant aux proéminences des os iliaques. Du coup je n’appuie plus sur les plaies et c’est tant mieux. A l’intérieur ça va. Aux avirons, je n’ai pas trouvé de solution sinon en espaçant les périodes de nage ».

« Vendredi dernier, j’ai eu un problème de dame de nage. Depuis un certain temps, j’avais une cadence de 2CV aux avirons et j’ai voulu passer à une cadence Clio RS 172cv. Pendant 3 heures, j’ai vraiment forcé sur les bras (le canot a atteint les 4 nœuds) et tout d’un coup la transmission – je veux dire la dame de nage – a explosé. Il a fallu la remplacer en urgence. Ça m’a pris à peine un quart d’heure. Je suis reparti sur une nouvelle séquence turbo, cette fois sans rien casser. Et puis ensuite je me suis souvenu du dicton : « si tu roules en Renault, tu rentres à vélo ». Il a donc repris la cadence 2cv… dont ne saurait se plaindre l’auguste séant de Christophe Letendre.

Rémi Dupont : « Je commence à ressentir la fatigue. Hier je n’y arrivais plus. Je n’avais pas le moral. Du coup je suis allé piquer une heure de sieste et après ça allait beaucoup mieux. J’ai cassé la croûte et hop aux avirons. En fait je ne dors pas assez la nuit et il faut que je m’impose une sieste l’après-midi. Et puis sans doute de ramer un peu moins que les 10 heures que je fais actuellement tous les jours ». « Je voulais pêcher un thon et rien ne venait. J’ai changé de rapala et j’ai pris une superbe dorade. J’ai fait des beaux filets dedans mais il y en a qui est parti à la baille emporté par une vague. Il m’en restait la moitié, j’ai fait sécher et finalement j’ai tout mangé en trois jours (une partie cuisinée et une partie en cru citron). C’est bon, ça améliore l’ordinaire et ça fait du bien au moral ».

» Hier, je me suis fait peur car la mer s’était levée et à un moment j’ai bien cru que le canot allait chavirer. Le fait de me retourner ne me dérangeait pas plus que ça sauf que j’étais en train de faire de l’eau douce. Et le tuyau d’alimentation en eau de mer passe désormais par un des petits hublots forcément ouvert. Et j’ai craint que l’eau de mer envahisse l’intérieur de l’habitacle. Pour calmer le jeu, j’ai rempli un ballast. Je pense que ceux qui descendent très sud risquent d’avoir des problèmes ultérieurement. Je peux espérer gagner une place ou deux si les autres sont à la peine car à la seule force des bras je ne peux pas faire vraiment plus que ce que je fais actuellement. Au moins maintenir ma place de 8ème, c’est correct pour un petit bonhomme comme moi…  »

Julien Besson : « Il nous est arrivé des faires des courses de pirogue en Guyane opposés à la marine et généralement Christophe Dupuy arrive derrière. Donc il n’y pas de raisons qu’il en soit autrement en canot à rame », revendique Julien qui a dépassé son ami Christophe nageur de combat. « J’ai vu son flash light, j’ai essayé de l’éclairer avec mon gros projecteur, sans résultat. Il était sur mon tribord, je suis rentré dans mon habitacle quelques instants et en sortant, j’ai vu son feu dans mon arrière puis sur bâbord. J’étais en 4ème position en début de course puis j’ai eu un gros problème de dérive et je me suis retrouvé derrière tout le monde ». Depuis Julien n’a cessé de remonter et brigue désormais une place sur le podium. « Tout va bien sur son bateau. Je trace ma route… J’ai l’impression d’être parti de Dakar ca fait 4 jours. Je ne vois pas le temps passer. Le plus dur a été toute ma préparation physique qui a duré un an, 6 jours sur 7, avec mon préparateur (sur un ergomètre, et en musculation) et le week-end je ramais avec mon bateau. Pendant un an je faisais que ça en dehors de mon boulot. Et là je vois tout le bénéfice de cette souffrance d’un an.»


Source : Bouvet Guyane