Bouvet Guyane / J + 21 : Début de convergence entre Nordistes et Sudistes

Après trois semaines de course depuis le départ de Dakar, on observe un début de convergence entre les tenants de la route nord et ceux de la route sud. Le Guyanais Pascal Vaudé, toujours en tête au classement, nous expliquait ce matin avoir pris hier la décision de mettre du sud dans son ouest. Dans son sillage Henri-Georges Hidair en faisait de même. Leur problématique est désormais de se recaler par rapport aux sudistes en perdant un minimum de gain au but. 

Credit : E. Rousseau


Pour autant le groupe des sudistes emmené par Jean-Emmanuel Alein continuait encore ce matin à descendre en quête du courant promis qui devrait les propulser cap à l’ouest en route directe vers l’arrivée. Courant : un mot qui va occuper nos commentaires au quotidien jusqu’à l’arrivée.

La locomotive nommée Vaudé continue à imprimer un rythme inégalé. En ce 21ème jour de course, le Guyanais qui a infléchi sa route au SW a de nouveau accompli le meilleur rapprochement en 24 heures avec un gain au but de 60 milles. Il a maintenant presque 55 milles d’avance sur Henri-Georges Hidair, soit une centaine de km ! L’évènement de la journée écoulée reste toutefois le retard important concédé par Verdu et plus encore Cerda depuis qu’ils font route au sud d’une manière nettement plus radicale que Pascal Vaudé. Au point que Christophe Dupuy resté au nord leur a dérobé la 3ème place du podium. Le nageur de combat affiche 105 milles de retard sur le leader. Autant dire que la distance séparant le troisième du premier est identique à celle le séparant du… 12ème, Christophe Letendre. Pascal Vaudé, qui sera à moins de 1 000 miles de l’arrivée demain matin ne chante pas victoire pour autant. Ce qui va se passer cette semaine pourrait changer la donne.

Guillaume Bodin : « La mer est exceptionnellement calme, comme au jour du départ à Dakar ». Le skipper de Pink Boat a un voisin de jeu depuis une dizaine de jours. Il s’agit d’Alain Pinguet, situé ce matin à quelques milles seulement de Guillaume, mais encore trop loin pour deviser en VHF et encore moins s’apercevoir. La présence du Normand ne manque pas d’habiter le quotidien de l’architecte paysagiste de Villeurbanne. « Je l’ai sur mes talons. Il prend les mêmes options que moi jour après jour et ça fait bien marrer mon routeur… Actuellement je fais cap au 245° et j’ai hâte de voir le cap qu’il va faire aujourd’hui ». Ils ont les mêmes courants, les mêmes vents, ils rament à la même vitesse et donc les différences entre ces deux rameurs demeurent minimes. Cette course dans la course peut les aider à regagner du terrain sur leurs adversaires dans l’axe devant. Guillaume à la pêche après un passage à vide les jours passés et entame ce qui va bientôt être la deuxième moitié du parcours avec un moral gonflé à bloc. «La météo est bonne sur la route de la Guyane avec un vent modéré et un courant bien orienté. La houle ne devrait pas poser problème ». Le ciel s’est bien éclairci aussi. Du coup la température grimpe allègrement en milieu de journée et le rameur prend les rames à la fraiche, plus tôt le matin et plus tard le soir. « La navigation va être plus facile, ce qui n’est pas plus mal car on commence à fatiguer »

Marc Chailan, situé 80 milles plus au nord que Bodin et légèrement devant en longitude, indiquait un ciel couvert. Ces jours prochains, il va devoir négocier une grosse zone de contre-courants. « Pour le moment je conserve mon cap relativement ouest et puis on agira avec le routeur en fonction de l’évolution de cette zone pour la contourner ». A bord tout va bien. Le physique s’habitue à la vie du rameur sur son canot en bois : « C’est le train-train, un peu comme à la maison en moins cossu ». Le vent est plus faible et plus est qu’avant. Ce dont ne saurait se plaindre le commandant du Grain de Sel. Le fait d’approcher la mi-course rend le temps long surtout quand on a sa femme et les enfants au téléphone. « Ca me motive pour ramer avec plus d’ardeur », dit l’Ardéchois qui a découvert la Bouvet Guyane, un jour par hasard au Salon de Paris en passant devant le stand de 54°West.

Pascal Vaudé a le ton assuré qu’on lui connaît depuis le début de la course. Hier, le leader de la flotte depuis 15 jours a modifié son cap et nous dit pourquoi : « Hier matin, à l’issue d’une conversation avec mes routeurs, il se dessinait deux options de route : continuer sur la route nord pour en redescendre beaucoup plus loin ou descendre maintenant. En fin de matinée hier, j’ai choisi la seconde option en infléchissant ma route pour rallier une large veine de courant porteur. J’essaye de faire du 235° avec la houle de l’arrière et le vent légèrement sur bâbord. C’est plus facile pour avancer même si de temps à autre la crête d’une vague vient se rappeler à votre bon souvenir. Le ciel est plus dégagé et le vent souffle un peu plus fort aujourd’hui. » Vraiment de bonnes conditions. Au sujet de son ami Pierre Verdu derrière : « il a été obligé de faire du sud pour éviter les courants contraires. Il rejoint le groupe Sud. Moi aussi je pense rejoindre les sudistes vers le 38/39° Ouest. En restant devant, j’espère ».

L’autre jour, Pascal nous disait vouloir porter son avance à 50 milles sur son rival le plus proche. C’est chose faite. Va-t-il continuer à forcer sur les avirons? C’est probable car il se méfie des sudistes qui devraient se rapprocher de lui dès lors qu’ils font route directe vers Cayenne. « Il ne faut pas baisser la cadence » lance le Guyanais qui le soir venu commence à sentir la fatigue engourdir ses bras. Dans la conversation nous revenons sur l’importance croissante des courants : « Le courant de Guyane parallèle à la côte est très violent, de l’ordre de 3 nds et plus 200 milles au large. On ne peut pas rentrer dans ce courant en suivant la route directe orthodromique, sinon on loupe la ligne d’arrivée. Il faut anticiper en allant flirter vers le 5°Nord. Les plus au sud approchent déjà cette latitude par 32/33°West et je crains que les conditions les fassent descendre plus encore, peut-être trop. La difficulté est d’atteindre au bon endroit ce tapis roulant au large de la Guyane ».

Pierre Mastalski : « Le nettoyage de la coque du bateau est un moment que j’appréhendais. Y a le fait de plonger dans un bassin agité qui a des milliers de mètres de profondeur, d’être seul au milieu de cette infinie immensité, d’œuvrer le long d’une coque qui bouge dans tous les sens… ». Bref ce n’est pas motivant mais il fallait le faire car la coque après 3 semaines de navigation est forcément sale et Pierre l’a fait. Avec une trouille rétrospective. « D’habitude mon canot est souvent accompagné par de gentilles dorades mais hier après ma séance de nettoyage sous l’eau et alors que j’avais repris les avirons. J’ai vu passer un aileron tout près de la coque. C’était un requin… ».

Pierre Verdu a beaucoup perdu en distance au but depuis qu’il a braqué l’étrave de son canot cap au sud. A défaut, la manœuvre des avirons est nettement plus agréable car le vent et la mer viennent de l’arrière. « J’en avais ras le bol de caper là-haut, je tenais plus », veut plaisanter le sympathique skipper de la Fileuse. La vérité est qu’il n’avait pas trop le choix en raison d’un méchant contre-courant sur sa route. « Il aurait fallu que je reste au 10ème Nord encore 4 jours. Impossible ! ». Contre mauvaise fortune, celui qui a réussi à se rapprocher de Vaudé deux jours durant prend son handicap avec patience. « Il faut en profiter quand c’est facile à ramer et puis la course n’est pas finie ».

Eric Lainé. Situé en 8ème position, il évolue au sud de la flotte dans le sillage de Jean-Emmanuel Alein : « j’essaye de tenir mon cap pour rallier mon way point. Ce n’est pas facile, j’ai pas mal dérivé dans le sud cette nuit sur une route peu rapprochante. Je n’ai pas beaucoup dormi pour tenter de corriger le tir mais le bilan n’est pas terrible. .. Le soleil est revenu ce matin. On voit plus de ciel bleu que d’habitude. Le vent a molli et vient plus de l’arrière. Donc je pense qu’il va faire chaud aujourd’hui… comme hier après-midi mais j’ai de quoi me désaltérer. Dans les 48 heures qui viennent, je vais continuer à descendre pour toucher le courant nord équatorial qui va nous pousser vers la Guyane. Je ne pense pas dépasser le 4° Nord (déjà plus bas que la latitude de la ligne d’arrivée, ndlr) ».

Source : Bouvet Guyane