VOR / Thomas Coville :"On est des supers attaquants mais qui devons progresser en défense"

C’est un peu l’Iron Man de la course au large. La Volvo Ocean Race est une course longue, très longue, un véritable rouleau compresseur pour des manœuvriers pourtant taillés comme des armoires à glace.

Credit : Y. Riou/Groupama/VOR

« Je pesais 82 kg au départ d’Alicante, 78 à Cape Town et 74 kg aujourd’hui,» confie Thomas Coville après cette seconde étape stoppée le 26 décembre dans un ‘port secret’ de l’Océan Indien. Elle reprendra mercredi avec un dernier parcours côtier de 75 milles entre Sharjah et Abu Dhabi. D’ici là, les bateaux traversent la zone de piraterie à bord d’un cargo protégé par une milice militaire.

Quatrièmes de ce deuxième round derrière Telefonica, Camper et Puma, les hommes de Groupama 4 doivent faire le deuil d’une victoire qui s’est évanouie dans le Pot-au-Noir. Frustrés de leur première étape, ils sont déçus de cette seconde et ne se font pas de cadeau, analysant avec franchise les réussites comme les échecs.

« Sur cette étape, nous avons alterné entre le bon, le très bon et le mauvais, » résume le skipper de Sodebo, chef de quart sur Groupama 4. « Toutes les équipes oscillent aussi mais il faut savoir ne pas commettre les erreurs qui influencent de façon trop importante la stratégie globale. » Côté réussite, Thomas fait allusion à ce beau début de course « rythmé et en position de leader » et à ce plongeon au Sud qui permet à Groupama 4 d’attraper les alizés avant les autres et de cavaler en tête pendant plusieurs jours. « En entrant dans l’Indien, la flotte se scinde en deux sur un axe nord-sud avec, une fois encore, Puma et Camper qui ne se démarquent pas, qui ne choisissent pas leur camps, restant opportunistes. »

Les verts récoltent alors les milles investis. « C’était une très belle option, la meilleure. Quand ça marche, une certaine fierté t’envahie. J’y croyais vraiment même si nous avons un peu douté et effectué ce recalage près des autres qui nous a fait perdre du terrain. » En mer, les hommes vivent alors une semaine de folie sur ce bord travers à l’alizé des plus physiques. « Les VOR70 sont des bateaux très durs où tu es agressé par l’eau en permanence, » poursuit Thomas qui pourtant en a vue d’autres. « Rien ne sèche jamais, au point que nous avons tous eu des problèmes cutanés. J’ai même été sous antibiotiques un moment. Sur nos multicoques, nous nous protégeons avec des visières. Là, c’était du reaching dans une eau chaude mais il va falloir bien se préparer pour l’étape du Horn car il y a le froid en plus de la mer et on va souffrir. »


Sans warning
De skipper solitaire, Thomas assume aujourd’hui le rôle de chef de quart en tandem avec l’Irlandais Damian Foxall dont c’est la quatrième Volvo. Sur des journées comme celles-ci – « à serrer les dents en attendant que ça se termine » – il faut être encore plus à l’écoute de la fatigue du bateau et des hommes de son quart, d’autant que le banc des remplaçants est plutôt court ! « En charge de la gestion du pont, nous avons avec Damian la satisfaction de n’avoir eu aucun blessé, de ne pas avoir abîmé de voiles ni de matériel en manœuvrant. Pourtant nous étions à 99% du bateau techniquement, à se demander d’ailleurs où est la limite ? En multi, il y a le risque de chavirage qui t’aide à mettre le curseur, là tu charges encore et encore le bateau, sans savoir où t’arrêter. C’est un peu moins subtil qu’un multicoque où tu joues obligatoirement en finesse, ici, il ne faut pas être émotif avec le matériel. »

Les jours passent et l’avance augmente en gagnant au Nord jusqu’à l’arrêt buffet dans ce fichu ‘Pot’. Les statistiques présentent le Pot-au-Noir de l’Océan Indien plus étroit dans l’Est mais la stratégie des Français est de tenter un passage en route directe. « Nous avons fait confiance aux fichiers météo. Nous aurions pu nous offrir la ‘sécu’ en passant à l’Est, laissant à nos adversaires le choix de cette prise de risques. Là, une fois bloqués, nous étions un témoin parfait pour Telefonica et Camper qui ont pu contourner la zone de calme. »

Les Espagnols et les Néo-zélandais traversent ‘comme des fleurs’ et terminent à quelques centaines de mètres l’un de l’autre, tandis que Puma s’accapare le podium de Groupama. « Nous avons raté notre duel final avec Puma en passant sous cette dernière ile, leur ouvrant la porte de la troisième place, » conclut le Trinitain avant de résumer : « Nous sommes une équipe de Ligue 1 avec de supers attaquants mais qui doit progresser en défense. »


Uppercut ou pichenettes
Face à des spécialistes de l’épreuve comme les Kiwis ou les Américains qui jouent au ‘gagne petit’, Thomas aime l’attitude du bord français qui a « une logique de liberté et de choix très orientés. Nous cherchons à gagner par K.O. comme on le fait par exemple sur une Route du Rhum où tu as 2 ou 3 moments clefs à ne pas manquer. Là, nous sommes face à des concurrents qui avancent ‘en chacal’. Je suis dans la logique de Franck et j’aurais fait à 80% les mêmes choix. »

Que dire alors de Telefonica, vainqueur des deux premiers parcours au large et de l’Inshore à Cape Town ? « Les Espagnols signent des victoires parfaites, très belles, avec l’éclat et la fougue qui les caractérisent mais les Néo-zélandais sont ceux qui m’inquiètent vraiment. A chaque pointage, je demande à Jean-Luc (Nélias, navigateur de Groupama) où est Camper et ce qu’il fait. » Les ‘All blacks’ occupent actuellement la seconde place du classement général à 7 points du leader ibérique.

Après quelques jours de douceurs terriennes, les marins rejoindront leur bateau à Sharjah pour le dernier sprint dans le Golfe Persique vers Abu Dhabi. Après L’Espagne et l’Afrique du Sud, bientôt les Emirats, une sacrée épopée déjà.

L’année 2011 s’achève après deux mois de régates et il en reste encore six à l’horizon alors nous vous souhaitons à tous messieurs, une excellente année 2012 !