Record / Banque Populaire V malmené dans la tempête du Sud

Ce sont huit heures sous haute tension que viennent de vivre les marins du Maxi Banque Populaire V. Par 56° Sud, Loïck Peyron et ses hommes ont en effet dû essuyer la violence d'une dépression leur tombant dessus depuis la Nouvelle-Zélande. Des vents d'une rare puissance, une mer extrêmement impressionnante et inconfortable... pendant cette période passée dans une machine à maltraiter les hommes et le matériel, la course est passée en second plan, disparaissant même des préoccupations des uns et des autres, quand la sécurité du bord devenait la priorité.




Un véritable champ de bataille ravagé par les éléments. Voici en somme le tableau au cœur duquel les quatorze marins de la Banque de la Voile se sont retrouvés plongés ces dernières heures. Ainsi, le front en provenance du Nord de la Nouvelle-Zélande a-t-il fait son implacable office, infligeant aux hommes du bord des vents dépassant les 40 nœuds et une mer particulièrement ingrate. Dans ces conditions, la notion de performance devenait subitement totalement futile quand seules la préservation du matériel et de l'équipage faisaient figure d'obsession. Pour tenter de limiter au maximum la vitesse du trimaran géant particulièrement favorisé dans cette navigation au travers, la grand voile était réduite à son strict minimum et aplatie au maximum, pour ne plus servir qu'à stabiliser le bateau.

Florent Chastel, numéro un/ régleur de son quart et grand habitué des tours du monde, revenait ce midi sur cette tempête :" C'est en train de se calmer, la mer se range doucement. Nous allons pouvoir renvoyer un peu de toile. Mais pendant huit heures, il n'y a plus eu de place pour la course. On a surtout essayé de passer sans faire de mal au bateau. Nous sommes partis au près là dedans, puis nous avons attrapé la bascule et continué au reaching, à 90° du vent, une allure où le bateau accélère. Nous avons fini avec des paquets de mer impressionnants. Nous avons oublié un peu la performance et les réglages servaient surtout à ralentir le bateau. Petit à petit ça a adonné et le vent s'est calmé. On va pouvoir reprendre la course ".

Le temps s'accélère
Hier soir, à 21 heures, au moment où les éléments se déchaînaient autour du Maxi Banque Populaire V, le franchissement de l'antiméridien, cette fameuse ligne de changement de date, était un évènement qui passait presque inaperçu : " Nous sommes passés de TU + 12 heures à TU - 12 heures dans nos références à bord. On file vers l'Est et c'est un peu comme si on accélérait le temps ". Mais à bord, les préoccupations étaient d'avantage de l'ordre de la sécurité et du confort, si tant est que cette notion puisse correspondre aux conditions de vie du moment : " On va le moins possible à l'avant, on évite. Quand c'est nécessaire, le barreur ralentit beaucoup le bateau, on s'attache et c'est un peu du crapahutage jusqu'à l'avant du bateau. A l'intérieur, il est difficile de dormir dans ces conditions. Quand les vagues tapent sur le carbone, ça fait caisse de résonance. Quand on est dans notre bannette, on est à deux centimètres d'un océan en furie ".

Eviter la roulette russe
Dans les prochaines heures, le vent devrait prendre d'avantage de gauche et faiblir raisonnablement, ce qui faisait dire ce midi à Marcel van Triest, le routeur à terre que "le pire était passé". En revanche, un autre casse-tête se profile devant les étraves du trimaran géant comme le confirmait Florent Chastel : " On ne va pas descendre beaucoup plus car il y a pas mal de glaces, dont un très gros iceberg qu'on devrait approcher demain. La route Sud nous est un peu barrée. Descendre plus, ça devient la roulette russe ". Dans les faits, Loïck Peyron et l’équipage devraient en effet croiser la route d'un iceberg de 20 kilomètres de long, qui s'est détaché d'un mastodonte lui-même isolé en 2000 et équivalent en surface à la Jamaïque. Douze années plus tard, un des "enfants" de ce dernier vient croiser la route du Maxi Banque Populaire V, entraînant dans son sillage, sous son vent plus exactement, glaçons et autres growlers, souvent indétectables et sujets à de nombreuses craintes et risques de collision. Ce champ de mines empêchera donc toute descente plus au Sud avant le 120° Ouest, ce qui s'avèrera un peu pénalisant en terme de performance pour l'équipage qui ne pourra alors passer devant une dorsale. Il sera difficile de suivre le système et dans ces circonstances, une réduction de l'avance sur le tableau de marche de près de moitié est à prévoir d'ici au passage du Cap Horn, dans une semaine environ.

Avance à 16h00 :
1877.9 milles d'avance par rapport au temps de référence

Source : Banque Populaire