Record / Très gros chantier sur Sodebo (vidéo)

Ils se sont lancés un sacré défi. Thomas Coville et son équipe ont décidé d'avancer les foils du maxi trimaran Sodebo afin d'optimiser leur utilisation. Mais intervenir dans ces zones implique beaucoup de précaution et de longues heures de chantier. Et justement, en terme de mise en œuvre, l’équipe ne s’est donnée aucune limite et, au final, ce ne sont pas les foils qui sont avancés mais carrément l’intégralité des flotteurs. Une première !



Explications de Benoit Cabaret, co-architecte du trimaran Sodebo avec Nigel Irens.

Peux-tu nous expliquer le point de départ de ces modifications ?
Lorsque les foils ont été implantés en 2010, Martin Fischer* a proposé une géométrie et un positionnement dans les flotteurs. De notre côté avec Nigel, nous avons assuré le côté structure mais nous avions également fait un travail de positionnement et étions arrivés au même résultat que Martin. Une fois en mer, les foils ont marché de façon efficace. Ils soulagent bien le bateau mais c’est tout le flotteur qui sort de l’eau alors que Thomas préférait qu’il cabre, c’est à dire qu’il s’appuie sur son tableau arrière avec l’étrave hors de l’eau.”

Pourquoi rechercher plus de cabrage ?
En tant qu’architectes et hydrodynamiciens, nous avons travaillé sur la solution qui réduit au maximum la trainée ce qui est le cas lorsque le flotteur sort complètement de l’eau. En revanche, pour Thomas, plus de cabrage c’est plus de sécurité puisque cela réduit le risque d’enfournement (lorsque l’étrave plante dans la vague ce qui peut entrainer le chavirage, revoir la vidéo de l'impressionnant 'planté' au départ de Ouessant le 29/01/11).”

Lever l’étrave mais appuyer l’arrière du flotteur dans l’eau peut réduire l’efficacité du foil ?
En effet, nous pouvons dire que, sur mer plate, le résultat en terme de trainée pure est moins optimal mais c’est le grand conflit entre la théorie et la pratique puisque si Thomas a un bateau qui cabre beaucoup, il va pouvoir le charger, augmenter la surface de voiles et donc aller plus vite. Sur un tour du monde, la navigation sur mer plate concerne surtout la descente et la remontée de l’Atlantique mais Thomas souhaite augmenter encore l’effet 'turbo' au portant dans les mers du sud pour pouvoir attaquer plus.”

Comment procéder ?
Pour augmenter le cabrage, il faut avancer les foils puisque ce sont eux qui font monter l’avant des flotteurs. Après avoir échangé avec l’équipe technique, il s’avère qu’avancer les foils n’est pas une tâche facile et il aurait fallu détruire ce qui a été fait il y a un an pour tout recommencer quelques centimètres plus loin. Nous avons donc étudié la possibilité d’avancer, non pas les foils mais carrément les flotteurs. Avancer le tout a aussi un autre avantage, puisque l’on avance le centre de flottabilité du flotteur ce qui contribue également au cabrage. Cette seconde solution permet également de faire travailler beaucoup plus de personnes en parallèle, chacun dans son domaine, alors que sur une implantation dans un endroit confiné comme l’intérieur du flotteur, les taches doivent être réalisées les unes après les autres, ce qui prend beaucoup de temps. Nous avons ainsi comparé les deux solutions et lorsque nous faisons le bilan, avancer les flotteurs est plus simple à tous points de vue.”

Nous parlons de combien de centimètres ?
“60.”

Le flotteur sera donc décalé d’autant par rapport à l’arrière de la coque centrale ?
Tout à fait mais nous n’envisageons pas d’allonger le flotteur puisque son décalage par rapport à la coque centrale reste dans des conditions totalement acceptables.”

Existe-t-il un risque de modifier l’équilibre général du bateau ?
Aussi bien Martin que moi-même, nous avons simulé les différences qu’apporterait ce déplacement. Nous savons quels sont les effets et nous ne sommes pas du tout inquiets par rapport à l’équilibre de Sodebo.”

Ce type de modification a-t-il déjà été réalisé par le passé ?
A ma connaissance, c’est une première. Nous n’avions pas cette possibilité autrefois en 60 pieds (Orma) puisque nous étions contraints par la jauge alors que là nous n’avons aucune limite, ce qui ouvre les perspectives.”

Propos recueillis par J.Huvé / Sodebo

*Martin Fischer est docteur en mécanique des fluides. Résidant en Nouvelle-Calédonie, cet expert renommé dans le domaine de la conception de multicoque et l'optimisation des appendices a été membre du design team de Groupama 2, 3 et 4. Il était en charge du développement des appendices pour le trimaran 60’ Banque Populaire et le maxi trimaran Sodebo. En outre, Martin a conçu le Capricorne, un catamaran F18 innovant qui a remporté le championnat du monde en 2006.