VOR / Franck Cammas :"Nous cravachons pour tenter d'attraper la dépression"

L'inattendu démâtage de Puma lundi en début d'après-midi ne change pas la manière d'aborder cette fin de première étape : Groupama 4 doit aller vite vers un front sur les Quarantièmes pour ne pas se faire décrocher et espérer revenir en partie sur ses deux prédécesseurs.

Credit : Y. Riou / Groupama /VOR

La nouvelle a quelque peu refroidi les ardeurs des trois équipages en course quand l'Américain Ken Read a annoncé la casse de son mât dans des conditions tout à fait maniables : vent de 23 nœuds de travers. Surtout quand les néo-Zélandais ont aussi indiqué que leur équipier d'avant, Mike Pammenter, s'était fait emporter par une vague qui l'a violemment projeté sur le gréement, le blessant au visage… Car si les conditions de navigation se durcissent avec le renforcement des alizés d'Est, on est encore loin des mers du Sud ! Cependant, la course a rapidement repris le dessus quand Franck Cammas et ses hommes ont constaté qu'il leur fallait absolument accrocher le front qui glisse sur le 40°S car derrière ce système météo, c'est de nouveau l'anticyclone de Sainte-Hélène qui se replace…

« En ce moment, on file vite vers le Sud, encore plus vite en matinée quand les alizés se renforcent. On avance à 100° du vent avec une vingtaine de nœuds à plus de 22 nœuds et c'est assez inconfortable... On commence à atteindre la courbure anticyclonique et nous allons envoyer un gennaker à la place du génois. » indiquait Franck Cammas à la visioconférence de ce mardi midi.

Deux possibilités
« Malheureusement, ces conditions météorologiques ne sont pas favorables aux voiliers en arrière : les premiers vont attraper la dépression avant nous et elle va leur permettre de longer facilement la face Sud de l'anticyclone. À cause de notre décalage, nous risquons de nous faire prendre au piège des hautes pressions derrière ce front : il y a une chance sur cinq que nous puissions rester dans ce système comme les autres… Cela va dépendre de notre progression ces prochaines 24h et c'est pourquoi nous cravachons ! »

En effet, Groupama 4 va changer de rythme ces prochaines 24h puisque l'arrivée d'un front va apporter une longue houle et des vents supérieurs à 25 nœuds de secteur Nord. Le voilier français va donc aussi accélérer sensiblement alors que les températures vont très franchement chuter. Les premiers Telefonica et Camper, vont encore prendre de l'avance puisqu'ils entreront dans ce nouveau phénomène météo dès ce soir.

Credit : H. Cooper / Camper / VOR

« Ce front va tous nous amener très vite vers Cape Town, mais l'anticyclone se reforme derrière. Soit nous arrivons à rester dans ce système et nous pourrons finir rapidement en bordure des hautes pressions. Soit nous ne pouvons pas avancer assez vite avec ce front et il faudra alors redescendre dans le Sud pour attraper une autre dépression vers le 42-45°S ! Cela nous ferait un grand détour, mais ça serait un bon entraînement pour les vents forts que nous aurons dans le Pacifique… Dans le premier cas, nous devrions arriver en Afrique du Sud dans la nuit de dimanche à lundi ; dans le second cas, ce sera plutôt mardi ! »

Des conditions plus fraîches
Déjà au-delà du 30° Sud, Groupama 4 devrait allégrement dépasser les 450 milles parcourus ces prochaines 24h puisque les alizés doivent se maintenir au-dessus de vingt nœuds. Mais les conditions de vie à bord deviennent aussi moins paisibles : sous un ciel chargé, les embruns se déversent en continu sur le pont et les barreurs qui se succèdent doivent désormais porter un casque pour se protéger. Les polaires sont aussi de sortie avec les cirés car la température de l'eau commence à se rapprocher des 15°C quand l'air peine à friser les 20°C…

« Nous n'avons pas changé notre façon de naviguer puisque nous avons confiance en notre mât. Surtout que nous ne connaissons pas la cause de ces deux démâtages. Nous ferons des tests à Cape Town... On est juste un peu frustré de ne pas jouer dans le même système météo que les autres car notre écart est trop important. Ils profitent mieux de ces changements de rythme en étant devant, comme ce fut le cas au Pot-au-Noir. Mais pour l'instant nous sommes quand même sur le podium ! Et nous avons beaucoup appris ces quinze derniers jours : nous serons plus forts pour les étapes suivantes… »