Crédit : Barbara Bernard
Déjà sixième de la deuxième étape à Dún Laoghaire, Morgan Lagravière, 24 ans seulement, fait preuve d'une régularité à toute épreuve et conforte sa place de leader au classement bizuth. Il en profite même pour faire son apparition dans le top 10 du classement général. La révélation du Pôle Vendée France affichait donc une mine radieuse au moment de toucher terre et de livrer ses premières impressions.
Morgan, tu t’es retrouvé un peu loin au départ en Irlande, que s’est-il passé exactement ?
« Je ne suis pas bien parti dans cette étape, c'est le moins qu'on puisse dire ! Il y avait une grosse zone de dévent dès le départ, le long des côtes irlandaises, dans laquelle j'ai été englué et qui a créé de gros écarts assez rapidement. J'avais dix milles de retard après seulement trois-quarts d'heure de course... Cela m'a mis un gros coup au moral d'entrée de jeu ! Mais bon, je savais aussi que la route jusqu'aux Sables était longue, qu'il y avait encore de bons coups à jouer derrière et donc moyen de se rattraper. Après ce départ chaotique, je partais donc vraiment dans l'optique de limiter la casse, plutôt que de faire une bonne place. A l'arrivée, même si j’aurais bien aimé faire un podium pour remercier tout ceux qui me font confiance, je me retrouve neuvième et une nouvelle fois premier bizuth, donc je suis super content ! »
Raconte-nous un peu ces derniers milles de course…
« J'ai l'impression qu'à chaque fin d'étape c'est la même chose ! Il y a plein de renversements de situation dans les dernières heures de course, des arrivées un peu "rock and roll" comme en Irlande, donc il faut vraiment se mettre dans la tête que la course n'est pas terminée tant que la ligne n'est pas passée. C'est pour toutes ces raisons que j'ai tendance à ne pas faire trop de plans sur la comète avant un départ, il y a une trop grand part d'aléatoire pour établir des scénarios précis. Cette fois-ci, il y avait de gros orages en cadeau surprise ! Ce n’était pas simple à gérer mais au final je m’en suis bien sorti et je suis très satisfait de ce que j’ai fait. »
A l’arrivée à Dún Laoghaire, tu avais déclaré ne pas avoir pris de plaisir. En as-tu éprouvé davantage sur cette étape ?
« Oui, dans l'ensemble c'était plus agréable que sur la précédente étape. Le bateau tapait moins, on pouvait dormir plus, prendre le temps de mieux s'alimenter, même s'il y avait pas mal de moments difficiles. De toute façon, c'est un sport qui, par essence, demande à se faire mal. Quand des petits moments de plaisir se présentent on en profite donc à fond, car ils sont tellement rares ! Je pense notamment aux dauphins que j'ai croisés, aux couleurs du ciel lundi soir avec la lune qui s'est levée sur l'eau, le fait de croiser les trimarans Banque Populaire V et Gitana 11... Il y a aussi eu un bord hier qui était vraiment sympa, sous le soleil avec un vent pas très fort. Je me suis régalé sur celui-ci parce que j'allais vraiment vite et que ce sont des conditions que j'apprécie. Donc, oui, j'ai pris plus de plaisir, mais il est difficile à décrire, il est un peu intuitif. »
Tu vas finir par l'aimer cette Solitaire ?
« Il y a des chances (rires). L'ambiance de la course est très plaisante et puis il y a toute cette médiatisation qui fait qu’on a vraiment l'impression d'être reconnu pour ce qu'on réalise. Le fait d'avoir des étapes longues et difficiles, ce côté aventure, fait partie du mythe de la Solitaire et c'est pour ça que beaucoup de monde l’apprécie. »
Tu as l’air d’être assez frais, mais l’état de fatigue doit être important…
« Je ne donne pas l'impression d'être épuisé, parce que c'est un peu l'euphorie qui l'emporte à l'arrivée. J'essaie de rester humain, mais lorsque je vais m'écrouler ça va faire mal... Hier soir, j'ai eu des hallucinations, je n'arrivais pas à me tenir éveillé. Me retrouver dans cet état là, c'était assez bizarre, je me voyais partir… Mais avec les conditions que l'on avait, on ne pouvait pas lâcher la barre, je n'avais donc pas le choix. Il y a des phases comme ça dans le sommeil qui sont vraiment dures et on sait que lorsqu'on les passe, derrière, ça va mieux. C’est ce qui permet de tenir. »
Deux fois dans le top 10 en trois étapes, 10ème du général, 1er bizuth, quel est ton objectif prioritaire ?
« C'est vraiment le classement bizuth. Je n'ai pas le vécu d'un Jérémie Beyou ou d'un Nicolas Lunven pour prétendre à viser le général. C'est une course qui réclame beaucoup d'expériences. Je ne suis pas non plus très loin de faire jeu égal avec certains de ces grands noms, alors c'est plaisant. En tout cas, si je dois prendre des options sur la dernière étape, j'aurais toujours dans un coin de ma tête le classement bizuth. De toute façon, l'un ne va pas sans l'autre. Si je l’emporte en bizuth, cela signifiera que je suis plutôt bien au général. »
Un mot sur Jérémie Beyou (vainqueur des deux dernières étapes et leader au classement général). Que t’inspire-t-il ?
« Je suis très impressionné par ce qu'il fait. Il est tout le temps dans les bons coups, il va vite. Je n'arrive pas vraiment à savoir comment il fait cela... Je ne connais pas non plus la personne humaine, en tout cas j'éprouve un grand respect. Sur une Solitaire, il n’y a pas vraiment de grandes options, mais toujours des petits coups à jouer. Lui, comme Fabien Delahaye par exemple, n’en manquent quasiment aucun, il n’y a pas de hasard. Sur l'eau, Jérémie a été impérial et ça on ne lui enlèvera pas. »
Quel est ton programme avant d’attaquer la dernière ligne droite ?
« Avant de me projeter sur la suite, je vais me reposer un maximum. Je vais aussi profiter des bons petits plats vendéens et de la présence de ma copine qui est venue m’accueillir. »
Source : La septième vague / Pole Vendée France