Figaro / Ensembles flous pour la dernière étape de la Solitaire

S’ils ne sont plus que quatre à une heure d’écart, ils sont nombreux ceux qui voudront briller lors de cette ultime étape de La Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire. Le parcours s’avère très technique le long des côtes vendéennes, bretonnes et normandes : 437 milles entre Les Sables d’Olonne et Dieppe. Et les prévisions météorologiques ajoutent une grosse poignée d’incertitudes…

Les étapes côtières sont toujours plus complexes que les manches hauturières où les solitaires n’ont pas à se pencher sur la navigation en permanence, où l’évolution météorologique est plus claire sans effets de relief ou de brise thermique, où les courants de marée n’influent pas sur la route, où la présence des autres concurrents est moins prégnante car le peloton est plus dispersé… Bref, sur cette quatrième manche qui va se dérouler entièrement à moins de 20 milles des côtes, tous les scénarios sont possibles. Surtout qu’une dépression orageuse va suivre la même trajectoire que les solitaires !

Des modèles incertains
Le temps a changé ces dernières heures comme l’indique le ciel devenu voilé puis couvert ce samedi après-midi aux Sables d’Olonne. Prémices d’une zone orageuse : une masse d’air chaud venant d’Espagne va fusionner avec un front froid arrivant de l’Atlantique. Le résultat se concrétise par une dépression orageuse qui va se former sur la flotte dimanche soir au large de Belle-Île puis se déplacer lentement vers le Nord, puis le Nord-Est, suivant en cela la progression des 46 solitaires autour de la Bretagne. Le vent va donc être très variable, mais plutôt contraire dans son ensemble, jusqu’au large des Anglo-Normandes…

Dimanche à midi, le départ risque d’être difficile car sous les grains, le vent pourrait monter jusqu’à 30 nœuds tout comme il pourrait s’écrouler à moins de dix nœuds. Dans ces phénomènes météorologiques, les divergences locales sont conséquentes et il est impossible de prédire à l’heure près quand ces grappes de nuages vont perturber le plan d’eau. Ce qui est certain, c’est que jusqu’aux abords de la baie de Seine, le ciel sera extrêmement chargé, voire tonitruant, pluvieux, irrégulier, variable et que le vent va osciller entre 10 et 30 nœuds avec d’importantes bascules locales.

Toutefois dans l’ensemble, après un départ dans un flux de Nord, le vent devrait devenir incertain au large de Noirmoutier : une première phase qui pourrait décanter la flotte en plusieurs groupes. Il faudra ensuite louvoyer pour atteindre le raz de Sein, encore tirer des bords pour parer Ouessant avant une Manche de nouveau plus ou moins inconstante selon la position exacte du centre dépressionnaire. Là, il faudra choisir son camp entre une route au large dans un flux de Nord-Est contraire ou une trajectoire à la côte, sachant que les courants de marée ne seront pas très importants avec un coefficient de marée de 33… Une fois la dépression orageuse décalée vers la Belgique, un flux d’Ouest va s’installer jusqu’à 25 nœuds : les cent derniers milles seront rapides et les écarts déjà construits ne devraient pas être chamboulés. Cette ultime étape va donc se jouer à Belle-Île dans un premier temps, au passage de la pointe de la Bretagne, et au large de l’île de Batz.

Des groupes en sous-ensembles
Au regard du classement général sur trois étapes, on peut en effet distinguer plusieurs groupes : un premier ensemble formé des quatre premiers classés avec moins d’une heure d’écart. Derrière Jérémie Beyou (BPI), Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) concède 34’15, Nicolas Lunven (Generali) 40’52 et Thomas Rouxel (Bretagne Crédit Mutuel Performance) 56’41. Ils sont évidemment en pole position pour le podium et surtout aspirent à la victoire finale… Mais il faudrait que le leader actuel perde le fil sur cette étape, alors qu’il a démontré sa capacité à ouvrir le chemin, à éviter les obstacles, à bien négocier les phases de transition et surtout à revenir dans la tête de la flotte malgré un départ moyen comme en Irlande. Et ses trois poursuivants sont aussi sous la pression d’un quatrième larron, Erwan Tabarly (Nacarat) qui avec sa troisième place lors de la troisième étape, n’est qu’à 1h07’24 du premier, soit à 11’ du quatrième…

Ils sont neuf à moins de deux heures du premier et surtout sept séparés de seulement quatorze minutes ! Hors de leur volonté de finir sur une des trois marches du podium final, ils auront aussi à cœur de contrôler leurs concurrents directs, qui pour se maintenir dans le « top ten », qui pour conclure avec panache. Le match interne de ce sous ensemble composé de Laurent Pellecuer (Atelier d’architecture Jean Pierre Monier), de Thierry Chabagny (Gedimat), d’Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir), de Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), du premier bizuth Morgan Lagravière (Vendée), de Paul Meilhat (Macif 2011), de Romain Attanasio (Savéol) et du deuxième « bleu » Xavier Macaire (Starter Active Bridge) s’annonce plein de rebondissements. D’ailleurs côté bizuth, le match est très ouvert entre ces deux coureurs séparés de 17’17 et qui doivent aussi se méfier du Britannique Phil Sharp (The Spirit of Independence) à 44’23 du premier « bleu » !

Inspiration, ambition et aspiration
Si tout le monde aspire à conclure cette 42ème édition de La Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire par une belle étape, chacun ambitionne avant tout de grappiller des places au classement général. Et les écarts sont parfois ridicules à l’image du sous ensemble 14ème à 18ème en moins de 14’ ou du groupe 23ème à 25ème en 4’ et même du trio 29ème au 31ème en 10’, ou du couple 35ème et 36ème en 6’… Bref, il va falloir être inspiré pour ne pas s’emporter sur cette ultime manche qui va permettre de « jouer », de tenter des options, de se démarquer, mais au risque de s’enfoncer dans les profondeurs et de terminer cette Solitaire sur une fausse note.

En fait, chacun possède son sommet à escalader et si les montagnes n’ont pas la même dimension, l’ascension n’en est pas moins pavée de failles, de précipices, d’à-pics et de vallées de moraines déchiquetées. Conclure est bien souvent le challenge le plus délicat pour un solitaire, puisque le classement final marque la réussite ou la déception d’une année entière et engage le skipper sur la saison suivante…

Source : La Solitaire