Figaro / Départ vers les Sables d'Olonne demain dimanche

Pour cette troisième étape entre Dún Laoghaire et Les Sables d’Olonne, la plus longue de cette 42ème édition de La Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire, le vent d’Ouest sera au rendez-vous dès le coup de canon dimanche 14 août à midi. Mais avant la pointe de la Bretagne, l’aléatoire prend le pas sur ces 475 milles en trois tranches inégales avec un final extrêmement incertain entre Sein et la Vendée…

Crédit : Courcoux-Marmara 

Depuis Perros-Guirec, premier départ de La Solitaire 2011, tout le monde s’attend à ce que l’étape suivante soit redoutable pour le classement général, avec des écarts incompressibles ! Erreur : tant pour la première manche vers Caen que pour la deuxième vers Dún Laoghaire, les solitaires sont arrivés particulièrement groupés et à mi-parcours, la marge du leader Jérémie Beyou (BPI) n’est pas franchement conséquente (25’ sur Nicolas Lunven, 30’ sur Fabien Delahaye) et la meute derrière lui est encore énorme puisqu’ils sont au moins vingt à pouvoir prétendre au podium final. Surtout que cette longue descente au travers de la mer d’Irlande, du canal Saint-Georges, de la mer Celtique, de la Manche, de la mer d’Iroise et le long des côtes bretonnes et vendéennes offre un large panel de variables météorologiques !

Deux points, trois tranches…
Deux passages obligatoires réglementent ce parcours, hauturier pour deux tiers, côtier pour le reste : Wolf Rock à tribord impose de piquer sur la pointe de l’Angleterre (Land’s End) en laissant les îles Scillies à tribord. Cette porte va limiter les options extrêmes lors de ces 200 milles qui vont essentiellement se dérouler dans un flux d’Ouest d’une quinzaine de nœuds. La difficulté de ce tronçon vient du choix entre génois ou spinnaker sachant que les 46 solitaires encore en course vont partir en bordure d’un flux perturbé qui s’échappe de l’Irlande pour monter en Ecosse. Sous cette dépression, le régime d’Ouest ne va pas être si régulier que ça : d’abord parce que les reliefs irlandais vont perturber le flux ; ensuite parce que des thalwegs s’égrainent en glissant vers la pointe cornouaillaise. Ces thalwegs sont des « boursoufflures isobariques », de petites pustules qui vont faire varier localement le vent entre le secteur Sud et l’Ouest. A quelques dizaines de milles près, les skippers n’auront donc pas tout à fait le même vent : certains pourront envoyer le spinnaker, d’autres navigueront sous génois. En sus, lors d’une rotation au Sud, soit exactement dans l’axe de la route pour Land’s End, il faudra choisir son côté : à gauche pour se rapprocher du pays de Galles, à droite pour prendre le large ?

Deuxième point de passage obligé : Ouessant et ses dangers à laisser à tribord ! Pas le choix, il faudra s’engouffrer dans l’entonnoir de Portsall, et là encore choisir son chemin : par le chenal du Four à raser Le Conquet et la pointe Saint-Mathieu, ou par le Fromveur en passant entre Ouessant et Molène… Dans le premier cas, douze milles à naviguer dans un fort courant puisque le coefficient atteint 89 mardi, soit plus de quatre nœuds de courant à mi-marée ; dans le deuxième cas, un tapis roulant à négocier sur quatre milles afin de prendre le large. En fait, tout va dépendre de l’atterrissage sur les côtes bretonnes puisque la marée va décider du chemin à emprunter : elle monte (donc courant contraire) à partir de 2h02 jusqu’à 7h48, puis elle descend (courant favorable) jusqu’à 14h15, pour remonter jusqu’à 20h02… En sachant que le maximum du flot ou du jusant s’établit de deux heures après à quatre heures après la renverse atteignant jusqu’à 4 nœuds… Si le petit temps (moins de 8 nœuds) est au rendez-vous, il est même envisageable que les solitaires mouillent pour ne pas être refoulés dans la Manche !


Règle de trois ?
Peut-être est-ce le théorème du Figaro ! Au regard des deux précédentes étapes et au vu de ce qui se présente entre Dún Laoghaire et Les Sables d’Olonne, il y a une sorte de formule mathématique à trois constantes : d’abord une entrée en matière assez régulière (spi pour la 1ère étape, près pour la 2ème, travers pour la 3ème) ; ensuite un coup d’arrêt brutal (dénommé « zone de transition » par les skippers) où le vent s’écroule (1ère étape à Barfleur) ou tourne en quelques heures (2ème étape à Land’s End) ou s’étiole lentement (3ème étape à Ouessant) ; enfin une glissade en route directe vers l’arrivée (30 milles pour la 1ère étape, 150 milles pour la 2ème étape). La différence pour cette troisième tranche de cette troisième étape, c’est que les prévisions météorologiques sont assez floues. L’anticyclone qui s’installe doucement sur la France (enfin !) a des velléités à s’endormir sur la route des solitaires… Mardi après-midi s’annonce donc comme une phase extrêmement délicate à négocier : ceux qui s’extrairont du raz de Sein en tête risquent fort de laisser sur place nombre de leurs concurrents.

Mais la suite ne se présente pas non plus comme une balade dominicale : en l’absence de gradient de vent, ce sont les effets thermiques qui vont propulser ou ralentir la flotte. Brise de mer (secteur Sud-Ouest, puis Ouest pour finir Nord-Ouest) l’après-midi entre 14h et 18h avec un effet sur une bande d’une dizaine de milles au large des côtes ; brise de terre la nuit (secteur Nord-Est) jusqu’à 3 milles du rivage entre 22h et 4h… Selon le schéma général classique, parce que tout dépend de la température, de l’humidité, de l’instabilité, du relief, de la nature du substrat, du gradient isobarique et de bien d’autres paramètres. Bref, la probabilité est très grande mais l’intensité et la durée du phénomène variables. C’est donc dans le flou pour ce tronçon de 150 milles que s’élancent les 46 solitaires d’Irlande car deux jours après le coup de canon, la situation peut sensiblement évoluer. Ce qui est certain, c’est que rien n’est certain ! De quoi laisser le champ libre à nombre d’options stratégiques puisque de Ouessant aux Sables d’Olonne, le parcours est totalement ouvert…