Crédit : Ch. Breschi
Il existe parfois des moments comme bénis des dieux. Depuis le départ des Sables d’Olonne, la flotte des quatorze tandems engagés aurait beau jeu de se plaindre. Un parcours côtier dans des conditions presqu’idéales, avec juste le vent nécessaire pour exprimer son sens tactique, une première nuit de rêve où les carènes planantes des Class40 ont trouvé de quoi s’ébrouer l’étrave sans pour autant sacrifier au confort des équipages. Il a bien fallu procéder à quelques changements de voile, engager les premiers empannages, veiller au réglage du spinnaker, mais la teneur des messages de la nuit l’exprime bien : ce fut une entrée en matière idéale. C’est à peine, si quelques équipages ont dû procéder à des bricolages qui relèvent plus de la mise au point tardive que de la casse matérielle.
Options marquées d’entrée
Un des effets secondaires d’un départ en soirée est que dès la première nuit, des options marquées ont pu être prises. Grosso modo, la flotte se divise en trois groupes : au nord, un groupe contenant plusieurs des favoris cherche à gagner dans l’ouest au plus vite pour se trouver rapidement sous l’influence de la dépression annoncée sur le proche atlantique. Au sud, un groupe emmené par Groupe Picoty et Bureau Veritas profite pour l’heure d’un gradient de pression plus favorable pour creuser l’écart sur le reste de la flotte. Au centre, un petit groupe de bateau pratique l’art de la procrastination en se disant qu’il sera toujours temps de choisir son camp.
Toute la question va être de savoir l’évolution des systèmes météorologiques pour les jours à venir. Actuellement sous l’influence d’un régime de vents anticycloniques de secteur est dominant, tous les équipages vont devoir négocier une zone de transition dans la nuit de dimanche à lundi, voire lundi matin. Pendant quelques heures, ils seront confrontés à des vents erratiques, variables faibles. Les hommes du nord parient sur le fait qu’ils toucheront le nouveau vent les premiers. Ceux du sud tablent sur l’arrivée plus rapide que prévue initialement du système perturbé et sur une zone de transition plus étroite que prévue à subir. Sans compter que, tout au moins dans un premier temps, ils bénéficieront quand le vent s’orientera au sud-ouest d’un angle de progression plus favorable que leurs concurrents du nord.
Impact psychologique
Au final, c’est avant tout une question de tempérament. Anticiper une bascule à venir, quitte à perdre du terrain nécessite une solidité mentale à toute épreuve. Rester dans un régime de vent dont on sait qu’il va disparaître, c’est aussi faire preuve du bon sens qui décrète que ce qui est pris n’est plus à prendre. Pour l’heure, les hommes du sud progressent avec un angle plus favorable à des vitesses plus élevées de deux à trois nœuds. Ce qui, au bout du compte, peut commencer à créer des écarts non négligeables. Le pointage de vingt heures devrait révéler quelques indications sur l’analyse de la situation par les navigateurs. Que les routes continuent de diverger, cela signifiera que le duel n’est pas encore vraiment commencé et que c’est après l’entrée dans le nouveau système que l’on pourra juger. Que des concurrents commencent à se rallier à la cause d’un groupe ne signifiera pas forcément qu’ils ont eu définitivement raison. Mais ce sera l’occasion pour ceux qui ont eu l’audace de trancher en premier de se conforter psychologiquement et de garnir leur escarcelle de quelques milles d’avance. Sans équivoque, la récréation de la première nuit de mer est terminée.
Ils ont dit :
Jacques Fournier et Jean-Edouard Criquioche (Groupe Picoty)
" Première et superbe nuit de glisse. Apres avoir passé en revue le solent, puis le code zéro ainsi que le gennaker, c'est sous grand spi que le bateau glisse entre 10 et 12 noeuds. Nous sommes très concentrés sur les réglages et la trajectoire. Nous avons cependant pris notre repos afin de bien rester lucide pour la suite des événements. »
Stéphanie Alran et Caroline Olagne-Vieille (Velevent)
« Le parcours en baie a sonné comme un rappel, il faut retrouver vite les automatismes car nous n'avons plus vraiment navigué ensemble depuis six semaines et ça se sent ! Manoeuvres un peu lentes et hésitantes, choix de voiles tardifs, le bilan de nos douze premières heures présente quelques lacunes... avec tout ça, on n'a pas réussi a vraiment dormir. Mais le rythme s'installe doucement à bord. »
Classement du 3 juillet à 16h
1 Groupe Picoty (J Fournier – JE Criquioche) à 1092,5 milles de l’arrivée
2 Bureau Véritas (S Le Diraison – V Barnaud) à 0,4 milles
3 L’Express Sapmer (D Lazat – R Aubrun) à 3,8 milles
4 Techneau (A Daval – G Dutoit) à 10,0 milles
5 Tales (G Botin – P Santurdo) à 18,7 milles
6 Grassi Bateaux (O Grassi – JB Glin) à 21,8 milles
7 Wanted Partner (L Régnier – PY Cavan) à 22,0 milles
8 Hip Eco Blue (A Fantini – S Merolla) à 26,3 milles
9 Aquarelle.com (Y Bestaven – C Bouvet) à 26,4 milles
10 Mare.de2 (J Riechers – E David) à 27,4 milles
11 Matetmat.com (M Galland – M Prochasson) à 28,5 milles
12 Velevent (S Alran – C Olagne-Vieille) à 30,4 milles
13 Exedra (P Bougard – G Dadou) à 30,8 milles
14 Spliff (A Dawson – J Mac Coll) à 35,1 milles
Classements de la flotte disponibles à 8h00 – 12h00 – 16h00 – 20h00 sur le site Internet de la course (http://www.lessables-horta.com/).
Source : Isabelle Delaune