Crédit : Y Zedda / Sodebo
En bas de la vague, les trois coques se sont arrêtées et le bateau a été soulevé par l’arrière pour se retrouver à la verticale. « A côté, le planté du départ est une plaisanterie, » raconte le skipper qui poursuit en expliquant qu’il s’est retrouvé à la verticale dans le cockpit : « J’ai eu le bon réflexe de larguer l’écoute et non pas de m’en servir pour me retenir. Quand tu entres dans la vague, c’est comme dans un rêve ! »
Il faut dire que les conditions sont « sauvages », et plus sportives que ce que prédisaient les modèles météo. « Cela fait bientôt quatre jours que je suis dans des vents de plus de 30 nœuds avec des vitesses qui ne pardonnent pas la moindre erreur. » Des cellules secondaires se creusent sur place, ou à côté de lui, et génèrent 5 à 10 nœuds de vent de plus que sur les fichiers. « Avec ça, tu n’es plus dans la même donne sur un grand bateau comme Sodebo en solitaire. Et ce matin, il y avait trop de vent pour prendre un troisième ris. Au passage du front, la mer était blanche et éblouissante. La pluie et le vent rebondissaient sur l’eau et formaient de la vapeur au-dessus de la mer. »
Dans ces conditions de navigation très perturbées, engageantes et physiques, l’anticipation n’est pas un vain mot. Dotés de ses foils, le trimaran va plus vite et part dans des surfs insensés « pendant lesquels le foil génère tellement de flux que le safran sous le vent se retrouve dans la mousse et alors je ne contrôle plus. Je pars dans des surfs que je n’ai jamais connus, » explique Thomas aujourd’hui.
Le marin solitaire n’a pas envie de jouer trop longtemps avec le feu. Ces routeurs qui sont sur les fichiers 24 heures sur 24 étudient les routes les plus rapides. Quand ils ont envisagé de poursuivre dans l’Indien en descendant très sud pour passer en dessous des Kerguelen, Thomas a calmé le jeu : « Si la dépression tropicale qui vient de Madagascar et qui fout le b… sur la route descend rapidement, je ne peux plus m’échapper. Il y a des situations au-delà desquelles un gros bateau impose ses limites en solo. On a décidé d’aller chercher la dorsale anticyclonique avec le risque de se faire manger par elle. Elle devrait donner des conditions moins fortes et qu’on maîtrise, » conclue celui qui reconnaît qu’il a un peu mal aux épaules ce soir. Le même homme espère bien profiter la nuit prochaine de l’accalmie annoncée par les fichiers pour voler quelques moments de sommeil – on n’ose pas dire quelques heures : « On n’a rien cassé, rien abîmé mais à quel prix ! »
Passage du premier Cap avec près de 48 heures de retard
Sous une pluie battante et dans 32 noeuds de vent de Sud-Ouest, Sodebo a franchi le Cap de Bonne Espérance aujourd'hui mardi à 18h02 (heure française) après 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes de mer. Thomas a parcouru 8405 milles à la vitesse moyenne de 20,31 noeuds et entre désormais dans l'Océan Indien.
Avec ce tour obligé dans l’Ouest de l’anticyclone de Saint-Hélène, l’écart de 9 heures et 27 minutes au passage de l’équateur il y a dix jours s’est logiquement creusé. Depuis le départ, Idec avait parcouru 1005 milles de moins que Sodebo mais avait été aussi moins rapide avec 20,12 nœuds de moyenne. Ainsi, très honorablement et dans des conditions météo peu conciliantes, le « challenger » de Francis passe ce premier des trois grands caps de ce tour du monde avec moins de deux jours de retard sur le temps de référence, soit précisément 1 jour, 22 heures et 41 minutes d'écart.
Rappel des temps de passages Brest – Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 15/12/11 : 17 jours, 54 heures, 32 minutes, 8 405 milles à 20,31 nds
Retard : 1 jour, 22 heures, 41 minutes
SODEB’O le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes
Chiffres du Jour à 18 h :
Retard :-1 151,10 nm
Vitesse moyenne sur 24h : 22,9 Nds
Milles parcourus en 24h : 550,1 nm
Source : JH et CRP / Sodebo