Barcelona World Race / Quatre équipages échappés en Atlantique

La flotte de la Barcelona World Race s’étire sur 225 milles et évolue désormais dans deux mondes différents. Entre les quatre équipages qui glissent sous spi en Atlantique Nord et les dix poursuivants emprisonnés dans les calmes d’Alboran, le temps s’étire et les milles s’accumulent. Ces douze dernières heures, le détroit de Gibraltar semble être devenu une passerelle infranchissable.

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Désespérant
« On pourrait rester ici pour toujours, c’est presque effrayant ». « Cette histoire peut durer des heures, voire des jours. La situation est pour le moins désespérante ». A la vacation du midi, Boris Hermann (Neutrogena) et Anna Corbella (Gaes Centros Auditivos) ont expliqué leur frustration. Classés respectivement 5e et 6e, ces deux équipages sont scotchés sur une mer d’huile, ballottés entre les côtes espagnoles et marocaines avec 3 nœuds de courant dans le nez. Depuis cette nuit, impossible pour eux d’entrer dans le détroit de Gibraltar dont la porte semble avoir été fermée à double tour par les quatre bateaux de tête. Comme si la peine n’était pas suffisante, les filles de Gaes ont aussi dû se bagarrer des heures avec un filet de pêche entortillé dans les appendices de leur 60 pieds.

Frustrant
Plus à l’Est, en mer d’Alboran, trois équipages ont aussi de bonnes raisons de pester contre les éléments : Président, Groupe Bel et Mapfre sont toujours emprisonnés dans les calmes et assistent impuissants à leur décrochage au classement. Difficile d’imaginer qu’ils étaient encore dans le match il y a 36 heures. Ils accusent aujourd’hui un retard de plus de 140 milles et pourraient bien se faire rattraper par les retardataires que sont FMC, We are Water ou encore Renault Z.E. Nul ne sait s’ils réussiront à atteindre Gibraltar ce soir.

Soulageant
Changement d’atmosphère à bord des quatre monocoques de tête. Lundi soir à 20h55, Jean-Pierre Dick était le premier à ouvrir la voie de l’Atlantique, rééditant ainsi sa performance d’il y a trois ans sur la même course. A 23h35, Foncia entrait à son tour dans le terrain de jeu favori de son skipper Michel Desjoyeaux. Ce matin, le double mixte franco-suisse de Mirabaud leur emboitait le pas, suivi plus tard des Espagnols d’ Estrella Damm, soulagés après une nuit laborieuse à enlever des sacs plastiques et autres branches d’arbres coincés sous la coque.

En ce quatrième jour de course, seule cette bande des quatre pouvait profiter d’une navigation idyllique : grand spi, mer plate, soleil radieux. Mais au moment de décompresser face à l’horizon dégagé, la fatigue retombait aussi d’un coup brutal sur les épaules des marins. Joint ce midi au téléphone, Loïck Peyron se réveillait tout juste d’une sieste réparatrice dans son hamac ultra-léger (50 grammes de nylon !). En Méditerranée, les hommes de Virbac-Paprec 3 ont tiré sur leurs réserves. C’était probablement le prix à payer pour prendre aussi brillamment les commandes de la course. Cet après-midi, à l’ouest de côtes africaines, le monocoque bleu était le plus rapide et jouissait d’une jolie marge de 56 milles sur son poursuivant Foncia. Pour les échappés de l’Atlantique, l’heure est à la stratégie à grande échelle : aller chercher vers l’ouest une vaste dépression avant de plonger vers les Canaries et les alizés. Le près est bientôt à l’ordre du jour !

Des nouvelles d’Alex Thomson, Hugo Boss
Le règlement de la course impose qu’Alex Thomson rejoigne Hugo Boss au plus tard 10 jours après le départ de l’épreuve (et après accord de l’équipe médicale de la Barcelona World Race). Le lieu et la date de remplacement doivent être validés par le Comité de Course. « Alex Thomson est rentré en Angleterre entouré de son équipe médicale, » annonce Stewart Hosford, le directeur d’Alex Thomson Racing. « Son état de santé est très bon. Il récupère tous les jours et reste confiant dans le fait de remonter à bord de son bateau. Une solution est envisagée et sera soumise au Comité de Course dès que le lieu d’échange sera confirmé. Il s’agira certainement du Cap Vert ou de l’île de Fernando de Noronha au large du Brésil. »

Ils ont dit :
Anna Corbella (ESP) Gaes Centros Auditivos : « Nous nous sommes pris dans un filet à la dérive devant Marruecos et cela fait maintenant 24 heures que nous tentons de sortir d’ici. Nous faisons du sur place. Il y a trois nœuds de vent, mais nous ne progressons pas. Nous sommes à 25 milles de la sortie du Détroit de Gibraltar, mais il nous est impossible de dire quand nous en aurons fini. « Trois pas en avant, deux pas en arrière ! » c’est notre credo à l’heure actuelle. Les quarts sont très intenses et peu gratifiants. Ne pas progresser après tant d’effort c’est vraiment frustrant… »

Loïck Peyron, Virbac-Paprec 3: "Il y a eu une grosse bagarre partout pour tout le monde, avec des hauts et des bas. Il a fallu tirer énormément sur les réserves, énormément manœuvrer et beaucoup matosser. C’est un vrai sport de déménageur ! Heureusement maintenant la stratégie a repris ses droits ! C’est agréable de se retrouver en Atlantique. En Méditerranée, il se passe toujours l’inverse de ce qui est prévu. L’avenir est un peu compliqué. Nous allons franchir une dépression au large des Açores. Il va y avoir beaucoup de virements et de manœuvres à faire dans les jours à venir. C’est un peu compliqué, mais relativement prévisible avec quelques points un peu délicats."

Kito de Pavant, Groupe Bel :"Qu’est ce que l’on peut faire d’autre ? Rien, si ce n’est prendre son mal en patience. C’est ce que nous faisons avec Seb depuis deux jours. À l’allure où nous allons, il va nous falloir 36 heures pour doubler Gibraltar ! Gibraltar c’est le premier passage à niveau, le train était long et avec des travaux sur la voie ! Comme consolation, nous pouvons nous dire qu’il fait super beau. Ce n’est pas si mal de faire du tourisme, mais pour la régate c’est moyen. Ce qui est frustrant c’est de savoir que le bateau va très bien. Dans le début de course, nous avons pu nous comparer aux autres. Les vitesses sont similaires entre la plupart des concurrents qui sont devant. C’est toujours pareil, c’est la météo qui décide. Il va donc falloir faire avec. La route est encore longue."

Dominique Wavre (Mirabaud) :"Notre mésaventure d’hier (leur arraisonnement par la douane marocaine, ndr) n’est plus qu’un mauvais souvenir. La course a vite repris ses droits ! Et puis, malgré nos mésaventures, nous sommes bien placés. Cette nuit, il y a eu une ou deux risées salvatrices qui nous ont aidées à nous déhaler au bon moment, nous avons aussi envoyé les bonnes voiles. La chance nous a aidés à nous extirper des calmes. L’entrée de Gibraltar était assez facile, mais la sortie redoutable ! Cela fait du bien de se sentir dans l’océan. Nous allons tenter de récupérer maintenant que nous sommes en Atlantique. Nous allons reprendre des rythmes un peu plus décents ! La météo est forte intéressante. Il y a une succession de fronts qui vont se succéder. Jusqu’aux Canaries la stratégie est assez complexe."

Le classement du 04 janvier à 15 h :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 23961,5 milles de l’arrivée
2 FONCIA à 56,5 milles des leaders
3 MIRABAUD à77 milles
4 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 89,7 milles
5 NEUTROGENA FORMULA NORUEGA à 113,9
6 GAES CENTROS AUDITIVOS à115,5
7 MAPFRE à142,1 milles
8 PRESIDENTà143,9 milles
9 GROUPE BELà144,2 milles
10 WE ARE WATERA à 181 milles
11 FORUM MARITIM CATALA à 183,5
12 RENAULT Z.E à 187,8 milles
13 CENTRAL LECHERA ASTURIANAà188,8 milles
14 HUGO BOSS à 225,9 milles

Source : Barcelona World Race