Aucune explication technique ne permet de cerner actuellement cette avarie et les deux marins doivent attendre que le vent de Sud-Ouest encore puissant, mollisse et passe au secteur Sud-Est avant de pouvoir monter dans le mât pour récupérer les morceaux du profil et faire le ménage dans les voiles coincées par leurs drisses (solent, gennaker). Le duo pensait mettre quatre jours pour rallier Cape Town par leur propres moyens et le pouce de Michel Desjoyeaux qui avait été entraîné lorsque le skipper a voulu retenir le génois à l’eau, n’est juste que douloureux. Les deux navigateurs n’avaient pas le moral après ce dur coup du sort et ont reçu de la part de tous leurs concurrents des messages d’amitiés.
Michel Desjoyeaux : « Actuellement, je n'ai pas d’explication. Quand on fabrique un bateau, ce n’est pas pour le casser. Pour le moment, nous n'avons pas les morceaux en mains, donc c'est difficile de connaître la raison de cette casse. Ces deux morceaux sont à 24 mètres de haut, toujours accrochés dans le gréement. La mer est trop importante pour prendre le risque de monter en tête de mât et récupérer les morceaux pour l’instant. C’était plutôt animé avec 2 à 4 mètres de vagues, mais le bateau est fait pour ces conditions de navigation : il devrait résister à ça ! On n’a pas réglé différemment le mât depuis cette nuit : on ne comprend pas pourquoi cela s’est passé. Après l’incident, le solent était livré à lui même avec énormément de mou dans l’étai. La voile gigotait à l'avant. François était à la barre pour maintenir le bateau vent arrière et j’ai essayé de ramener la voile à bord : il y a eu un à-coup et mon pouce est parti avec la voile. J'ai un peu mal, mais ça va, il bouge encore, il y a juste une petite égratignure… La mer est actuellement soutenue. Nous sommes avec l'équivalent de trois ris dans la grand-voile et pas de voile d’avant, car nous sommes vent arrière. Depuis l'avarie, la vitesse moyenne est de douze nœuds, ce qui nous propulse vers Cape Town qu'on devrait atteindre dans quatre jours. Nous avons réussi à saucissonner le solent avec une drisse. On attend que ça se calme pour pouvoir manœuvre la grand-voile et l'affaler. La coque n’a rien subi, le balcon avant est un peu tordu, mais c'est tout. On est toujours sous pilote… Avec François, nous sommes des gens assez pragmatiques. Il y avait une situation de crise à gérer en urgence : nous avons d’abord essayé de ramasser les morceaux et de sécuriser la situation. Le mal est fait, mais ce n’est pas la peine d’en vouloir à la terre entière. Ce n'est pas satisfaisant, car ce n'est pas ce que nous avions prévu. Maintenant il faut le vivre et le digérer tranquillement. Nous avons quatre jours pour le faire jusqu’à Cape Town.»
François Gabart : « Forcément je suis triste : je pensais que nous irions plus loin mais pour moi c’est une aventure extraordinaire. Le bateau n’est pas allé plus loin et c’est comme ça. Ça ne nous enchante pas de rentrer à la maison, mais on fait avec. Des moments difficiles, il y en a toujours et abandonner une course a déjà dû m’arriver mais pas dans une course qui dure trois mois. C’est assez dur, ça fait mal, ce n'est pas agréable à vivre mais ça fait partie de la vie. Sur les bateaux il y a des moments forts et des moments plus difficiles, cela permet d’apprécier encore plus les bons moments… Je rêve de faire un tour de monde et naviguer dans les mers australes, cela aurait peut-être été trop facile de le faire d’un coup d’un seul avec Michel Desjoyeaux. Je relativise et je me dis que ce n’est pas si simple de faire le tour de la planète... Je sortais le calepin tout à l'heure pour essayer de m’occuper l’esprit en pensant à mon projet Vendée Globe. Je pense à un bateau avec un mât plus solide mais à des modifications majeures non plus : il y aura tout de même pleins de petites adaptations. »
Source : Barcelona World Race