Barcelona World Race / Le peloton se regroupe

La nuit prochaine sera illuminée par la pleine lune, mais le satellite de la Terre risque fort de proposer un éclairage contrasté sur la flotte de la Barcelona World Race : le leader et ses poursuivants de plus en plus pressants, sont en effet englués dans une bulle, tout comme le partisan de la voie intermédiaire… Quand Foncia allonge très sensiblement la foulée et que Virbac-Paprec 3 vient de resurgir dans son sillage !

© Virbac-Paprec 3

Encore une journée à suspens ! D’abord en redécouvrant Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron après 36h de black-out, mais on pouvait déjà se douter de la réussite de leur coup tactique. A l’écoute de la vacation vidéo de ce mercredi matin, le sourire du skipper de Virbac-Paprec 3 en disait long : l’option « brésilienne » prise par le voilier bleu a été très positive… De fait, en suivant approximativement la même route que Foncia, il a choisi le bon couloir car le vent est particulièrement favorable au large de Rio de Janeiro ! Un bon flux de secteur Nord-Est de 15 à 20 nœuds souffle en effet sur la face orientale d’une dépression orageuse calée sous le cap Frio. Et comme cette perturbation va lentement d’abord, puis rapidement se décaler vers les Quarantièmes Rugissants, les deux bateaux qui avaient fait escale à Recife vont engranger les dividendes ! L’accélération va s’amplifier pour ces deux jours à venir, puisque les deux équipages français vont profiter d’un régime puissant de secteur Nord qui leur permettra de faire route directe vers l’île de Gough…

Stop and go
Les Espagnols de MAPFRE sont un peu moins bien lotis puisque cette journée de mercredi se déroulait sous le signe du petit temps en raison d’une zone de transition entre cette perturbation brésilienne et les hautes pressions qui s’écroulent au centre de l’Atlantique Sud. Ils peuvent toutefois espérer sortir de ce piège dès ce mercredi soir et, en gagnant dans le Sud, récupérer le couloir de vent qui pousse les deux duos français… Le timing s’avère serré mais quelque soit le scénario réel, Iker Martinez et Xabi Fernandez croiseront derrière ces deux équipages. Mais auront-ils démarré assez tôt pour dépasser le leader actuel ? Cela va dépendre de l’arrêt tropical qui a stoppé net Estrella Damm ! Le leader avait pourtant réalisé un parcours sans faute et se présentait sur le tropique du Capricorne en position favorable avec 130 milles de marge sur Kito De Pavant et Sébastien Audigane. La voie déjà très éloignée dans l’Ouest par rapport à la route directe (850 milles !), était logique au regard des prévisions après le passage de l’équateur : elle s’avère un piège pour le leader et positive pour ses chasseurs !

Car ce « stop and go » au large de l’archipel brésilien de Martin Vaz et Trindade, perdu au milieu de l’Atlantique, est très coûteux ! Depuis une journée et demie, Alex Pella et Pepe Ribes rament littéralement sur un lac suisse : à peine un souffle de quelques nœuds venant de l’Est, prémices d’un retour des alizés, mais quand ? Probablement en soirée de ce mercredi, ce qui va lui ôter le leadership ce week-end au profit des « Brésiliens », mais aussi ce qui va le mettre sérieusement en ballottage avec Groupe Bel et Mirabaud de plus en plus visibles dans le rétroviseur…

Le peloton se regroupe
Car c’est aussi l’occasion pour les chasseurs de se refaire au classement : la bataille est de plus en plus intense entre Neutrogena, le plus à l’Ouest du groupe, Renault ZE au centre, et Gaes Centros Auditivos le plus à l’Est. Ce triumvirat est en cours de regroupement à l’horizon de la bulle anticyclonique qui implose devant leurs étraves. A quelques milles les uns des autres par rapport au but, ils vont normalement converger ces prochaines heures et pourquoi pas, naviguer à vue dès jeudi ! En sus, avec seulement une centaine de milles de retard sur Estrella Damm, ce qui leur ferait un gain de 200 à 250 milles en trois jours ! Et ils ne subiront en plus pas cet arrêt brusque au tropique du Capricorne…

150 milles plus loin, un autre trio navigue dans des conditions presque habituelles dans cette zone de l’Atlantique Sud : un alizé modéré le propulse à vitesse régulière vers l’île Gough et ils devraient sentir très prochainement un renforcement de ces vents d’Est. Les écarts vont donc rester stables entre la tête (actuelle) et la queue de la flotte jusqu’à la première porte des glaces ou presque. Notons toutefois que Hugo Boss reste le plus rapide des trois car le potentiel de ce bateau très puissant est mis en valeur dans ces conditions medium. Fermant la marche sur une route plutôt Ouest par rapport à ses prédécesseurs, FMC trace son sillon à bonne allure et ne devrait pas être distancé ces prochains jours. En attendant, la pleine lune de la nuit prochaine aura un goût de fiel pour le leader et une saveur de miel pour les « Brésiliens » !

Ils ont dit :
Pepe Ribes, Estrella Damm : « Nous savions que nous allions être pris dans la molle. Nous avons fait cinquante empannages cette nuit. Ce que nous avons vécu dans les calmes équatoriaux, nous le retrouvons ici. Une pétole totale qui nous bloque. Nous verrons ce qui arrive aujourd’hui, si cela passe par la droite. En fonction du vent que nous allons toucher, le classement pourrait bien varier. Nous pourrions rester scotchés pendant dix heures dans les calmes. Il reste 2 300 milles jusqu’à la porte des glaces, il peut se passer beaucoup de choses encore. Nous préparons les sacs pour anticiper sur les prochains jours plus froids... Nous passerons de 30°C à 10°C.
Techniquement, nous n’avons pas modifié notre façon de naviguer. Lorsque nous étions le long des côtes brésiliennes, nous avons couvert le maximum de bateaux possibles : sept dont trois qui sont partis sur la droite… »

Iker Martinez, MAPFRE : « Nous naviguons au près dans peu de vent sous code 0, cap au Sud. Nous étions en mode « furtif » pour faire de l’Ouest et, après réflexions, nous sommes revenus à l’Est. Nous verrons dans notre groupe qui sortira le premier des calmes.
Les problèmes de Virbac-Paprec 3 et de Foncia, avec leurs arrêts forcés au Brésil, les ont obligés à tenter une option par rapport au vent. Nous ne faisons pas la meilleure régate de toute notre vie, mais nous sommes tout de même contents. Xabi porte une amulette, de sorte que nous avons de la chance. Nous nous préoccupons de Foncia et Virbac-Paprec 3. En quelques jours ils pourraient nous mettre 500 à 1000 milles. C’est un moment clé de la course ! »

Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 : « Le mode furtif est intéressant car il permet d’avoir sa propre stratégie et les autres ne sont pas influencés par notre position. C’est un jeu assez sympa. Ça se passe bien et ici il y a de belles conditions de voile : j’adore l’Atlantique Sud, je sais pas pourquoi mais c’est un océan assez serein, on y trouve des paysages extraordinaires avec cette lune qui éclaire tout le pont la nuit. On compte en heures notre passage dans le grand Sud. On passe de conditions tropicales à des conditions froides et en une journée, on enfile les polaires : on savoure donc les moments en tee-shirts ! Nous ne sommes pas loin de la frontière entre l’Argentine et le Brésil et quand on passe près de ces pays, on imagine les bons steaks argentins car la nourriture lyophilisée commence à peser… Normalement le vent va rentrer pour tous les bateaux dans quelques heures et nous, on va rentrer dans des conditions plus musclées, plus sérieuses. »

Kito de Pavant, Groupe Bel : « La « boufigue » de Sainte-Hélène, c’est un peu laborieux car il n’y a pas de vent : c’est difficile d’avancer dans le Sud. C’est le deuxième Pot Au Noir : il fait très beau et même trop beau à notre goût, sans aucun grain. On espérait que ce petit système sans vent s’éloigne ou se reforme, finalement on est obligé de passer dedans : c’est un peu la soupe à la grimace ce matin. La pétole, on en a eu beaucoup depuis Barcelone entre la Méditerranée, Madère, les Canaries et maintenant l’anticyclone de Sainte-Hélène : ça commence à se faire un peu longuet… Je pense qu’Alex et Pepe sont un peu dans la même mouise que nous, et c’est malheureux pour eux car ils avaient une belle avance mais ils se font remonter par tout le monde : ça ne doit pas être facile à bord d’Estrella Damm. C’est pareil pour Groupe Bel car c’est dur de voir les copains de l’Ouest prendre la poudre d’escampette. On est à une vingtaine de milles de l’île de Martin Vaz et l’île Gough est par 40° Sud : ça nous paraît loin pour y aller car on compte tous les jours une journée de plus pour y arriver. Il faut prendre son mal en patience et on va faire en sorte de sortir de cette bulle sans vent en retrouvant du vent d’Est un peu fort pour descendre dans le Sud. Là, ça ressemble au lac Léman, mais on avance quand même un minimum. On est toujours à 90° du vent qui est plutôt Nord-Est. »

Classement du 19 janvier à 15 heures :
1 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 20 641 milles de l’arrivée
2 GROUPE BEL à 37 milles du leader
3 MIRABAUD à 56 milles
4 NEUTROGENA à 103 milles
5 GAES CENTROS AUDITIVOS à 108 milles
6 RENAULT Z.E à 111 milles
7 MAPFRE à 133 milles
8 FONCIA à 133,5 milles
9 VIRBAC-PAPREC 3 à 169 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 249 milles
11 HUGO BOSS à 275 milles
12 WE ARE WATER à 317 milles
13 FORUM MARITIM CATALA à 460 milles
ABN PRESIDENT

Source : Barcelona World Race