Crédit : Y Zedda / Virbac Paprec
Ralentir pour laisser passer le pire de la dépression devant les étraves ou bien pousser les feux de sa machine pour espérer avoir franchi la porte avant son arrivée et pouvoir mettre en fuite avec de l'eau à courir ? Loïck Peyron et Jean-Pierre Dick ont entamé une sorte de partie de cache-cache avec la dépression qui occupe leur esprit à la veille de franchir la porte de Crozet. Réponse dans les prochaines heures.
Pour d'autres, les choix sont d'ores et déjà faits : Dee Caffari et Anna Corbella doivent composer avec un régime de vents d'est qui les obligent à remonter vers des latitudes plus septentrionales au près. Un comble pour celle qui connaît les affres de cette allure inconfortable, inadaptée au potentiel des IMOCA 60. A quelque chose malheur est bon. Les filles de GAES Centros Auditivos se consolent en constatant qu'elles vont retrouver des températures en hausse et que l'exercice imposé du virement de bord et par conséquent du matossage d'un bord à l'autre demande suffisamment d'énergie pour avoir le droit de se gaver de chocolat sans craindre pour sa ligne... Même punition pour Forum Maritim Catala qui progresse tant bien que mal et vient de franchir à nouveau le méridien de Greenwich. De même, Central Lechera Asturiana progresse avec difficulté vers Cape Town, aux prises avec des vents erratiques.
Groupe Bel, quant à lui, a décidé de prolonger le week-end. Vent stable, ciel clair, le monocoque rouge file droit sur sa route sous pilote. Pendant qu'un des équipiers engrange du temps de sommeil à la bannette, l'autre peut confier la marche du bateau aux instruments et contempler un lever de soleil parfaitement serein sur les mers du sud... IL existe des débuts de semaine plus difficile.
Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 :
« Pour l’instant, nous allons avoir du vent calme pendant une journée et beaucoup de vent la journée du 1er février. Les conditions de ce matin sont un peu mieux qu’hier soir, mais c’est assez préoccupant, car il y a beaucoup de vent qui nous arrive dessus. Deux objectifs : passer la porte des Crozets et essayer de se diriger vers la porte suivante avec pas trop de vent et des conditions de mer pas trop extrêmes. Nous dépensons beaucoup d’énergie pour essayer de comprendre ce qui va nous arriver dessus. C’est une grosse dépression venant de Madagascar avec beaucoup d’air chaud tropical qui vient se réalimenter dans l’air froid. Ça a l’air assez violent. Nous essayons de nous reposer et bien préparer toutes les bricoles pour le coup de vent.
Quelque part, il y a une sorte de stress, car nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés et il y a des manœuvres à faire dans le gros temps donc ça peut engendrer une sorte d’angoisse. Les bateaux sont vraiment sollicités dans ce temps-là donc on navigue sur des œufs ! L’Indien est assez sauvage et ce sont des vents cisaillés et des fronts super costauds ! Donc j’espère que tout va bien se passer.
Par rapport à ce que nous avons vécu auparavant c’est un peu différent, nous sommes plus Nord car nous sommes dans les 42e et il y a des dépressions très fortes donc ça va être des conditions assez sauvages.
Je crois que c’est assez connu que l’océan Indien est le plus difficile, car les dépressions sont assez jeunes : elles viennent d’Amérique du Sud, très agressifs avec du vent de Nord ou de Sud très fort. Ça rend l’océan Indien un peu dangereux par rapport au Pacifique.
Toutes les 3h ou 4h quelqu’un est en charge du bateau et l’autre peut se reposer cela permettra d’avoir les idées claires dans le coup de vent. Nous avons un lit assez sympa avec bon duvet. Et malgré le bruit intérieur nous arrivons à dormir, car nous sommes immergés dans la course et dans le rythme océanique donc nous n’avons pas de mal à dormir alors que les conditions pourraient être inconfortables pour les personnes à terre. En ce moment, nous dormons 7h ou 8h par jour.
En double, nous arrivons à mieux dormir et surtout comme nous avons confiance en notre partenaire nous pouvons nous reposer alors qu’en solo nous sommes contingentés et nous nous mettons des alarmes, mais nous attaquons moins… La course en double fatigue autant.
Il peut y avoir des phénomènes d’accordéon. Une journée, nous pensions que le groupe juste derrière allait revenir sur nous. Il y a un facteur de chance, ça se joue à très peu de choses, il suffit d’avoir un bon angle de vent…
Pour nous, le plus important c’est de ne rien casser et de rester dans la course. Le bateau glisse bien, mais ce n’est pas toujours facile de garder le bateau intègre tout au long de la course. »
Iker Matinez, MAPFRE:
« Nous n’avons pas de chauffage, c’était une option qui nous semblait agréable, mais nous ne l’avons pas prise. Cela consomme du gazole et cela aurait alourdi le bateau.
La vie dans le bateau par rapport à la Volvo Ocean Race c’est différent : là bas c’est un peu comme le service militaire et tout le monde est réglé. Alors qu’à deux, nous sommes toujours en attention et nous dormons moins. Pendant la Volvo Ocean Race, nous dormions 4h sans nous arrêter alors que là, c’est 1h30, 30 min ou 2h mais jamais 4h !
En tout cas, ici, on continue et on fait du mieux que nous pouvons ! »
Source : PFB / Barcelona World Race