Barcelona World Race / Barcelone, le Grand Sud et autres confidences de Kito de Pavant et Sébastien Audigane (ITW)

Fidèle à elle-même, Barcelone est en effervescence à quelques heures de Noël. Pour Kito de Pavant et Sébastien Audigane l'heure est à la détente et à la réflexion car ils ne partent pas sur n'importe quelle course : la Barcelona World Race, c'est un tête à tête de 90 jours et 25 000 milles nautiques à travers le globe. De l'aventure pure et dure !

Crédit : G Martin Raget / Groupe Bel

Barcelone, la touristique, la festive et la sportive, a mis les bouchées doubles avec la FNOB (Fundacion Navegacio Océanica Barcelona – organisatrice de la BWR) pour accueillir les concurrents de cette seconde édition. Infrastructures géantes, gros moyens humains, cette organisation impressionne. On ne chôme pas non plus du côté de Groupe Bel. Ce week-end, l’équipe technique a débarqué en force afin de peaufiner les derniers détails. Hier, le monocoque s’est offert une sortie devant Barcelone pour valider les voiles notamment. Désormais, les deux marins profiteront en famille des fêtes de Noël. Avant qu’ils ne s’échappent, nous en avons profité pour leur poser quelques questions :

Barcelone a des allures de capitale européenne de la voile aujourd’hui, l’Espagne offre quoi de plus ?

Kito de Pavant : « Les Espagnols prouvent, sur tous types d’événements et quelque soit la discipline, qu’ils mettent toujours des moyens adaptés avec le sens de l’organisation et de la fête ! Pour la BWR, ils ont mis les petits plats dans les grands et nous sommes extrêmement bien accueillis. Il manque peut-être encore un peu de popularité par rapport à l’engouement du public français sur nos courses. Cela viendra avec le temps, ce n’est que la deuxième édition. »

Sébastien Audigane : « Cela en impose ! On se sent bien accueilli, dans de superbes infrastructures et je trouve qu’il y a beaucoup de journalistes et d’énormes moyens mis en place pour médiatiser la course. La course devrait être très suivie en Europe. Par rapport à nos courses, on constate une réelle internationalisation, personne n’est lésé, il y en a pour tout le monde que l’on soit anglais, français, espagnol ou autre d’ailleurs ! »

Quittons la terre. Le Grand Sud, que l'on y soit déjà allé ou pas, attire-t-il ou fait-il peur ?

Kito de Pavant : « J’ai une appréhension naturelle car je ne connais pas et l’ignorance mène aux doutes. Cela me parait très long un mois dans l’inconnu mais le Grand Sud, on s’en imprègne aussi des marins qui l’ont fait avant nous. Je me souviens des premiers Vendée Globe où les gars ne voulaient plus y retourner. Aujourd’hui, les navigateurs se font beaucoup plus plaisir là-bas, c’est un signe. Nous nous sommes adaptés grâce aux progrès en matière de communication ou d’équipement comme les vêtements par exemple (Kito et Seb portent des vêtements MarinePool) ! Ce n’est pas tout à fait la même aventure mais je reste néanmoins impatient d’aller voir. Je n’oublie pas non plus l’Atlantique qui va nous occuper pendant deux mois et, lui, je le connais bien. »

Sébastien Audigane : « C’est curieux, quand tu ne l’as jamais fait, tu es dans la légende. Je me souviens d’Olivier de Kersauson qui me demandait « tu as déjà été dans le Sud ? », ces quelques mots étaient lourds de sens. Cela semblait être le lieu de tous les dangers. Comme j’aime naviguer dans la brise au portant et les longues glissades sans fin, ces régions m’attirent. J’y suis allé deux fois et l’entrée dans les mers du Sud m’a marquée. A la perpendiculaire de Bonne Espérance, un matin tu te lèves, tu sais que tu approches du 38ème Sud, et les premiers Albatros apparaissent, la température baisse, ça accélère et c’est parti ! Je l’ai toujours fait en équipage donc la donne change en double. Ce n’est pas plus dangereux mais il faut appréhender les problèmes différemment et seul quand l’autre dort. J’aime naviguer là-bas. On ne peut pas s’imaginer à quel point le plafond est bas, à quel point tu es minuscule sur l’océan. Le plus dur, c’est le froid. Il faut soigner la vie à bord, se protéger les mains, etc. Et dans l’Indien, la mer est démontée. Tu ne peux pas faire ce que tu veux, un vrai chaos ! C’est aussi dangereux dans le bateau que sur le pont mais c’est tellement magique, ce sentiment de liberté absolue… »

Comment définiriez-vous « la complicité entre marins » ?

Kito de Pavant : « Ma priorité est d’être en phase tous les deux, que l’on se comprenne à chaque fois que l’on fait un geste. J’ai totalement confiance en Seb. Je sais que lorsqu’il est sur le pont, le bateau est bien réglé ! Tout cela est essentiel car sur une course de quelques semaines, tu peux privilégier l’expérience ou le côté technique d’un marin, mais sur la BWR, le relationnel prend toute sa dimension. »

Sébastien Audigane : « Entre Kito et moi, c’est à la fois une complicité d’hommes et de marins. En ce moment, c’est particulier, je sens que la pression monte mine de rien. Elle va s’intensifier jusqu’au départ et je n’aime pas trop ça. J’ai l’impression de tourner en rond. Je suis impatient d’être au 31 et en même temps ce n’est pas n’importe quel départ, on en prend pour 90 jours ! Je pense qu’en ce moment, on a tous les deux la même chose dans la tête mais on ne se le dit pas forcément, on se prépare à une longue période de « mi-solitude » en tête à tête. Quitter la terre, c’est quitter beaucoup de choses. L’une des principales différences, c’est qu’avant un départ, Kito a besoin d’être entouré, de sa famille, de son équipe tandis que moi, je suis plus solitaire. Paradoxalement, je serais plutôt du genre à m’isoler. »

Source : Beltchiztour