Crédit : J Vapillon / WOW Cap Istanbul
La route vers la Sicile promet d'être longue. Aux premiers milles avalés à grande vitesse, vont succéder des heures de veille à scruter les risées, à peaufiner le moindre réglage, à lutter sous le soleil contre l'endormissement. Les sirènes Méditerranéennes peinent à charmer les navigateurs engagés dans la WOW Cap Istanbul, tant ceux–ci savent que la moindre faute de concentration peut coûter cher. Alors, chacun trouve ses petites astuces pour gérer au mieux ces heures languissantes. La tenue tout d'abord : elle doit être confortable, légère et de préférence, recouvrir les extrémités et spécialement la tête. Le coup de bambou reste le pire ennemi du navigateur, surtout quand il vient, comme une grande part des solitaires, des latitudes nordiques de Bretagne ou de Normandie. Deuxième exigence, limiter les déplacements : chacun retrouve des gestes de chat pour se glisser dans la cabine pour jeter un oil sur les fichiers de vent envoyés par courriel par la direction de course, pour attraper quelque chose à grignoter, pour boire de l'eau en quantité. Les gestes sur les écoutes de spi se font délicats, les angles de barre sont réduits au maximum avec toujours la même obsession : ne pas casser la vitesse du bateau.
Bizuth et gros bras aux avant-postes
Crédit : J Vapillon / WOW Cap Istanbul
Enfin, il reste la tactique de rapprochement. A ce petit jeu des empannages, Gildas Morvan (Cercle Vert) et Francisco Lobato (Roff Tempo Team) ont pris un ascendant certain sur leurs adversaires. Pour Francisco, c'est une heureuse surprise, lui qui reconnaissait ne pas connaître les mers qu'allait traverser cette édition de la WOW Cap Istanbul. Pour Gildas Morvan, se retrouver aux places d'honneur est d'aut ant moins étonnant que la Méditerranée a toujours réussi à ce Breton pur beurre, qui parvient à démontrer ainsi qu'un ancrage fort auprès de ses racines ne signifie pas pour autant repli sur soi. Les deux navigateurs ont réussi à creuser un écart qui, s'il n'a rien d'irrémédiable, montre à quel point la Méditerranée peut créer des différences au sein même d'une flotte habituée des régates au couteau bord à bord. Derrière ces deux-là, quelques navigateurs restent en embuscade tel Eric Péron (Skipper Macif 2009), Erwan Tabarly (Nacarat), toujours aussi concentré et Nicolas Lunven (Generali) qui semble retrouver la sérénité et la vista qui l'avaient quitté lors de la dernière Solitaire du Figaro. Eric Drouglazet (Luisina) lui non plus n'est pas loin des avant- postes. Le skipper de Trégunc, dans le Sud Finistère, qui se verrait bien rééditer son très beau début de parcours dans la WOW Cap Istanbul 2008, semble montrer lui aussi une empathie particulière pour cette épreuve. Comme quoi, nul n'est prophète en son pays.
Ils racontent :
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « Ca va, ça va... Un bon départ, je suis un peu dans l'Ouest. Je suis resté avec Francisco Lobato toute la nuit mais j'ai empanné un peu tard. Il a réussi à passer devant ce matin. Il y a eu du mistral agréable pour aller vite dimanche après-midi. On a fait des pointes à 16-17 nœuds, c'était agréable mais il ne pas fallait oublier le ciré parce que ça mouillait sévère. La nuit a été belle, une belle Lune on voyait comme en plein jour. Un beau début de course. Mais ce matin il y a du vent faible, c'est un peu dur, dur, on ne va pas bien dormir. Là ça rentre un peu. J'ai réussi à faire une sieste de 20 minutes cette nuit mais depuis que le vent a molli, ça n'a pas été possible. Ce n'est pas évident parce qu'on nous annonce du Nord, de l'Est et du Sud. Avec ça tu peux te faire une idée précise de l'atterrissage. Plutôt que d'investir d'un côté ou de l'autre, c'est aléatoire, il vaut mieux aller tout droit et plus vite. »
Erwan Tabarly (Nacarat) : « Ce n'est pas facile quand on n'a pas beaucoup de vent comme ça...J'essaie de manier le bateau avec une certaine vitesse, ne pas faire en sorte de relancer, ce qui ferait perdre beaucoup de temps. Je dois chercher le minimum de vent... Là il y a deux nœuds seulement. Ce sont des conditions assez dures. Je n'ai pas encore eu vraiment le temps de me reposer, le vent a été assez instable cette nuit. J'espère trouver un moment pour le faire dans la journée. Le vent vient de passer Nord, je suis obligé de faire du babord. Après on verra bien, ça risque de passer à l'Est... Ces conditions ne sont pas propices au sommeil mais elles permettent que je mange. »
Nicolas Lunven (Generali) : « Là ça va, mais si ça dure toute la journée comme ça, je crois que ce soir on en aura marre. J'ai réussi à dormir dix minutes, ce n'est pas beaucoup, mais avec le vent qu'on a, ce n'est pas facile de se reposer. Il n'arrête pas de changer et je passe la journée à la barre. Le vent est instable donc on essaie de jouer avec le spi, d'adapter la trajectoire du bateau, de profiter d'une risée qui passe à ce moment-là. Dans ces conditions tu fais seulement ce qui est nécessaire et primordial. Donc boire et depuis le départ, j'ai mangé une tomate et deux tranches de cake aux fruits, ce n'est pas grand-chose. Mais cette situation ne va pas trop durer parce qu'on va attraper du vent d'Est ce soir ou dans la nuit. J'espère qu'il sera un peu plus stable que je puisse mettre le pilote et me reposer un peu. Et ranger le bateau, c'est un peu le vrac sur le pont. Y'a les fringues qui sèchent parce que hier après-midi ç'a été quelque peu humide. »
Relevé du 20/09/2010 à 18:00:00 UTC :
1 Francisco Lobato ROFF / Tempo-Team
2 Gildas Morvan Cercle Vert
3 Eric Drouglazet LUISINA
4 Nicolas Lunven Generali
5 Fabien Delahaye Port de Caen Ouistreham
6 Erwan Tabarly Nacarat
7 Romain Attanasio Savéol
8 Anthony Marchand Région Bretagne
9 Ronan Treussart Lufthansa
10 Eric Péron Skipper Macif 2009
Source : WOW Cap Istanbul