WOW Cap Istanbul / La querelle des anciens et des modernes

La porte de l'île du Toro a livré son verdict : la première partie de cette étape Méditerranéenne a déjà creusé des écarts considérables. Derrière Gildas Morvan (Cercle Vert), leader impérial, quelques ténors de la série Figaro Bénéteau se partagent l'honneur de mener la chasse avec une meute de jeunes aux dents longues.

Cédit : J Vapillon / WOW Cap Istanbul

Si l'on considère le seuil d'une heure comme une limite raisonnable au delà de laquelle il est difficile de prétendre à la victoire sur cette étape, ils ne sont plus que sept à espérer encore voire les jetées de Ragusa en vainqueur. Même si l'on sait que la Méditerranée est capable de bien des caprices, il est indéniable que Gildas Morvan et ses poursuivants immédiats vont tout faire pour mettre sous le boisseau les prétentions du reste du peloton.Le leader de la course s'est présenté ce matin vers 11 heures (TU+2) à la porte du Toro, à la pointe Sud-Ouest de la Sardaigne, nanti d'une avance de près d'une demi-heure sur son dauphin, Nicolas Lunven (Generali). Le jeune navigateur qui semble avoir retrouvé tout son allant, précédait de quelques minutes un duo compact composé de Fabien Delahaye (Port de Caen Ouis treham) et d'Erwan Tabarly (Nacarat). Une dizaine de minutes plus tard, un nouveau trio, à savoir Eric Drouglazet (Luisina), François Gabart (Skipper Macif 2010) et Francisco Lobato (Roff Tempo Team) leur emboitaient le pas. Soit au final, trois vieux routiers du circuit accompagnés de quatre valeurs montantes de la classe Figaro Bénéteau. Comme si la Méditerranée ne voulait donner leur chance qu'à ceux qui pouvaient faire valoir leur expérience ou leur fraîcheur, c'est selon.

Une entrée en matière sélective
Car cette première partie d'étape avait de quoi donner du fil à retordre aux navigateurs : la descente sous spi dans un reste de Mistral opérait déjà une première sélection entre ceux qui arrivaient à donner leur pleine mesure et ceux qui, insensiblement, lâchaient du terrain sur un s urf mal maitrisé, une écoute de spi reprise un peu trop tardivement. Sans transition, les gros bras ont dû se transformer en traqueurs de petits airs, savoir jouer tout en finesse pour accrocher une risée, conserver l'erre du bateau, tout en choisissant le bon côté du plan d'eau. Enfin, en guise de dessert, la flotte a redécouvert les charmes de la navigation au près, dans un vent oscillant entre le Sud et l'Est, agrémenté de quelques effets de site le long des côtes de Sardaigne. Bref, il y avait de quoi y perdre son latin même pour un habitué de la Mare Nostrum. Ces différentes phases contribuaient à l'élimination progressive des prétendants à l'exception notable de Fabien Delahaye qui, de son propre aveu, n'avait pas trouvé la bonne carburation dans la brise et réussissait à force d'opiniâtreté à revenir au cont act des premiers dans le petit temps.

A quitte ou double
La deuxième partie ne s'annonce guère plus simple : le dilemme que vont devoir affronter les navigateurs est clair, ce qui ne garantit pas sa simplicité. Avec un vent annoncé à l'Est, la tentation est grande de prolonger le bord bâbord amure qui amènera les navigateurs légèrement au Sud de la route directe. Et ce d'autant que le vent risque d'être un peu plus fort au Sud. Mais dans le même temps, les prévisions annoncent une rotation des vents au Nord-Est. Partir dans le Sud signifie risquer de devoir se retrouver pour la fin de parcours avec un vent de face. Se recaler dans le Nord, c'est aussi prendre le risque de tomber rapidement dans des régimes de vents faibles. Jouer la force ou la direction du vent, c'est le choix qui s'offre aux navigateurs qui en ont connu de plus simples. Les vertus de l'exp érience l'emporteront-elles sur les audaces de la jeunesse. Première réponse à la pointe de Sicile avant le dernier sprint vers Ragusa.

Ils racontent :
Gildas Morvan (Cercle Vert):  la route est longue
"Ce n'est pas facile, les vents sont très très instables et en force et en direction et il y a des zones de pétole. Cette nuit, il fallait être sur le qui vivre, constamment barrer, régler, empanner. C'était très usant et dans ces conditions là bien sûr on ne peut pas dormir. Heureusement le vent est rentré en fin de nuit et après on a pu dormir un petit peu. J'essaie de rester assez Sud depuis le départ, décalé un peu Ouest et Sud. On a eu du vent d'Est en début de nuit avec une rotation au Sud dans la nuit et retour à l'Est ce matin. Il fallait au mieux négocier ces deux bascules et c'est ce que je m'efforce de faire du mieux possible. Ca n'a pas trop mal marché parce que j'ai réussi à creuser un petit peu par rapport au petit paquet qui est derrière moi. Quand le vent est très instable, sous spi on est quasiment obligé de barrer tout le temps. Alors que quand on est au près, le bateau marche hyper bien sous pilote. On le laisse donc barrer la nuit et on peut aller dans la couchette au vent se reposer et même si ça cogne et ça tape, on est quand même bien allongé, donc on arrive à dormir sereinement. Je vais essayer de réfléchir pour la suite, pour aller jusqu'à Ragusa. La route est longue et en plus le vent va mollir. Mais ça ne s'annonce pas évident".

Francisco Lobato (ROFF / Tempo-Team): Plus agréable que l'Atlantique
"La nuit a été un peu intense parce que même si le vent a faibli, il était toujours très instable donc il fallait toujours être sur les écoutes et à la barre en réglant les voiles. Mais j'ai quand même pu dormir quatre fois dix minutes, donc quarante minutes au total. J'ai vu aussi une grosse différence par rapport à l'Atlantique, c'est moins humide, plus chaud, beaucoup plus agréable. Après la Solitaire du Figaro on a eu seulement trois semaines pour se reposer. Je ne me suis pas vraiment posé mais avec l'adrénaline on arrive toujours à repousser nos limites. On ne sait jamais trop ce qu'il va se passer, quel coup va arriver. On a déjà en vu en début de course le positionnement des bateaux ; à un moment il y en a un qui est devant, après c'est l'autre. Là je suis devant mais il y a encore beaucoup de milles jusqu'à l'arrivée. On attend que le vent refuse et tourne à l'Est. Je pense que je suis bien positionné mais on ne sait jamais..."

Jeanne Grégoire (Banque Populaire): C'est parti à la Méditerranéenne !
"Le début c'était top avec le reste de Mistral. On allait vite, au largue. Le bateau volait sur les vagues, il y avait de la recherche de réglages à faire donc forcément c'était vraiment passionnant. C'est un moment où j'allais bien donc forcément c'est toujours mieux ! Après, ça a commencé à partir à la Méditerranéenne comme prévu et au lieu de rester avec tout le paquet avec lequel j'étais bien, j'ai décidé de partir un peu toute seule dans mon coin alors que je m'étais promis de ne pas le faire sur cette course. Mais on ne se refait pas, j'ai des idées et je n'arrive pas à aller contre. Hier c'était une grosse journée dans la molle sous le soleil, on a travaillé le bronzage sans démarcation, ce sera parfait pour la petite robe à Istanbul. C'est toujours ça ! Aux abords de la Sardaigne, je ne sais pas pourquoi François Gabart s'en est sorti et pas moi. Je pense que j'ai mal géré un truc sur la fin de nuit, un nouveau passage de nuages, ou je ne suis peut-être pas allée chercher le refus à terre assez tôt. J'ai loupé un coche et je le paie cher avec une heure et demie sur le premier et environ une heure sur le deuxième et le troisième. J'espère surtout qu'on va aller au bout de la manche pour faire le maximum pour revenir, parce qu'il reste un bout de route. J'ai ma VHF qui ne porte pas et du coup je n'ai pas de contact avec les autres. Je vais être une vraie pipelette arrivée à terre..."

Relevé du 21/09/2010 à 14:00:00 UTC :
1 Gildas Morvan Cercle Vert
2 Nicolas Lunven Generali
3 Fabien Delahaye Port de Caen Ouistreham
4 Erwan Tabarly Nacarat
5 François Gabart Skipper Macif 2010
6 Eric Drouglazet LUISINA
7 Francisco Lobato ROFF / Tempo-Team
8 Anthony Marchand Région Bretagne
9 Romain Attanasio Savéol
10 Ronan Treussart Lufthansa

Source : Cap Istanbul