Crédit : Courcoux Marmara / Le Figaro
Des pépins sous pépin
Le Fastnet enroulé la nuit dernière après une furieuse bagarre au ras des splendides côtes irlandaises, les solitaires ont lâché les chevaux avec la bascule au nord-ouest : sous spi, ils ont dévalé la mer Celtique à grande vitesse, surfant à plus de 11 nœuds de moyenne, pointes à 18. Pour garder un meilleur angle, et donc de la vélocité, leurs trajectoires dessinent une belle sinusoïde, juste avant de doubler le travers de Bishop Rock, marque de parcours qui interdit cette fois le passage dans les îles Scilly, à la pointe Sud-Ouest de l’Angleterre.
Sous pépin et à fond, voilà le résumé de la situation générale. Côté pépins dans l’autre sens du terme, un d’importance est survenu ce matin : Jérémie Beyou (BPI), premier candidat au podium avec sa 4e place au classement général provisoire, est parti dans un départ à l’abattée. Il y a cassé son tangon et déchiré son grand spi… avant de réussir à le réparer au prix d’un bricolage digne d’un MacGyver de la mer. D’autres petits ennuis sont avoués au fil des vacations : drisse cassée pour Sébastien Josse (Vendée), palan de grand voile abîmé pour Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), cocotier de spi pour Louis-Maurice Tanyères (ST Ericsson), « figure de style d’un autre monde » pour Romain Attanasio (Savéol), etc. L’empannage en solo dans 25 nœuds de vent et des talus de mer laisse forcément quelques traces.
Beaucoup d’écart latéral
Reste l’énorme plaisir de la glisse, salué par tous. Ces surfs furieux, sensuels et grisants, quand la quille chante et que le bateau vibre de partout. Reste encore le sel de la course, de la stratégie. En cette ultime occasion d’améliorer son classement, chacun cherche à attaquer, à différentes longitudes. Une bonne quinzaine de bateaux est ainsi écartelée sur plus de 20 milles nautiques entre le plus Ouest (Adrien Hardy, Agir Recouvrement) et le plus Est, à savoir l’Italien Pietro D’Ali (I.Nova 3). Entre ces deux extrêmes, quelques milles sur le tribord des cinq bateaux leaders pré-cités, un autre tiers de la flotte joue la carte « plus de route mais plus de pression ». On y trouve entre autres Yann Eliès (Generali-Europ Assistance) et des toujours prétendants au podium final comme Jeanne Grégoire (Banque Populaire), Erwan Tabarly (Nacarat), ou encore Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham).
Toute la flotte vise un point en milieu de Manche pour déclencher le deuxième grand empannage de la journée – entre 20h et minuit - et « descendre » ainsi vers la marque Lizen Ven, près de l’île Vierge. Là, on verra qui a eu raison avant d’entamer (dans un vent mollissant qui se renforcera ensuite dans les îles anglo-normandes, à l’approche d’un nouveau front) les 140 derniers milles vers Cherbourg-Octeville. Où l’organisation a gaiement sorti les parapluies pour se préparer à accueillir les premiers, dans la soirée de demain mercredi.
Ils ont dit :
Jérémie Beyou (BPI) : « Ca va pas terrible. J’allais bien sous pi, j’étais derrière Armel, devant Gabart et dans l’empannage, pendant que j’étais devant, le pilote est parti en vrille et je suis parti à l’abattée, le tangon dans l’eau, le spi dans l’eau, cassé le tangon, le spi chaluté, bien déchiré donc voilà... Tu ne peux pas t’attacher si tu veux aller vite, mais bon, tu fais gaffe. J’ai réussi à réparer le grand spi, je l’ai fait chauffé sur le moteur, lavé à l’acétone, mis de l’Insigna (tissu autocollant) tant bien que mal et là je viens de le renvoyer. Ca a l’air de tenir mais j’ai pris une « petite valda » (une pilule, une claque, ndr). C’est pas terrible pour l’instant mais ce n’est pas fini. Avec mes histoires je ne me suis pas mis à la table à carte depuis un paquet de temps. Selon comment est le courant, ça peut jouer. Après, les premiers vont peut-être aussi tomber dans moins de vent avant nous. Je les vois encore devant donc il faut y croire. Je ne me suis pas du tout reposé depuis le départ. Là, ça se calme un peu. Peut-être que d’ici ce soir, on pourra s’allonger un peu. Ce serait pas mal. Ca fait mal au dos ces histoires. Il y a du soleil, donc c’est plus facile pour rester éveillé mais si on ne dort pas là, la nuit prochaine sera dure ! "
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « Le début de course s’est bien passé pour moi. Pour l’instant ça file droit vers la Bretagne bâbord amure avec pas mal de vent encore. C’est une course de vitesse. Je ne sais pas si certains ont empanné avant et sont plus dans l’Est… On a fait des beaux surfs, des pointes à 18 nœuds et puis là, le vent a un peu refusé alors on a un super angle pour aller vite : on est toujours au dessus des 11 nœuds, là, je suis à 14-15. Pour la traversée de la Manche, le vent va commencer à mollir et va un peu tourner à l’ouest : on va finir vent arrière avec quelques empannages. Je suis avec un paquet de trois ou quatre bateaux à se bagarrer donc, il y a du match, on reste concentré sur la vitesse du bateau, et ça permet de garder le rythme. J’ai eu un petit coup de mou ce matin, mais le fait d’aller vite permet de rester concentré à la barre. Il y a des surfs à prendre. J’espère que ça va mollir pour aller faire des petites siestes avant la nuit. Je reste vigilent pour ne pas abîmer le spi et le bateau. »
François Gabart (Skipper Macif 2010) : « J’avoue que c’est très sympa pour le moment. Je ne sais pas comment est répartie la flotte, mais là, on est un petit groupe de 4 bateaux avec Eric, Armel et Corentin à se tirer la bourre. Je suis plutôt en confiance le bateau va vite. J’allais vraiment vite ce matin mais depuis une demi-heure j’ai un peu reperdu du terrain sur Armel et Eric ».
Position du jour à 16h :
1 DOUGUET Corentin E.LECLERC MOBILE
2 PERON Eric SKIPPER MACIF 2009
3 GABART François SKIPPER MACIF 2010
4 ROUXEL Thomas Crédit Mutuel de Bretagne
5 * LOBATO Francisco ROFF/Tempo-Team
6 MORVAN Gildas CERCLE VERT
7 D'ALI Pietro I.NOVA
8 DELAHAYE Fabien PORT DE CAEN OUISTREHAM
9 BEYOU Jérémie BPI
10 de PAVANT Kito GROUPE BEL
LE CLEAC'H Armel BRIT AIR non localisé à 16h
Source : La Solitaire