Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
On craignait un départ laborieux et poussif, on a eu droit en échange à un spectacle magnifique. Oh certes, ce n’étaient pas les grandes vitesses, mais le vent - 8 nœuds de secteur nord, puis nord-est – était suffisant pour faire évoluer dans de bonnes conditions les 45 solitaires en route vers Brest via la bouée SN1 (à ce propos, la longueur officielle du parcours de cette deuxième étape a été recalculée à 385 milles). Entre les vertes falaises de Gijón, devant sa grande plage, les marins s’en sont donnés à cœur joie. Trop gourmands sur la ligne de départ, cinq d’entre eux étaient d’ailleurs rappelés à l’ordre et devaient réparer : Sébastien Josse (Vendée), Erwan Tabarly (Nacarat), Jeanne Grégoire (Banque Populaire), Jérémie Beyou (BPI) et Pietro D'Ali (I.Nova-3). Ils s’exécutaient dans les cinq premières minutes de course.
Yann Eliès en éclaireur
Sous un soleil radieux, Yann Eliès jouait l’idôle des houles (légère, bleutée) dès les premières encablures. Impressionnant d’aisance et de vitesse, le skipper de Generali-Europ Assistance prenait rapidement une bonne quinzaine de longueurs d’avance sur le paquet, devançant à la bouée de dégagement Seamobile Alexis Loison (AllMer Ineo-GDF-Suez) et Laurent Gouezigoux (Trier c’est préserver). A cette bouée, le public espagnol - qui pouvait suivre la course depuis la falaise de la vieille ville - a vu fleurir les spis multicolores, pour un bord de largue serré splendide, bouquet éphémère offert par les marins. Comme pour remercier la cité des Asturies de son accueil, toujours aussi chaleureux.
Quelques minutes plus tard, à la bouée Radio France, le trio de tête était inchangé… poursuivi par la meute où on apercevait en pointe Kito de Pavant (Groupe Bel, 4e), Nicolas Jossier (Impulsion-Entreprendre en Pays Granvillais, 5e) et Eric Drouglazet (Luisina, 6e). Comme un avant-goût en accéléré des nombreux changements de voiles qui attendent les solitaires sur cette étape, les spis étaient alors affalés et les génois envoyés. La flotte mettait cap au large en tribord amûre, dans un vent qui avait pris de l’Est sous l’influence de la brise thermique espagnole.
Un départ idéal, donc… pour un seul bémol : les cumulus d’horizon s’affaissaient alors, signe probable des abords de la dorsale anticyclonique et des vents faibles qui lui sont associés. En ce sens, la soirée ou le début de nuit pourraient bien s’avérer complexes. Il faudra trouver le bon point d’entrée… et surtout la sortie de cette dorsale, avant de toucher derrière du vent de nord-ouest modéré qui permettra de lâcher les chevaux vers l’estuaire de la Loire. Après deux heures de course, les idées étaient déjà bien différentes dans la flotte, chacun préparant les prémices de son choix de longitude, plus ou moins Est ou Ouest. Dès demain matin, le pointage livrera son premier verdict. A 16h30, le vent tombait déjà légèrement aux environs de 6 nœuds sur la zone de course.
Ils racontent :
Yann Eliès (Generali-Europ Assistance), 1er au passage de la bouée Radio France : « J’ai eu un peu de chance au départ : j’étais à côté de ceux qui ont eu un rappel individuel et du coup, ça m’a laissé de l’air pour partir. On était dans une zone un peu bizarre entre le synoptique et le thermique et il se trouve que c’est bien passé sur mon côté. On fait route vers Saint-Nazaire en essayant d’éviter la dorsale qui est vraisemblablement dans notre nord. C’est vrai qu’on est partagé entre faire le bord rapprochant vers la marque ou couper la dorsale au plus court. Nous n’avons pas tous la même vision des choses. Verdict demain matin. Pour l’instant, on profite encore du beau temps espagnol car demain après-midi, ce sera embruns et casque lourd. »
Ronan Treussart (Lufthansa): « Il va d’abord falloir se sortir de la dorsale. Après on sera sauvé ! Je vais continuer de bien me reposer et m’alimenter correctement. Si l’étape n’est pas trop longue en distance, elle peut être un peu longue en temps. A SN1, il pourrait déjà y avoir des écarts donc ça va se jouer en partie dans le golfe. Je vais essayer de naviguer proprement et de rester lucide pour les passages clés. A fond ! »
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « La première étape s’est plutôt bien passée pour moi, je vais essayer de continuer dans cette veine-là. Cette fois on va sans doute devoir sortir le ciré de large, même si ce ne sera pas du sous-marin non plus ! Normalement, on va avoir droit à de la pluie battante et du vent, on va être un peu trempés mais normal quoi… L’idée c’est d’abord de ne pas se faire lâcher par le paquet, après on verra bien dans le côtier final en Bretagne… on s’adaptera quoiqu’il arrive. »
Source : La Solitaire