Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
« Je vois bien ça comme un sprint avec peu d’écart au final » résume Yoann Richomme(DLBC), 2e bizuth à moins de 4 minutes d’Anthony Marchand (Espoir Région Bretagne). « Il y plein de choses qui ne sont pas écrites dans les fichiers. Personne n’est serein, même pas les premiers » prévoit au contraire Kito de Pavant (Groupe Bel), 10e du classement général. Ce que l’on sait, c’est que cette troisième étape sera rapide. Avec ses 349 milles, c’est déjà la plus courte du programme 2010. Et le contexte météorologique est favorable à une vive progression jusqu’au but. Mercredi soir, au terme de deux jours et demi de mer les premiers concurrents pourraient atteindre Kinsale, charmante station touristique du sud-ouest de l’Irlande dans le Comté de Cork.
A contre-courant dans le goulet
Le lancement du troisième épisode de notre saga estivale aura lieu à 14 heures en rade de Brest, sous la bruine et dans un vent d’ouest-sud-ouest de 5 à 9 nœuds… tout juste de quoi étaler le fort courant de face (jusqu’à 4 nœuds) qui contrariera la progression des Figaro Bénéteau 2 pendant les trois premières heures de course. Le petit parcours côtier entre la pointe des Espagnols et la cardinale du « Renard » sera coton, ce qui inspire à Alexis Loison (AllMer Ineo GDF Suez), Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) la remarque suivante : « s’il y avait une difficulté dans ce parcours, ce serait la sortie du goulet à contre-courant ».
Après le chenal du Four puis le passage de la grande Basse de Portsall (à bâbord), la flotte sera en route pour une traversée de la Manche au largue serré, dans un vent de sud-ouest qui fraîchira progressivement jusqu’à atteindre les 20 à 25 nœuds au passage des Scilly mardi matin.
En dehors du rail des cargos à franchir et du choix de voiles à opérer (spi lourd ou léger voire génois), cette grande ligne droite de 90 milles jusqu’au phare de Wolf Rock (à laisser à bâbord) est sans entourloupe. « A priori, la traversée de la Manche ne présente pas de grosses difficultés, sauf qu’il faut aimer la pluie » commente avec malice le méditerranéen Kito de Pavant. Au large de la Cornouaille, un front froid va ensuite succéder au front chaud et le vent basculer au nord-nord-ouest, pile sur les étraves. C’est le début d’une nouvelle phase de navigation au près dans 10, puis 15 et jusqu’à 20 nœuds de noroît, sans doute la portion la plus délicate du parcours.
Celtique tactique
« Ils seront au près avec le vent dans l’axe, il va y avoir un timing de bascules à négocier avec plusieurs virements. La difficulté sera de caler ces virements au bon moment » explique Paul Meilhat, absent cette année faute de budget mais en charge de la météo pour un groupe de coureurs. Le louvoyage durera 170 milles, jusqu’au célèbre phare du Fastnet, autre carrefour important de cette troisième étape. Les 44 solitaires devraient doubler le rocher mercredi après-midi sous le soleil retrouvé. Il leur restera 45 milles jusqu’au finish. D’abord vent de travers jusqu’à la pointe de Old Head puis au près pour les dernières longueurs en baie de Kinsale. Ce sera un peu le bouquet final sous les falaises du sud-Irlande que l’on imagine déjà inondées de lumière pour saluer les marins dans leurs ultimes efforts.
Les marins racontent
Anthony Marchand (Espoir Région Bretagne) : « Cette troisième étape va être a priori assez rapide. Le plus important je pense est de ne pas prendre de retard sur l’entame, car ensuite, ce serait très dur de revenir, et ce au moins jusqu’au Fastnet. Il faudra être bien concentré sur la vitesse et veiller à être frais pour le final, où des écarts peuvent toujours se faire ou se défaire. Je ne pense pas qu’on va se contrôler avec Yoann (Richomme) pour le classement bizuths, ce serait une erreur car si on fait ça je pense qu’on fait au mieux entre 15e et 20e, alors que l’idée c’est quand même de faire une étape dans les 10 premiers, pourquoi pas dans les 5 si l’occasion se présente. A la limite, peut-être qu’il y aura d’avantage de contrôle entre nous sur la dernière étape, mais pas sur celle-ci. »
Jeanne Grégoire (Banque Populaire) : « Il faut se faire mal sur la Solitaire. Se faire un petit peu mal sur la première étape, c’est bien, mais il faut se faire encore plus mal pour pouvoir raccrocher derrière comme sur la deuxième étape. C’est un peu ce que j’ai fait, forcé le niveau de jeu, dormi un petit peu moins, moins se dire « il faut gérer le long terme ». L’étape était plus courte aussi. Mais oui, sur la Solitaire, ça marche si on se fait très mal. Tout le monde me dit que je suis dans le coup, moi, je me sens comme d’habitude. Sauf que je suis un petit peu plus malheureuse que d’habitude car ma fille me manque beaucoup quand je suis à terre. Heureusement, ici, j’ai pu rentrer à la maison.
Mais oui, je me sens bien sur l’eau ! Cela dit, je suis à 5 minutes du 4e (Jérémie Beyou) mais je n’ai que 30 minutes sur le 14e donc il ne faut pas s’emballer. »
Romain Attanasio (Savéol) : « Cette troisième étape s’annonce plutôt bien : pas de panne de vent prévue, au moins ! Mais je me méfie : les deux premières, avec tous les « cap Horn » de France plus de la pétole au programme, n’ont pourtant pas entrainé de si grands écarts… et tout ce qui était annoncé comme passages à niveaux a même eu tendance à resserrer la flotte. Alors sur celle-là, qui est la plus courte, méfiance ! Il faudra d’abord bien se sortir du départ, avec du courant contraire à la route, être dans le bon paquet jusqu’aux Scilly, puis tirer les bons bords, au près en mer Celtique. Attention aussi aux 50 derniers milles sous la côte sud irlandaise… j’espère qu’on ne se retrouvera pas tous plantés devant la ligne de Kinsale, comme à Dingle. L’expérience prouve que beaucoup de choses peuvent se jouer là-bas. A part ça, je trouve incroyable le niveau des bizuths et des prétendus « jeunes » : j’ai connu des Solitaire où j’étais mécontent de ne pas être dans les dix premiers… maintenant j’ai l’impression que se maintenir dans les 20 est déjà un exploit ! Dans les centres d’entraînement, ils mettent un an à acquérir ce qu’il nous fallait 10 ans pour apprendre. Avant, il y avait d’une part les anciens et d’autre part les jeunes… maintenant on a des « faux jeunes ! »
Source : La Solitaire