Crédit : JM Liot / TFV 2010
Il sourit. Au moment de couper la ligne, à 10h23 ce matin devant le port de Lorient, Bertrand Pacé félicite son équipage. Avec retenue. Peut-être qu'il accuse un peu le coup, ces quelques 200 milles parcourus en deux jours, à 4,54 nœuds de moyenne, mais la performance n'en est que plus belle. Nouvelle-Calédonie a été magistral ! Gildas Morvan, navigateur et Figariste d'expérience, y est sans doute pour quelque chose. Au ponton, Pacé s'avoue « content d'avoir gagné cette manche, content pour Gildas et pour moi qui avais déjà gagné le tour de Bretagne la dernière fois que j'étais sur le Tour de France à la Voile. » Et le barreur, toujours réservé, de relativiser. « Une journée de trois bananes et trois mauvais résultats, et cette avance fondra assez vite ! Aujourd'hui, nous avons eu de la chance. Tout a tourné en notre faveur. »
De la chance, il en fallait bien pour dompter les petits airs de ce ralliement, l'absence de vent, les bascules et les renverses de courant. Jimmy Pahun l'avoue : « En bateau, rien de pire que pas de vent ! » La formule est simple et la déception un peu perceptible dans la voix du skipper breton. Pourtant, trois minutes après le vainqueur, Ile-de-France 2010 fait un beau deuxième ! A Lorient, Pahun est accueilli chez lui et démontre la bonne forme de son équipage. Avec Nicolas Bérenger à bord et Jeff Cuzon comme navigateur, il attaque fort et accède à la troisième place du podium provisoire.
20 minutes plus tard, Groovederci prend la troisième place. La flotte est très étalée mais 21 autres concurrents coupent la ligne à temps, dont Manche - Basse Normandie, quatrième, et Courrier Dunkerque, cinquième. Supelec, Brunel et Nantes - St Nazaire abandonnent. Pour tous, la même fatigue, le même soulagement. Et le même coefficient trois pour cette course-étape d'importance, qui conforte Nouvelle-Cal en tête au général, suivi de Courrier Dunkerque (38 points derrière) et d'Ile-de-France 2010, à égalité de points avec TPM - COYCH. Ville de Genève - Carrefour Prévention, dixième aujourd'hui, reste en tête des amateurs. Et CSC - HEC - Ecole Navale, sixième à Lorient, prend la tête des étudiants.
Le 28e Farr 30, Région de Bruxelles - Capitale était quant à lui encore à terre pour réparations. Il devrait retourner à l'eau demain. Juste à temps pour le tour de l'ile de Groix, prévu ce samedi à midi et ouvert aux bateaux en HN !
Ils ont dit
Bertrand Pacé, skipper de Nouvelle-Calédonie :
« Une course extrêmement longue, dans la pétole, et relativement incertaine parce que nous ne savions pas trop d'où le vent allait rentrer. Nous l'estimions au Nord-Ouest, c'est ce qu'il a fait. Nous nous sommes retrouvés en tête assez vite et il a fallu gérer l'avance. Ca a fait un peu l'élastique avec nos adversaires. Finalement, quand le vent est vraiment rentré, nous étions avec Ile-de-France et avons réussi à rester devant eux jusqu'à la fin. Ils ont failli nous passer deux ou trois fois ! A bord, même si c'était difficile de dormir, j'ai poussé fort pour que nous nous reposions le plus possible. Je me doutais que la fin serait longue. Nous étions à trois sur le pont seulement. D'ailleurs, dans le petit temps, c'est très bien d'avoir l'équipage à l'intérieur pour que le bateau bouge moins. Célébrer ? Nous allons dormir cet après-midi. Ce soir, nous irons au restaurant boire une bonne bouteille et manger quelque chose de différent ! »
Donatien Carme, numéro un d'Ile-de-France 2010 :
« Une belle étape, assez longue parce qu'il y avait de la distance et peu de vent. A l'avant du bateau, dont je m'occupe, il y avait pas mal de choses à faire ! Avec du vent variable, on change de voiles, on envoie des génois différents, on change le petit spi pour le grand spi, et on recommence. Un truc très rigolo aussi, c'est le mouillage. Quand il n'y a plus de vent et que le courant s'inverse, qu'on l'a en face de nous, et qu'on n'arrive plus à avancer, il faut mouiller. Et nous avons mouillé plusieurs fois. Oui, des conditions difficiles ! C'est un peu compliqué de ne rien lâcher et de regarder le vent, les nuages, les risées sur l'eau, les prévisions météo. C'est éprouvant nerveusement. Physiquement, aussi : après deux nuits en mer, nous avons peu dormi et nous sommes tous un peu cramés. Nous avions mis en place un système de quarts à bord pour toujours avoir du sang frais, pour rester lucide jusqu'au bout ! Et effectivement, ça a été serré jusqu'à la fin. Nous n'avons pas réussi à dépasser Nouvelle-Calédonie, mais ce n'est pas n'importe qui ! S'échapper du peloton avec un bateau comme ça et être au contact avec eux permet de se surpasser. C'était bien pour l'intérêt de la course qui ne s'est pas résumée à un long convoyage dans la pétole. »
Jérémie Beyou, navigateur de Groovederci :
« Troisièmes ? Nous espérions ça depuis quelque temps ! Notre équipe fonctionne ensemble régulièrement, mais sur d'autres supports - Farr 40, Melges, ... Elle n'avait pas fait le TFV depuis 2004. En venant, nous savions que nous allions nous frotter à des gens qui connaissent le format par cœur. Nous étions plein d'ambitions, mais savions que la tâche serait ardue. Faire dans les trois sur l'étape la plus relevée, la plus longue : oui, tout le monde à bord est très content ! Ca y est, nous avons trouvé nos réglages et notre cohésion. Philippe Mourniac, qui fait la tactique, et moi, nous parlons un peu moins anglais que les autres et sommes des pièces rapportées. Il faut s'intégrer à leur état d'esprit, à leur fonctionnement. Puis il faut tirer les bons bords, mouiller au bon moment. Pour l'anecdote, nous avons mouillé devant Perros-Guirec - ma ville d'adoption ! Et dans ces conditions, il faut aussi un peu de chance. J'espère que c'est un nouveau départ pour nous sur ce TFV ! »
Source : Tour Voile