Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
Sous spi depuis 36 heures, les 45 solitaires se hâtent lentement. Le scénario de la veille qui prédisait une procession d’escargot dans le golfe de Gascogne a fait long feu. Finalement, la dorsale qui poursuit la flotte n’est pas si virulente et, si elle a provoqué quelques ralentissements pour les concurrents les plus à l’ouest, il n’y a pas eu d’arrêt buffet total. Dans un vent de d’est-nord-est de 6 à 7 nœuds, on est certes très loin de l’excès de vitesse, mais au moins, les Figaro Bénéteau 2 avancent. Le souci de la grosse pétole évacué, reste celui de la fraîcheur pour dérouler les 65 derniers milles jusqu’à Gijón, terminus de cette première étape. Car, parole de marin, ils se sont tous mis dans le rouge pendant les 48 premières heures de course.
Hallucinant !
« Après le raz de Sein, j’étais très très fatigué et je commençais un peu à faire n’importe quoi » raconte le leader Armel Le Cléac’h (Brit Air). « Je m’écroulais littéralement dans le bateau » confesse Jonny Malbon (Artemis). Adrien Hardy, lui, se voyait cerné de toute part par les algues alors qu’elles ont disparu depuis Ouessant... Le requin heurté cet après-midi par Groupe Bel est-il lui aussi le fruit d’une hallucination de Kito de Pavant ? Certainement pas. Mais ce dernier avoue quand même avoir fait « un coma de 5 heures d’affilée » faute d’avoir entendu l’alarme de son réveil ! La nuit dernière, dormir a donc été l’urgence, quitte à négliger un peu la vitesse du bateau. L’idée était d’attaquer frais et lucide les ultimes longueurs d’une course toujours aussi palpitante.
Le Cléac’h en patron
Etalés sur 30 milles d’Ouest en Est, les navigateurs ont choisi leur stratégie dans cette navigation à la lisière de l’anticyclone. Il est désormais trop tard pour changer de camp. Emmené par le bizuth Yoann Richomme (DLBC), le groupe du large, calé sur la route directe, semblait avoir pris l’ascendant en fin de matinée. Le problème est qu’ils ont flirté d’un peu trop près avec la bulle sans vent. Vitesse en berne, Richomme et ses compères ont chuté dans le classement aussi spectaculairement qu’ils l’avaient remonté quelques heures plus tôt. Dans la foulée, Armel Le Cléac’h, éclaireur du groupe de l’Est, reprenait les commandes.
Le skipper de Brit Air est sans nul doute l’homme de cette deuxième partie de course. Depuis qu’il a pris les affaires en main à la pointe Bretagne jeudi au petit matin, il n’a été délogé que deux fois de la première ligne du classement. A 16 heures, il devance l’autre homme fort de cette étape : Eric Peron (Skipper Macif 2009). Yann Eliès (Generali-Europ Assistance) complète ce tiercé légèrement détaché du lot. Suivent dans l’ordre François Gabart (Skipper Macif 2010), Thomas Rouxel (Crédit Mutuel de Bretagne), Erwan Tabarly (Nacarat), Corentin Douguet (E.Leclerc Mobile), Alexis Loison (AllMer Ineo-GDF-Suez), Adrien Hardy (Agir Recouvrement) et Jeanne Grégoire (Banque Populaire).
Rendez-vous sur la ligne à partir d’1 heure 30
Nous devrions voir les premiers feux de navigation apparaître vers 1h30 du matin, heure estimée d’arrivée des premiers concurrents à Gijón. Le top 10 cité plus haut sera-t-il inchangé ? Les paris sont lancés. Car la course est loin d’être terminée en dépit du creusement des écarts. Le vent d’est-nord-est reste très instable au large des Asturies et le groupe du large a toujours une carte à jouer avec un meilleur angle de vent. Le mot de la fin sera donc laissé à Jeanne Grégoire : « dans les 515 milles de cette étape, c’est le dernier 5 qui compte ».
Ils ont dit :
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « Tout va bien. Je suis content d’avoir passé le raz de Sein en tête. Après, le golfe de Gascogne, les options sont ouvertes. La flotte est assez répartie. On a une dorsale qu’on a traversée cette nuit mais qui descend aussi avec nous. Alors on lutte pour gagner dans le Sud. On n’a pas encore eu de pétole pétole et c’est tant mieux. Mais ce n’est pas simple, on surveille le baromètre…Cela fait du bien d’avoir eu une nuit où on a pu mettre le pilote et se reposer régulièrement car les deux premières journées ont été assez dures. J’ai dû dormir 4 ou 5 heures par petites séquences de 20 minutes. J’ai passé pas mal de temps à la bannette. Il fallait absolument que je récupère parce que j’étais très très fatigué et je commençais un peu à faire n’importe quoi après le raz de Sein. »
Jeanne Grégoire (Banque Populaire) : « Quand tu doubles un bateau t’as le moral et quand tu te fais passer, tu l’as moins. Mais dans l’ensemble, ça va. J’entends que les autres sont archi-morts de fatigue ou qu’ils ont été cramés à un moment. Moi, ça va. Je suis prête pour cette dernière nuit de mer. Je sais que ça va durer encore longtemps, que ça va être mou, tortueux et vu que le classement change tout le temps sur cette étape, je ne me prends pas la tête, on verra bien quelle place j’occupe à l’arrivée. Je vois les premiers même s’ils sont tout petits devant moi et il y a plein de bateaux autour de moi que j’avais un peu perdu en passant dans les cailloux à Ouessant. Ça distribue pour tout le monde… on verra bien pour qui ça distribuera en dernier. En tout cas, c’est une étape intéressante, typique Solitaire où on est tous bien dans le rouge, où les situations ne correspondent pas forcément à la prévi, où on navigue à toutes les allures. Je me dis que dans les 515 milles de l’étape, c’est le dernier 5 qui compte. »
Les positions à 20h :
1 LE CLEAC'H Armel BRIT AIR
2 PERON Eric SKIPPER MACIF 2009
3 ELIES Yann GENERALI-EUROP ASSISTANCE
4 GABART François SKIPPER MACIF 2010
5 ROUXEL Thomas Crédit Mutuel de Bretagne
6 TABARLY Erwan NACARAT
7 DOUGUET Corentin E.LECLERC MOBILE
8 GREGOIRE Jeanne BANQUE POPULAIRE
9 HARDY Adrien AGIR Recouvrement
10 LOISON Alexis ALLMER INEO-GDF-SUEZ
Source : la Solitaire